Création mondiale d’une œuvre lyrique de Michèle Reverdy 

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Michele Reverdy

Création mondiale d’une œuvre lyrique de Michèle Reverdy  d’après deux nouvelles fantastiques de Calvino

Cosmicomiche
C’est dans la grande salle du Liberté que l’événement musical se déploya. En une heure et en italien le texte de  Calvino a été magnifié par une musique kaléidoscopique au lyrisme évident de Michèle Reverdy. Interprétation impeccable d’un petit ensemble emprunté aux meilleurs pupitres des musiciens de l’orchestre de l’opéra de Toulon Boris Grelier (flûte et piccolo), Frank Russo (clarinette), Bruno Badoux (cor), Vassilia Briano (harpe), Alain Pélissier (alto), Manuel Cartigny (violoncelle) et Cédric Clef (percussions). Direction précise de Léo Warinsky (photo). Du côté scénique belle mise en espace de Victoria Duhamel. Costumes Emily Cauwet-Lafont Lumière David Simon Deshais. Avec  la soprano Mélanie Boisvert, la mezzo Albane Carrère et le baryton Francesco Biamonte. Tous les trois excellents.

Cette réussite est le résultat d’une coproduction intelligente regroupant le Festival Présences féminines, de Claire Bodin. Le Liberté, scène nationale de Toulon et  l’Opéra de Toulon. Enfin ce beau projet  a été soutenu par la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur

Italo Calvino la fable de l’univers.
Née en 1943 à Alexandrie d’Egypte parmi la petite communauté italienne, Michèle Reverdy est très tôt familiarisée avec la langue Dante. Etudes brillantes à Paris. Premiers succès  dans le domaine symphonique ainsi que dans celui de l’opéra, avec Le Château d’après Franz Kafka, La Haute Note Jaune (vie et mort de Vincent van Gogh) , Le Précepteur – commande de Hans Werner Henze pour la Biennale de Munich 1990 – d’après Jacob Lenz, Le Fusil de Chasse d’après Yasushi Inoué, et surtout Médée d’après Christa Wolf, créé à l’Opéra de Lyon dans une mise en scène de Raoul Ruiz, en 2003.

Les deux nouvelles de Calvino retenues sont Un segno nello spazio Et Tutto in un punto. La première est un commentaire de l’idéalisme intégral de Berkeley : si l’univers est une simple manifestation de notre perception il est fait de la succession des signes qui le constitue. Malgré tous ses efforts l’homme ne peut percer le secret des apparences.

La deuxième nouvelle est un commentaire ironique de la relativité einsteinienne espace-temps. Si le Big Bang est le début de l’univers, l’espace et le temps se confondent. Il est né d’une contraction, d’une explosion et d’une expansion qui aboutira à une nouvelle contraction.

Une musique d’une grande fluidité
Le style de Reverdy fluide et tendre, s’empare de ces problématiques philosophico-poétiques par un luxe de détails timbriques. Conçu en 1990, elle reprend ici en quelque sorte son  premier jet qui n’a jamais été, ni joué ni mis en scène. C’est donc vraiment une création mondiale. Pourtant ce n’est pas vraiment de la musique contemporaine radicale. L’œuvre musicalement parlant appartient plutôt à l’expérience passée du théâtre musical de Claude Prey des années 80. C’est comme un petit astéroïde sur une orbite éloignée qui reviendrait en pleine lumière par je ne sais quelle force cosmique… En somme Cosmicomiche serait donc un opéra de poche ou comme on dit en italien un « opéra tascabile ».

L’écriture est basée sur la superposition d’un continuum (ou domine le percussif) et d’un recitativo cantando des trois chanteurs.

Les durées, les intensités, les attaques, sont mises sur le même plan que les sons ; l’ensemble donne des couleurs de durées et d’intensités s’adaptant assez bien au texte fantastique de Calvino. Chaque son selon les instruments  change de durée, d’attaque, et d’intensité, à chaque région sonore de la partition qu’il occupe.

Sur le plan vocal les voix suivent bien le fraseggio naturel de l’Italien dont le baryton Francesco Biamonte par exemple est une réussite  significative (projection, ampleur, diction, émission). L’ensemble des deux systèmes le vocal et l’instrumental donne enfin une sensation d’immersion dans un univers sonore parcellisé d’où  émerge parfois un certain lyrisme.  Dense et statique en elle-même, cette petite œuvre arrive à une péroraison irrésistible : un véritable élan d’amour général autour d’un bon plat de tagliatelle ! Fusion heureuse entre l’ironie latine et la clarté française, sa création a été accueillie avec enthousiasme par une salle comble.

Jean François Principiano

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