Deux exemples, plus incroyables l’un que l’autre, ont défrayé la chronique ces derniers jours.
Le président de la région Grand Est, Jean Rottner, également médecin-urgentiste en pleine activité, dans cette région exceptionnellement marquée par la pandémie suite à un rassemblement, fin février, de 2 500 fidèles d’une église évangélique dont 359 se sont révélés porteurs du virus.
Les moyens hospitaliers se sont retrouvés rapidement saturés en matériels et personnels soignants et logistiques, le stock de masques faisant notoirement défaut à l’échelle nationale. Il avait été décrété qu’ils ne servaient à rien.
Jusqu’à ce que le gouvernement prenne la mesure de la pénurie et parle de « reconquérir l’indépendance pleine et entière de la France d’ici la fin de l’année pour la production de masques… » Les régions étaient invitées à prendre leur part de la dépense, le Grand Est en commandant 5 millions, en plus des commandes nationales.
Le président a été tout heureux de récupérer sa livraison, dans la nuit du mardi 31 mars au 1er avril, car il s’en passe de belles sur les tarmacs.
Le président des Régions de France, Renaud Muselier, sur RTL a confirmé qu’un chargement de plusieurs millions de masques hygiéniques commandé par le président de la région Provence Alpes Côte d’Azur a changé de destination, ce 1er avril, vers les États-Unis sur le tarmac d’un aéroport chinois. Et ça n’avait pas l’air d’un poisson.
Il a, en effet évoqué les États-Unis, à la recherche de masques, eux-aussi, qui n’hésitent pas à faire monter les enchères et à offrir de fortes sommes pour s’approprier une cargaison qui ne leur était pas destinée ! Plusieurs ne leur font pas peur.
« Un président de région nous a expliqué que sa commande de masques lui avait été piquée sur l’aéroport même, par les Américains, qui ont payé trois fois le prix, en liquide. Mais je ne vous donnerai ni le nom de la région ni le nombre de masques commandés »
Y a-t-il seulement mauvaise action : du fournisseur chinois, de l’acheteur américain qui paie cash trois ou quatre fois plus cher ? Elle est pas belle la solidarité…Il est pas moral ce monde de requins ?
Quelques semaines plus tôt …
Le 3 mars, la France saisit à Lyon les 4 millions de masques qu’une société suédoise, Mölnlycke, faisait transiter par la France pour les livrer à l’Espagne et à l’Italie. Cela suite à une décision du gouvernement de réquisitionner tous les stocks de matériels sur le sol français relatifs à la crise sanitaire !
Pendant deux semaines la Suède a protesté en pure perte; après négociation, elle a pu disposer de la moitié du stock, « à titre dérogatoire » ? Pourquoi pas la totalité ? On ne comprend pas bien. Sauf à considérer qu’un pays de l’UE perd tout droit sur ses biens sur simple réquisition du pays où ils se trouvent.
La réquisition était placée sous la responsabilité du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale. Soit c’était justifiable, soit ça ne l’était pas ? Mais pas à moitié. Si les motifs n’étaient pas vénaux comme dans le cas précédent, ils paraissent quelque peu arbitraires, surtout entre pays européens.
Comment peut-on expliquer que la France puisse arrêter ou seulement ralentir l’envoi de matériels, quels qu’ils soient, dans les deux pays au monde les plus frappés par le virus ?
Il y avait eu un précédent tout récemment entre Prague et Rome, la police tchèque avait récupéré du matériel destiné à l’Italie, masques et appareils respiratoires et la tension était retombée. Vous avez dit : Europe ?
De tels procédés en disent long sur les rapports entre les États où se mesurent les priorités ainsi que la mise en oeuvre des « lois du marché », plus encore en temps de crise sanitaire majeure. C’est vraiment la guerre … commerciale sans aucun scrupule. Les plus forts imposent leur loi et font monter les prix ! C’est le repli nationaliste bien avant le souci de l’intérêt général et de la santé publique en Europe et dans le monde.
Pour la solidarité, heureusement il y a les peuples.
René Fredon
