Européennes 2019 : un contexte et des enjeux inédits

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Après la séquence des Gilets jaunes dont le mouvement, sans préjuger de la suite, a d’ores et déjà ébranlé profondément un pouvoir qui se croyait au-dessus de toute concession dans le contenu et l’agenda des politiques très libérales qu’il a crû imposer aux Français(es) à marche forcée, du haut de sa légitimité électorale à 24% des exprimés sur son programme.

Affichant mépris et arrogance en prime et passant outre tous les corps intermédiaires, partis d’opposition, syndicats, associations, élus…consultés pour la forme dans le meilleur des cas.

Non seulement il a dû reculer et s’engager concrètement à quelques mesures qui redonnent un peu de pouvoir d’achat mais il n’a pas convaincu le mouvement à renoncer à ses revendications. Les concessions obtenues ne suffisent pas à garantir et à pérenniser des conditions de vie dignes pour les catégories sociales les plus modestes. Le refus de revaloriser le SMIC et de rétablir l’ISF symbolise le parti-pris de ce pouvoir persistant dans ses choix au service des plus riches.

Au printemps, le mouvement social des cheminots était aux avant-postes et la privatisation de la SNCF avait notamment donné lieu à une intense mobilisation qui n’avait pas suffi à mettre en échec le pouvoir, compte tenu de la division syndicale. Les luttes sociales n’ont jamais cessé elles s’intensifient dans de nombreux secteurs du privé comme du public et pourraient prendre un nouvel essor.

Ce qui le met en échec c’est l’irruption de revendications sociales portées par une colère populaire qui a le soutien d’une majorité de citoyens(nes) et qui doit se concrétiser au terme d’un débat public qu’il s’est engagé à organiser à tous les niveaux.  Pour déboucher sur d’autres choix politiques en termes de budgets et d’engagements de l’Etat. Pas pour gagner du temps et miser sur les contradictions internes du mouvement…comme on peut le craindre d’un gouvernement de plus en plus isolé qui tente de rassembler ses soutiens fin janvier à Paris.

Le contexte mondial, européen et national est extrêmement tendu. Un sentiment profond d’instabilité plane, sur fond de guerre commerciale initiée par Trump, de guerres tout court et de menace d’un nouveau krach boursier évoqué par nombre d’économistes libéraux qui le prennent très au sérieux. Un contexte sanctionnant l’échec (pour les peuples) des politiques d’austérité mises en oeuvre depuis près de 40 ans -y compris par les partis socio-démocrates-, tandis que les profits évoluent à la hausse pour les actionnaires des multinationales.

Même le FMI alerte sur l’envol de l’endettement des entreprises non financières qui augmente beaucoup plus vite que le taux de croissance. Lequel a tendance à se tasser,  malgré tout ce qui est dit pour rassurer l’opinion et les investisseurs. Dans les pays les plus riches concernés, l’endettement s’élève à 167 000 milliards de dollars (250% de leur PIB) contre 113 000 milliards de dollars (210% de leur PIB)  il y a dix ans, en 2008 ! (1)

En France et en Europe nous sommes à six mois du renouvèlement du Parlement européen, prochain rendez-vous électoral à très hauts risques. Les institutions de cette Europe des marchés ont fait la preuve de leur malfaisance,  les traités libéraux accentuent toutes les inégalités sociales dans des pays au développement économique inégal. Institutions qui  régentent les politiques nationales, ne les harmonisent nullement par le haut, décident de leurs budgets et leur infligent des purges qui affaiblissent plus encore le pouvoir d’achat, les services publics et le niveau des prestations sociales des catégories les plus fragiles !

Tout pour le capital
Leur mission : ne pas toucher aux profits gigantesques accumulés par les banques et les groupes multinationaux. Mais tolérer, de fait, l’évasion fiscale des mêmes, certains pays de l’UE abritant des paradis fiscaux (Luxembourg, Pays-Bas, Irlande…) laissant au secret bancaire un bel avenir pour dissimuler la fraude fiscale de citoyens « privilégiés » parce qu’ils sont riches !

On sourit à entendre Darmarin promettre, ces derniers jours, de mettre au pas les dirigeants d’entreprises françaises qui ne paient pas leurs impôts en France ??? Les ennuis du PDG de Renault-Nissan-Mitsubishi, au Japon n’arrangent pas, en effet, l’image de ce gouvernement feignant jusque là de ne pas être au courant des griefs qui étaient reprochés à Carlos Ghosn avant d’envisager de lui retirer la présidence de Renault en France ! Et il faudrait les croire sur parole ?

