Du bon usage des « casseurs » ?

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Comme il se doit dans tout mouvement social de grande ampleur et après le recours du gouvernement Valls au 49-3, les médias font grand bruit des débordements de petits groupes qui se livrent à des violences et à des déprédations aussitôt exploitées pour tenter de dissuader les citoyens de prendre des risques en se mêlant aux manifestations.

Le procédé est vieux comme la lutte des classes : jeter le discrédit sur celles et ceux qui manifestent justement parce qu’ils subissent la violence sociale directe et permanente, celle qui ne craint pas d’aggraver leurs conditions de vie et de travail au lieu de les améliorer.

Celle qui impose ses choix politiques générateurs d’inégalités, de chômage, de précarité et qui laisse la fraude fiscale sévir à grande échelle ainsi que s’étaler l’indécence des profits et des salaires de ceux qui n’ont que le mot « compétitivité » à la bouche pour justifier les cadeaux au grand patronat payés par les contribuables, directs ou indirects, même par ceux qui  sont en-dessous du seuil de pauvreté.

On nous dit que « la France va mieux… » dès qu’on peut triturer la moindre statistique pour tenter de rassurer une opinion qui ne marche plus et ne se contente plus de rouspéter mais veut se faire entendre du pouvoir en place qui a trahi ses promesses de campagne et du précédent qui veut en profiter pour faire encore mieux…dans le même mauvais sens : l’austérité d’où nous vient pourtant tout le mal.

Les débordements de petits groupes, spontanés ou pas, tombent à point nommé pour faire diversion et rendre service -de fait- au pouvoir contre qui sont dirigés ces mouvements de colère populaire justifiée. Parce que ces actes provoquent la réaction des forces policières et nuisent au rassemblement de celles et ceux qui ont compris que c’est du nombre des participants et de la détermination de leurs revendications -pas d’actes de violence gratuite- que dépendra le niveau de ce qui sera obtenu, face à ceux qui s’entêtent à rester sourds aux attentes sociales.

Ce qui ne veut pas dire que les excès de certains policiers doivent être ignorés, bien au contraire. Le responsable en est le pouvoir lui-même et non la police en particulier.

C’est ce qui avait amené le syndicat de policiers « Alliance » (CFE-CGC) à appeler à manifester le 18 « contre la haine anti-flics ». Parlementaires de droite et du FN s’y étaient précipités, Ciotti, Maréchal-Le Pen, Collard en tête.

Comme si les Français après avoir loués les policiers lors des attentats de Paris et de Charlie-Hebdo, étaient devenus « anti-flics » ?

La CGT-Police avait déploré cette initiative et  « invité la population à venir rencontrer et discuter avec ses policiers qui, n’étant pas en service n’étaient pas soumis à la neutralité du service public ».

Ils ne veulent pas servir de boucs-émissaires à la politique gouvernementale ! « Notre haute hiérarchie aux ordres des politiques et non des valeurs de Liberté-Egalité-Fraternité, laisse les casseurs attaquer nos collègues en toute impunité tout en n’assurant pas la sécurité de la population. »

Le plus pernicieux de cette exploitation de la violence d’une infime minorité c’est qu’elle permet d’amalgamer ces actes aux objectifs de la contestation sociale ?

Elle s’ajoute à la campagne médiatique toujours prête à mettre en avant les effets de la grève et des rassemblements, opposant les grèvistes aux usagers non-grévistes, « qui vont perdre du temps et de l’argent », il y aura les conseils de prudence induisant qu’il y a des risques à ne pas prendre.

Droite et Fn n’ont-ils pas déjà demandé l’interdiction des manifestations en raison de l’état d’urgence ? C’est dans …l’ordre des choses. Le mouvement social tient bon et s’élargit. Les libéraux prennent peur. L’extrême-droite ultra-libérale, aussi.

Tout cela ne suffira pas à dissuader la contestation sociale, trop longtemps freinée et déçue par ceux en qui elle espérait. Elle va remplir les villes de sa volonté de résister et d’être entendue pour arrêter la marche arrière -la loi Khomri en est le symbôle- et remettre le progrès social à l’ordre du jour. Pour pouvoir de nouveau, rêver d’avenir.

René Fredon

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