Porte-parole du mouvement « Ensemble ! », une composante du Front de gauche, Clémentine Autain sera ce soir, mardi 5 mai, à 18 heures, salle Méditerranée à Toulon, pour une conférence débat sur le thème « Redonner goût à la politique, comment reconstruire la gauche », en présence des militants de Syriza.
TV83.info : Depuis les dernières élections, la Gauche n’a plus d’élu au conseil départemental du Var. N’avez-vous pas l’impression, en vous déplaçant à Toulon, de venir prêcher dans le désert ?
Clémentine Autain : Ce n’est pas une expression que j’utilise car je ne prêche pas et je ne crois pas que ce soit un désert. A gauche, nous sommes dans une période difficile liée à la crise du mouvement ouvrier qui traverse toute l’Europe, à un moment où le mouvement social est à la peine. Il y a des mobilisations très intéressantes en France mais elles sont atomisées et ne donnent pas le « la » dans l’espace public dominé par un monde politique à bout de souffle, avec des alternances entre l’UMP et le PS qui détériorent les conditions de vie du plus grand nombre et creusent les inégalités sociales. Face à cela, le FN capte la contestation, la désespérance et la conduit à voter pour l’extrême droite dont le projet politique est xénophobe et autoritaire.
TV83.info : Le FN a d’ailleurs capté l’essentiel de la couverture médiatique le 1er mai au détriment des traditionnels rassemblements syndicaux.
Clémentine Autain : Pour l’instant, on ne dame pas le pion à la saga médiatique de la dynastie de Le Pen dans laquelle je vois une grande entreprise de banalisation de l’extrême droite. C’est un scénario que nous ne parvenons pas à déjouer d’abord parce que la gauche radicale, pour prospérer, ne doit plus être identifiée, accolée à la politique gouvernementale et au Parti socialiste. Il faut rompre avec la stratégie d’union de la gauche pour pouvoir rénover notre espace politique en lui donnant les moyens de fonctionner de façon moins pyramidale et de bâtir un imaginaire politique en phase avec le XXIe siècle.
TV83.info : Comment comptez-vous redonner goût à la politique à ces millions de Français qui ne vont plus voter ?
Clémentine Autain : Nous devons sortir de cette image que nous donnons d’incarner une vieille gauche. Nous ne devons pas être là seulement pour défendre les acquis mais aussi pour projeter la société dans un avenir collectif qui sera meilleur. Nous devons également investir l’imaginaire pour redonner goût à la politique et redonner à la gauche du mordant, du tranchant, du goût et de la saveur. Nous devons faire ce travail en ouvrant nos portes et nos fenêtres sur ce qui bouge dans la société. Cela veut dire ne pas rester dans l’entre soi d’un cartel électoral mais rechercher des points d’appui pour fédérer ce qui est en train d’émerger en terme de critique sociale et d’invention. Nous pourrons alors imaginer progresser et espérer damer le pion à la progression de l’extrême droite.
TV83.info : Cela risque de vous prendre beaucoup de temps?
Clémentine Autain : Nous avons un socle électoral qui faiblit peu comparé à la claque électorale que prend l’ensemble de la gauche. On a perdu une bataille dans la première période face au FN et à Marine Le Pen. Je crois profondément que nous n’avons pas perdu la guerre. La France n’est pas Grèce mais la progression de Syriza s’est faite très rapidement.
TV83.info : Êtes-vous d’accord avec le candidat socialiste aux Régionales en PACA, Christophe Castaner, lorsqu’il déclare, en parlant de Marion Maréchal Le Pen (FN) et de Christian Estrosi (UMP), devoir affronter deux candidats d’extrême-droite ?
Clémentine Autain : Christian Estrosi fait partie de ceux qui incarnent les liaisons dangereuses entre FN et UMP, une porosité qui se banalise entre la droite classique et l’extrême droite. Mais il n’y a pas de raccourci pour battre le FN. Le meilleur antidote au FN, c’est d’être capable de faire vivre une alternative politique porteuse d’espérances concrètes. Le problème du candidat socialiste est d’être entaché de la politique gouvernementale décriée dans les milieux populaires qui souffrent de toutes les crises que nous traversons. Pour battre le FN, il faut être sans faille sur le plan idéologique et on voit bien que des batailles ne sont pas menées sur le fond.
TV83.info : François Hollande a-t-il commis une erreur politique en comparant le discours du FN à un tract du PCF des années 1970 ?
Clémentine Autain : En déclarant cela, il sert la soupe à l’effort de triangulation de Marine Le Pen. Il brouille les cartes et abandonne les catégories populaires. Mais ce que je trouve le plus grave, c’est qu’il valide le fait qu’aujourd’hui, quand on est d’un milieu populaire, on votre FN comme autrefois on votait pour le Parti communiste français. Les milieux populaires se sentent à raison délaissés, méprisés, par ce qu’on appelle « la classe politique ». Et ils ont raison car ils le sont concrètement.
TV83.info : Pour quel candidat souhaiteriez-vous pouvoir voter à la présidentielle de 2017 ?
Clémentine Autain : Ce qui m’intéresse, c’est le processus politique. Pas tellement qui, mais plutôt quoi. Je m’intéresse au type de rassemblement large que l’on pourrait avoir, en espérant qu’un déclic va se produire, car maintenant, ça urge. Nous sommes dans une véritable course de vitesse avec la FN. Si nous avons une bonne construction politique, je suis sûre que nous parviendrons à trouver la meilleure candidature pour 2017.
