Du Grand Débat et de l’impossibilité consentie

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Avant de mourir dans sa prison en 1794 Condorcet a eu le temps d’écrire un petit  texte qui deviendra célèbre « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain. »  Il dit : « Sous les rois l’usage était de proposer, lors d’émotions populaires, un rituel pour donner l’illusion de l’écoute des problèmes du royaume. On appelait cela un Lit de justice, séance solennelle des Parlements régionaux par laquelle le roi ordonnait à ces assemblées d’enregistrer les édits et ordonnances  royales en usant de son droit de remontrance. »

L’art de  donner le change
Le Roi faisait donc semblant d’écouter, puis, souriant lisait ses décisions se terminant par la fameuse  phrase « car tel est mon bon plaisir ».

Tout ce beau monde emperruqué  se séparait dans un silence veule. Le roi avait parlé. Le peuple était calmé. Parfois, le discours durait plusieurs heures. Cette méthode de gouvernement tomba en désuétude dans sa forme ancien-régime, mais prospéra sous les régimes successifs (l’Empire, le Second Empire). La République aux mains des banquiers y ajouta subtilement le droit d’approuver par le vote censitaire. Le vote fut d’abord masculin puis universel détourné par la  représentativité. Le libéralisme, facilita la servitude volontaire. Plus subtil encore, l’ultra-libéralisme inventa le procédé  appelé l’impossibilité consentie.

Convaincre que l’on ne peut améliorer la société.
L’impossibilité consentie est une méthode de domination très bien analysée par Thomas Piketty dans son livre « Capital *». Prenons quelques exemples : On aimerait bien augmenter les salaires, mais on ne peut pas, car ça met en danger l’entreprise ! On aimerait bien revenir  à l’ISF mais on ne peut pas, car les riches iront investir ailleurs ! On aimerait bien rendre les services gratuits, mais on ne peut pas au nom de la rentabilité ! On aimerait bien soutenir les PME françaises, mais on ne peut pas au nom de l’Europe !

Vive le débat !
On aimerait bien, on aimerait bien mais il faut comprendre on ne peut pas ! Ce n’est pas nous c’est la loi d’airain des actionnaires ! Ce n’est pas nous, ce sont ces forces qui nous dépassent  disent  hypocritement les hommes de pouvoir, le cœur sous la main ! Vous devez consentir à cette impossibilité ! Par contre on vous écoutera volontiers et l’on pourra en débattre. Il n’y a pas de tabous. Le débat, le débat ! vive le débat ! Et surtout que rien ne change !

Jean-François Principiano

*Sources : le Capital au XXI ° siècle Edition du Seuil Paris

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