Qu’elle était belle la photo de Macron, ce 15 juin, accueillant son hôte italien, Conte, au pied des marches avant de faire face aux caméras, sur le palier de l’Élysée, côte à côte, se tenant par la taille comme deux copains heureux de se retrouver, large sourire de circonstance. Aussi ridicule que les mamours avec Trump.
Pour peu qu’on se souvienne que la veille, Macron et sa suite tenaient des propos très sévères sur leurs homologues italiens depuis que leur ministre de l’intérieur Salvini, patron de l’extrême-droite, avait interdit à l’Aquarius et à ses 629 migrants d’accoster en Italie ! Comment ont-ils pu refouler ces hommes, ces femmes et ces enfants ? Au nom de quelles valeurs humaines ?
Ils ont qualifié le gouvernement français d’hypocrite ainsi que l’Europe prétendant réduire les flux migratoires tout en ne prenant pas les dispositions et en laissant l’Italie absorber les vagues de demandeurs d’asile. Ce qui n’est qu’une partie de la réalité.
La crise en Europe est entrée dans une nouvelle phase.
Une carte brune des États hostiles à tout accueil des migrants sur leur territoire, s’étale dangereusement au centre de l’Europe et à ses frontières : La Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Lettonie, l’Estonie, la Croatie…et maintenant l’Italie !
Le très jeune chancelier autrichien, Sébastien Kurz (32 ans) vient de rendre publique la volonté des ministres de l’intérieur de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie de former une alliance baptisée « l’axe de la volonté » pour protéger les frontières de l’Europe. (1)
Une situation qui vise à isoler Angela Merkel fragilisée par l’entrée de l’AfD au parlement. La CSU (union chrétienne sociale) l’accuse de laxisme. Elle lui lance un ultimatum sous 15 jours et menace de rompre l’alliance qui remonte à 1949 (2) Son président Hors Seehofer est…le ministre de l’Intérieur ! Il a le soutien de Trump.
Voilà où nous mènent les politiques européennes de durcissement aux frontières, de refoulement des migrants fuyant les zones de guerres dévastées, les persécutions…sous la pression de dirigeants hostiles qui s’alignent sur l’extrême-droite et considèrent comme un danger « les envahisseurs porteurs d’une autre culture incompatible avec la leur » disent-ils. Ils préférent construire des murs plutôt que des passerelles avec les humains qui ne leur ressemblement pas et seraient « une menace pour la civilisation occidentale ».
C’est ce qu’exigent ces ultraconservateurs populistes de droite, recourant à la peur, à la xénophobie, au nationalisme le plus extrême, prenant prétexte des difficultés économiques créees par les très riches et qui font beaucoup de pauvres. Ils tournent ces derniers, non pas contre leurs véritables exploiteurs mais contre les plus pauvres encore, ceux qui ont tout perdu et qui espèrent une nouvelle vie. Et pour la plupart de pouvoir retourner au pays. !
Au lieu de leur tendre la main, ils leur interdisent d’accoster « chez nous…qu’ils aillent où ils voudront, qu’ils restent chez eux », quitte à les livrer à la même situation de désespoir qui les avait contraints d’envisager l’exil pour échapper au pire. C’est ça leur « humanisme » !
Présente dimanche à Mossoul en Irak, l’ambassadrice du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU, l’actrice Angélina Jolie a estimé qu’il était prioritaire de prévenir les conflits si l’on voulait réduire les souffrances qu’ils entraînent. (3)
« Lorsqu’il n’existe même plus le strict minimum d’aide, les familles de réfugiés ne peuvent pas recevoir un traitement médical adéquat, les femmes et les filles se trouvent en position de vulnérabilité face aux violences sexuelles, beaucoup d’enfants ne peuvent pas aller à l’école et nous gaspillons l’opportunité d’investir pour que les réfugiés puissent acquérir des qualifications et ainsi aider leur famille », a-t-elle souligné.
« Telle est la situation aujourd’hui en Irak, en Syrie et partout dans le monde où se trouvent des réfugiés ou des déplacés »,
En attendant, les réfugiés qui arrivent en Europe, de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique et dont le rythme n’est pas prêt de décroître, ont droit à l’asile et l’Europe s’avère incapable d’organiser un accueil équilibré à visage humain, proportionnel aux possibilités des Etats, sans faire porter à certains, du Sud notamment, le poids de leur situation géographique. Ni sans leur faire supporter l’accueil des réfugiés des pays qui les renvoient vers leur premier pays d’accueil, selon les accords de Dublin complètement dépassés.
Macron et Conte ont fait mine de s’être mis d’accord pour ouvrir des centres d’informations de l’Europe dans certaines capitales du M-O et d’Afrique pour tenter de dissuader les réfugiés de partir à l’aventure dans des pays qui ne souhaitent pas les recevoir. Encore une concession, une tentative de dissuasion assez honteuse que Macron a couverte. Il ne manquera pas, sans doute, de s’en ouvrir au Pape qu’il rencontre mardi ?
Un Pape qui ne mâche pas ses mots concernant cette question brûlante depuis que les occidentaux ont décidé d’y intervenir militairement pour des questions d’intérêts privés. Il ne cesse de réaffirmer son opposition à toute restriction de l’immigration, il se prononce pour l’octroi de visas humanitaires et recommande de favoriser le regroupement familial…
Ce qui n’empêche pas des chrétiens très conservateurs, voire fondamentalistes de militer pour une cause aux antipodes de la vision du Pape François.
Macron veut « fortifier le droit d’asile en Europe » (4)
Mais dans un sens « qui ne laisse que peu de marge de manoeuvre aux Etats ». Dans la foulée de la primauté du droit euroépen sur le droit de chaque Etat et de la restriction de la clause de souveraineté. Voilà qui ne va pas rendre facile l’examen de la vision macronienne de l’Europe qui date de novembre 2017 et qui a de fortes odeurs de fédéralisme.
Les collectifs Migrants, comme celui du Var, sont résolument engagés aux côtés des demandeurs d’asile et des mineurs isolés dépourvus de tout pour qu’un accueil digne leur soit offert et qu’un titre de séjour leur soit attribué pour leur permettre de faire valoir leur droit à l’asile dans le pays de leur choix. En même temps qu’il soit mis fin à la chasse aux militants des droits de tous les hommes face à des situations qui portent atteinte à leur dignité, à leur vie.
Cela n’appelle par ailleurs aucun angélisme, aucune faiblesse vis-à-vis du terrorisme d’où qu’il vienne. Ni aucun trou de mémoire dans l’origine du chaos qui règne au M-O et en Afrique. Et dont nous subissons les conséquences…mais pas les plus dramatiques.
Il n’est pas un progressite -croyant ou non- qui puisse fermer les yeux sur les dangers qui montent d’une Europe en train de céder aux forces de la haine et de la guerre entre les peuples qui ont besoin de solidarité et de coopérations, de fraternité et de paix.
L’Europe libérale ou social-libérale, encore moins l’Europe des xénophobes ne sont la solution. Elles sont le problème. Ne serait-ce que parce qu’elles se nourrissent l’une, l’autre.
René Fredon
(1) https://www.breizh-info.com/2018/06/15/97781/autriche-allemagne-italie-axe
(2)https://actu.orange.fr/monde/crise-migratoire/allemagne-ultimatum-pour-angela-merkel-sur-les-migrants-CNT00000149ZQs.html
(3) https://actu.orange.fr/monde/en-irak-angelina-jolie-plaide-pour-prevenir-les-conflits-CNT00000149967.html
(4) https://journals.openedition.org/revdh/3351
