Pour celles et ceux qui pensent encore que le FN n’est ni à droite, ni à gauche mais un recours possible à la faillite des deux, si tant est que la gauche serait incarnée par le seul PS, les propos récents de la nièce de la famille Le Pen à Béziers et dans une interwiew à « Famille Chrétienne » avec la responsable nationale LR de l’Education, Madeleine de Jessey risquent de déciller quelques yeux.
A Béziers d’abord où la chef de file régionale FN était invitée par Ménard à une rencontre de toutes les droites souverainistes et identitaires, incluant le FN -donc identifié très à droite par Ménard lui-même, un connaisseur- afin de créer une structure politique « indépendante » qui puisse favoriser les reports de voix qui manquent au FN lors des seconds tours ainsi qu’à la droite, du moins à sa partie la plus proche du FN. Et ils s’en révèlent de très proches.
Il n’avait pas de mauvaise intention Ménard, juste une vision très pragmatique des choses. Elu du FN, bien que n’en étant pas membre mais comme si, il sait que le FN seul contre tous, risque de favoriser la coalition, lors des seconds tours, de celles et ceux qui ont compris que le FN est bien à l’extrême-droite, c’est-à-dire encore plus conservateur, plus éloigné des valeurs républicains -il s’y réfère par tactique, comme à la laïcité- il est nationaliste au sens xénophobe et raciste : le danger c’est l’autre qui n’est pas de chez nous mais… »qu’on était bien chez eux » ! Vous voyez ce que je veux dire.
Eh bien, Marion Maréchal Le Pen n’a pas apprécié l’initiative, entendant Ménard clamer qu’il ne voulait être le marchepied de qui que ce soit, peu de temps après avoir emprunté victorieusement celui du FN. C’en était trop pour les oreilles sensibles de la représentante des Le Pen qui a claqué la porte de cette tentative de prise de distance jugée dangereuse. « Comment, il crache déjà dans la soupe » pensait-elle très fort ?
Mais non, il cherche juste à se trouver des alliés pour son propre avenir dans une ville longtemps ancrée à gauche, la vraie, qui a déjà pris la mesure de ce que signifie un pouvoir local d’extrême droite, assumé. Des alliés à droite, naturellement. N’en déplaise à Juppé qui se dit intraitable en matière de porosité ? Tu parles.
D’ailleurs, quelques jours plus tard, Marion Maréchal Le Pen devisait avec Madeleine de Jessey, non seulement responsable nationale des LR à l’Education mais aussi porte-parole de « Sens commun » née des opposants au mariage pour tous, qui n’ont pas abandonné leurs combats, celui des ultra-conservateurs. Cela pour le magazine « Famille Chrétienne ».
« Une alliance entre nous n’est pas interdite..? » suggère MMLP qui confirme ainsi que c’est bien à droite, exclusivement, qu’elle cherche des alliés, et même à la droite de la droite. La responsable nationale LR lui répond qu' »il existe un espace politique -conservateur et souverainiste- qui n’est pas investi » et qu’elle verrait « d’un très bon oeil que cet espace se structure. Son objectif serait de rassembler le peuple français autour de l’identité culturelle de la France… » (entendez l’identité chrétienne dans ce qu’elle a de plus restrictif). Et elle ajoute que « les esprits sont mûrs pour faire quelque chose de neuf à droite. » Bien entendu.
Elle a bien quelques réserves cette militante anti-mariage gay. « Sens commun (1) ne se reconnaît vraiment pas dans le discours d’un Florian Philippot ou d’une Marine Le Pen… », citant notamment « leur étatisme et leur vision centralisatrice de l’Education ».
C’est dire si les différences sont minces car on assiste, avec les politiques libérales, exactement au contraire : toujours moins d’Etat dont il faut réduire les dépenses, moins de services publics et course aux privatisations, dans la santé comme dans l’Education et dans toute l’économie.
Madame de Jessey n’a pas dû bien lire le progamme des LR et de tous ses prétendants. Elle est pourtant au bureau politique. Ni celui du FN qui ne remet en cause aucunement le libéralisme mais qui fait ses choux gras de ses échecs à travers les politiques d’austérité qui affectent les plus vulnérables. Il se présente en chevalier blanc sans s’attaquer aux cause du mal : le capitalisme lui-même, la domination absolue des maîtres de la finance et ses conséquences sur les hommes et sur la planète. Ensemble, ils ferment les yeux.
Les causes pour eux ce sont les immigrés (et les Français qui leur ressemblent) « trop assistés », les migrants « trop nombreux et pas de « notre »‘ culture, les chômeurs trop protégés…Jamais les patrons, les « grands » prédateurs des richesses, des hommes et de la terre, trop payés, créant les paradis fiscaux pour planquer leurs profits et échapper au fisc, délocalisant et faisant venir les salariés à bas coût. Vive le civisme !
Sur tous les terrains, ils se confondent tellement LR et FN, qu’une grande partie de leur électorat transite de l’un à l’autre, au gré des circonstances se disputant sur « qui est le plus identitaire, le plus sécuritaire ? » tout en attisant les peurs et les divisions. On ne les voit pas dans les mouvements sociaux contre les régressions découlant de l’austérité programmée. Si ce n’est aux côtés du patronat avec lequel ils condamnent les salariés en lutte et vont jusqu’à demander l’interdiction des rassemblements ! Vive la démocratie !
A travers ces deux exemples très concrets de connivence sur le fond, entre LR et FN, peut-être y verra-t-on plus clair sur les grandes manoeuvres en vue des présidentielles et sur la nature profonde de ces deux formations à la pointe du conservatisme et donc de la régression sociale. On peut y faire barrage tout en sanctionnant le social-libéralisme à l’oeuvre aujourd’hui.
René Fredon
1. Un mouvement crée au sein de l’UMP en 2013, après les manifs des opposants au mariage pour tous et contre l’IVG, pour fédérer la droite et le centre droit, et peser sur la primaire UMP, devenue LR, dans dans un sens encore plus conservateur.
