Européennes 19  : LFI, sanctionner Macron et faire bouger l’Europe

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Tandis que « Place publique » vient fragmenter un peu plus la gauche en cherchant à sauver ce qui reste du PS, LFI -qui a reçu le renfort de la « gauche républicaine et socialiste », aile gauche du PS, distincte de Génération.s de B. Hamon- veut reprendre des couleurs après une période difficile, dûe à ses dissensions internes, à son mode de fonctionnement très vertical à sa stratégie moins « dégagiste », plus nuancée, y compris sur l’Europe et à quelques excès verbaux de son leader charismatique JL Mélenchon.

Les perquisitions au siège de LFI et les colères entendues ont pesé lourd dans le décrochage de popularité du député de Marseille et de son mouvement.

Décidée très tôt la campagne a décollé à la convention de Bordeaux, avec une jeune femme de 29 ans désignée comme tête de liste, Manon Aubry, originaire du Var, qui était porte-parole d’Oxfam, spécialiste des questions d’évasion fiscale et d’ inégalités, avant de rejoindre LFI en décembre dernier.

Elle n’était pas initialement prévue pour « tirer » la liste mais la défection de Charlotte Girard a poussé JL Mélenchon à la solliciter -elle l’était aussi par B. Hamon- alors qu’elle n’avait pas encore rejoint  LFI. JLM ne manqua pas de souligner qu’il faisait preuve d’ouverture et de capacité de rassemblement.

Manon Aubry a pris à son compte l’orientation fixée à la campagne européenne par son responsable en chef, contenue dans le document « L’avenir en commun en Europe aussi » tout en revendiquant son style et son langage propres pour le porter.

Une campagne qui se veut offensive sur la dénonciation des politiques d’austérité en France et en Europe à partir d’initiatives décentralisées et de grands rendez-vous de proximité autour des hologrammes qui tournent dans de nombreuses villes, dont certaines se montrent peu coopératives pour ne pas dire hostiles. et entravent leur installation.

Concernant l’Europe, LFI veut casser l’image d’un parti qui projetterait la sortie de l’Europe et celle de l’euro -qui ne sont pas forcément concomitEntes-tout en se prononçant pour la renégociation de tous les traités qui ont gravé les choix austéritaires concrétisant le fond de  économie libérale responsable des dégâts que subissent les peuples, pas la finance.

Pour pouvoir à terme, sortir de cette Europe-là et construire une Europe sur d’autres bases ? Question difficile d’autant que les rapports de forces ne paraissent pas favorables à court terme, en France et en Europe. Et pas seulement par manque d’unité à gauche.

La ligne stratégique de LFI a évolué, à commencer par sa prétention à fédérer toute la gauche à partir de sa seule conception élaborée par… JLM et un petit nombre de cadres socialistes issus du Parti de Gauche qu’il influence très directement. Jusqu’à décider seul de luttes sociales en appelant le mouvement syndical à le suivre. Ou à vouloir passer pour le débouché politique naturel du mouvement des gilets jaunes qui ne voulait la tutelle de personne. Puisque issu d’une initiative qui ne relevait pas des partis et syndicats constitués.

Pour l’Europe, LFI ne parle plus de plan A et de plan B, ni même de sortir de l’UE mais de mise en accusation des orientations qui visent à faire payer aux peuples la crise planétaire du système capitaliste qui a connu un pic historique en 2007/2008 loin d’être résorbé.

Comment faire ?
L’Europe se trouve dans une impasse, les peuples et les Etats sous tutelle. Sauf que les dirigeants des Etats ont accepté les traités et voté les politiques qui s’appliquent.

Et c’est bien ce qui accroît le risque d’abstention massive et nourrit la surenchère nationaliste et xénophobe à l’égard d’une politique et d’institutions qui ignorent les peuples.

Lesquels ignorent à leur tour la machine-à-broyer les peuples et les nations, ses buts, ses résultats, ses dirigeants, ses institutions sans bien comprendre ce que peut changer un Parlement largement dominé par la droite européenne rassemblée dans le PPE et des alliés socio-libéraux et centristes contre une opposition…d’extrême-droite stimulée par les conséquences désastreuses des politiques imposées aux peuples.