Cette Europe-là est en échec parce qu’elle est livrée aux marchés, aux banques privées, à la loi du profit découlant de l’exploitation du travail salarié et des peuples. Elle est sous la domination de pouvoirs politiques et institutionnels servant les intérêts capitalistes. C’est le sens même de sa construction qui est à reconsidérer, de fond en comble. A plus forte raison pour mettre la transition écologique inséparable des urgences sociales et démocratiques au coeur de ses politiques. Sans confiscation de la souveraineté des peuples.

Faute de quoi, les mêmes orientations produiront les mêmes effets pervers et alimenteront les nationalistes d’extrême-droite qui surfent sur l’impopularité de l’Europe actuelle en pleine crise, le Brexit en prime, pour désigner des boucs émissaires et ajouter à la dictature de la finance, celle d’un pouvoir « fort » dans le sens restrictif des libertés individuelles, des droits de l’homme mais pas des privilèges du capital. Le RN est admiratif de ce que fait et représente Trump : tout un programme. Au Brésil, c’est le retour de la finance, de l’intégrisme religieux, du racisme et des militaires au pouvoir !

Les gilets jaunes -du moins quelques-uns- parlent de présenter une liste reprenant leurs revendications, ce qui reviendrait à constituer un parti ou mouvement, c’est à la mode (LREM, LFI…) alors que les gilets jaunes affichent leur totale indépendance vis-à-vis de toutes les chapelles, qu’elles soient politiques ou syndicales ? En même temps ils sont  traversés par des opinions politiques diverses, parfois contradictoires que certains expriment au nom des gilets jaunes, créant la confusion.

Ce qui tend à prouver que si l’action, la plus large et résolue possible, est déterminante pour arracher tout ce qui peut l’être à un pouvoir sourd aux colères populaires, il est très important que ces actions débouchent sur de nouveaux choix politiques cohérents lorsque les citoyens sont appelés à se prononcer, y compris sans attendre l’échéance d’une élection, fût-elle présidentielle.

À plus forte raison si ce même pouvoir aggrave ce que les gouvernements précédents avaient entrepris dans le même sens. Ne pas voter sous prétexte qu’on n’attend plus rien du suffrage universel, ni de personne, tous les candidats étant mis dans le même sac, nous amène à être dirigés par une caste qui ne représente que la minorité des possédants agissant contre les dominés qu’ils ont réussi à neutraliser. Ou à gagner à leur cause.

Voter est un pouvoir conquis par le peuple dont il convient de se servir pour choisir des représentants proches de vos attentes sociales, écologiques, démocratiques… Il y en a, ils participent en amont aux luttes pour résister, refuser les régressions et proposer de sortir du cercle vicieux selon lequel on ne peut rien faire contre la puissance dominante du système capitaliste et de la loi du marché qui le pérennise en divisant le monde et les sociétés en dominants et dominés. Les intérêts des dominants seuls comptent…et ils sont une infime minorité ! Ce vieux monde craque de partout.

C’est ce système qui est la cause fondamentale des maux dont souffrent nos sociétés, car il est à la base des décisions impopulaires qui nous sont imposées et présentées comme incontournables vu l’imbrication des économies dépendant les unes des autres. Cela s’appelle du chantage et de l’intox. Pour mieux nous résigner à subir ce conditionnement idéologique permanent

On ne changera pas de système du jour au lendemain. D’autant qu’il n’y a aucun modèle prêt-à-porter en magasin. Seulement une volonté et des idées pour en finir avec toutes les aliénations, pour construire une société fraternelle du « vivre ensemble », du progrès social, des coopérations entre les peuples, du maintien de la paix aussi vital que de changer le mode de production et de consommation qui menace la planète elle-même un peu plus chaque jour. Au nom de quoi devrait-on s’y résigner ? Ou laisser croire qu’il pourrait se réformer ? Comme si les profiteurs allaient de leur plein gré renoncer à leurs privilèges !

Chaque vote, prolongeant notre intervention et notre soutien aux luttes sociales et sociétales, contribue fortement au changement progressiste du rapport des forces en faveur du travail, des plus fragiles, de la souveraineté des peuples, en France et en Europe. Pour un développement économique compatible avec les impératifs écologiques, au service de l’émancipation de tous.

L’élection du Parlement européen n’a qu’un tour et se fait à la proportionnelle avec un seuil à 5% pour obtenir un élu. A première vue, il y aura du monde sur la ligne de départ.

Nous aurons l’occasion d’y revenir.

René Fredon

(à suivre)

(1) https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0302379755926-le-fmi-redoute-une-nouvelle-crise-2212399.php

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