Europe : le grand bazar

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Tandis que, imperturbablement, l’on poursuit en Europe la réforme du transport ferroviaire en suivant les « directives européennes », on commence à observer dans l’industrie et l’énergie les conséquences des mesures estimées rationnelles élaborées par les technocrates européens et avalisées par les gouvernements.

Avec la rupture de l’accord nucléaire Iranien on est en train de mesurer les conséquences de l’absence de politique industrielle de l’Union, nous avons accepté depuis vingt ans les règles américaines de la justice extra territoriale, nous avons payé des amendes colossales, et maintenant nous sommes menacés par les USA si nous maintenons des relations économiques avec l’Iran conformément aux accords que nous avons signés et que nous voulons respecter. Il ne s’agit pas de jouer les vierges effarouchées, nous avons baisse la tête et maintenant il faut savoir comment la relever et c’est loin d’être simple. Au moins si trois ou quatre pays européens font front cela pourrait vouloir dire que nous ne soumettons plus à l’hégémonie qui fait mourir lentement nos industries. Ce sujet est majeur depuis une vingtaine d’années, mais nous nous sommes intéressés à d’autres choses, en particulier la « concurrence intra-européenne » qui a valu à beaucoup d’entreprises européennes de connaitre désormais des propriétaires américains, chinois, indiens, japonais …et de bien d’autres pays.

Il est clair que cet aspect des choses n’intéresse pas les commentateurs de l’évolution de l’Europe et qu’une des conséquences c’est que les politiques ignorent l’industrie en se cachant derrière le libéralisme obligatoire et la saine concurrence paradisiaque qui nous mène tout droit vers la mondialisation heureuse. Je continue à penser que l’hégémonie américaine sur l’industrie mondiale et la montée des actions impériales de la Chine sur les entreprises de notre Continent posent des problèmes dont il faudrait se saisir sous peine de disparaitre rapidement. Mais les émotions quotidiennes sont tellement présentes qu’il devient difficile de se projeter dans le futur, et d’agir.

C’est en européens, c’est-à-dire avec nos voisins du Continent, qu’il nous faut réfléchir et réagir, nos économies sont imbriquées et sont menacées toutes ensemble.

Mais je dis aussi que le bazar que nous avons bâti dans l’industrie n’est rien à coté de celui que nous avons organisé dans l’énergie et que nous risquons de connaitre dans le transport ferroviaire. Nous avons les technocrates d’une part qui décident de disloquer les monopoles sans discernement avec des principes et non des réalités, et de l’autre des techniciens qui essaient vaille que vaille de faire marcher l’énergie électrique…et les trains. Et comme les seuls à comprendre les directives étaient des technocrates, on a fini par en prendre pour diriger le grand bazar où nous sommes déjà et où l’on va aller de plus en plus vite. Pourquoi y allons-nous ? « Parce que ce sont des directives européennes « Cela va-t-il dans le sens de l’efficacité ? en aucun cas ! Mais il faut respecter notre signature !

Nul n’est prophète en son pays, et j’accepte bien volontiers d’être contesté, mais lorsque les résultats arrivent il ne faut pas se réfugier dans le déni de réalité. La société EDP, la première société Portugaise qui produit et distribue l’électricité dans ce pays a depuis quelques années comme premier actionnaire, minoritaire, la société chinoise des Trois Gorges, (la CTG). Celle-ci lance une OPA sur les actions de la société pour devenir largement majoritaire, c’est-à-dire au-delà de 70%. Déjà, à côté, dans le domaine  du pétrole ce sont les Angolais qui sont venus au secours de GALP qui produit et distribue, et on comprend bien que les capitaux domestiques manquent pour soutenir une compagnie dont la déréglementation européenne fragilise l’existence, mais de là à considérer que c’est aux chinois de régler notre avenir électrique, il y a un grand pas !

Voilà donc là où nous mène cette politique désordonnée qui privilégie la doctrine, l’idéologie, aux réalités . EDP avait cru se sauver en rachetant une société d’énergies renouvelables américaine, mais elle reste confrontée comme toutes les autres en Europe à la dislocation obligatoire par activités, à un prix de gros construit artificiellement, à la priorité sur le réseau des énergies solaire et éolienne, et donc à une nécessité d’investissements avec affaiblissement de rentabilité des centrales existantes. Le grand bazar pourrait effectivement être confié délibérément aux chinois qui y mettraient un peu d’ordre avec le souci de la démocratie qu’on leur connait, ils étaient déjà venus en Grèce lorsque nous voulions abandonner ce pays exotique, ils veulent revenir au Portugal …pour nous aider bien sûr.

Nous voici donc confrontés aux démons que nous avons voulu nier l’existence , une absence de volonté industrielle commune pour faire front aux Américains…au Chinois et à tous les autres, une organisation technocratique et inefficace de l’énergie qui nous revient en boomerang , et tout ceci la même semaine ! Il ne fallait pas se tromper, mais il est toujours temps de se reprendre…sauf si l’on regarde ailleurs pour oublier nos échecs collectifs.

Loïk Le Floch-Prigent

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