Cette Europe-là, « on la change ou on la quitte ? » disait JL Mélenchon au lendemain du Brexit en juin 2016. Trois ans après, la réalité (quitter l’UE) apparaît plus problématique à une opinion très conditionnée par les conséquences d’une contagion en son sein. Une fois encore sonnent les cloches du catastrophisme que réveille une telle hypothèse. A-t-on un autre choix que d’accepter l’existant pour éviter l’inconnu, assènent les bien-pensants ?

Rappelons-nous, le 2 mars 2012, Sarkozy est encore au pouvoir, 25 des 28 Etats européens adoptent le TSCG, traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Hollande arrive au pouvoir sur la promesse de le renégocier. Dans son discours-programme du Bourget, le 22/1/2012 il désigne son  « seul adversaire, c’est le monde de la finance ! » A peine investi, il va rejoindre ses partenaires européens de droite et y fait allégeance ! Laissant Valls et Macron se disputer la succession. (1) (Voir le détail/l du vote. A noter que Yannick Jadot avait défendu le « oui au TSCG » au conseil fédéral d’EELV en sept 2012.)

En 1981, le premier président socialiste de la Vè République, Mitterrand, amorce le tournant de la rigueur dès 1983, les communistes (4) quittent le gouvernement. Ils n’auraient pas dû y revenir en 1995. Le PS adopte le libéralisme économique et ses critères. Il votera le traité de Maastricht en 1992. JL Mélenchon continue à vouer à Mitterrand une admiration jamais démentie…

On ne refait pas l’histoire mais on n’est pas obligé de l’ignorer.

En 2019, répondre « non, on ne peut pas trouver d’issue à cette Europe libérale », cela reviendrait à renoncer à transformer l’Europe, à reconnaître une impuissance, à gauche, à crédibiliser un autre projet européen progressiste, social et écologique ? LFI ne l’envisage pas et, comme le PCF, il entend rompre avec tous les traités (que le PCF est le seul à n’avoir jamais voté, à commencer par celui de Maastricht).

Le programme de LFI envisage de construire de nouvelles coopérations avec les pays qui partageront ce projet, libéré des traités austéritaires, prônant la désobéissance concernant notamment « la règle d’or des 3% » de déficit maximum du budget de chaque État. Et la dette publique jamais supérieure à 60% du PIB. Ce qu’aucun État ne réussit à tenir ou presque.

Mais même si toutes les composantes de la gauche se mettaient d’accord -ce qui est loin d’être le cas- sur la dénonciation de tous les traités qui enferment les peuples dans l’austérité,  il resterait beaucoup à faire pour en finir avec la dictature des marchés financiers sur l’Europe ainsi que sur la vision alternative d’une Europe dans laquelle les peuples se reconnaissent, s’impliquent, organisent des coopérations à géométrie variable entre nations libres et peuples souverains.

La campagne devrait clarifier les arrières-pensées politiques et idéologiques qui ne manquent pas. Macron se pose en leader d’une Europe qui déçoit. Il est lui-même très contesté pour ses choix ultralibéraux. Il désigne le RN comme l’ennemi N°1, histoire de circonscrire le débat à cette fausse dualité et à éviter de parler des causes de la faille originelle de cette Europe qui prétendait nous faire entrer dans la « modernité’, nous « protéger », « sécuriser l’avenir de tous » « relever le défi climatique »… et qui donne entière satisfaction…aux plus riches !

À gauche, l’émiettement traduit les désaccords. Des solutions émergent, elles ne vont pas de soi car très à contre courant de la pensée unique. Mais elles existent et seront plus politiques que juridiques, elles appellent des mobilisations contre toutes les régressions et la prise en compte des besoins urgents et des aspirations populaires et ce n’est pas ce qui manque.

À commencer par la mise en oeuvre de politiques sociales et écologiques volontaristes, par la maîtrise de leurs financements. Ce qui permet au débat central sur la monnaie et sur l’euro d’avoir des prolongements indispensables et sans tabou. Et il n’est pas exclusif. Des convergences aussi, existent à gauche, grâce à son pluralisme.

René Fredon

(1) http://www.assemblee-nationale.fr/14/scrutins/jo0030.asp

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