Reprise heureuse des Amours de Lindoro et Zelinda. Un Goldoni pur jus en français par une distribution jeune et motivée.
Est-ce parce que Goldoni aimait tant la France et que les filles de Louis XV prenaient des leçons d’Italien avec lui, que le théâtre français a toujours eu un faible pour l’auteur de la Locandiera ? La nouvelle traduction de « Gli amori di Zelinda e Lindoro, La gelosia di Lindoro e Le inquietudini di Zelinda » a été bien reçu par le public toulonnais alors que lors de sa création en 1764 pour le théâtre San Luca di Venezia cette trilogie avait déçu.
Une intrigue légère
Goldoni a écrit ces trois piéces en italien et vénitien, peu avant son installation en France. L’intrigue est légère comme un glissement de gondole la nuit sur le grand canal : Zelinda, une belle orpheline et Lindoro, un jeune noble déshérité, s’aiment secrètement. Pour être au plus près de sa cara Zelinda, servante chez un généreux barbon, le garçon s’est fait embaucher comme secrétaire par ce dernier. Malgré de nombreux obstacles et quiproquos (Zelinda est l’objet des convoitises de l’intendant et du fils de la maison), le couple parviendra à convoler en justes noces (épisode 1). Mais pour atteindre la félicité, il lui faudra dompter ses démons : la jalousie maladive de Lindoro (épisode 2) et celle de Zelinda, sur fond de deuil et d’héritage épique (épisode 3).
La difficulté de mettre en scène Goldoni
Un jour Jack Lang avait dit à Giorgio Strehler « À part vous il n’y a pas plus de trois metteurs en scène au monde qui sachent monter le théâtre de Goldoni. ». Devant son long silence et espérant être dans le petit nombre des élus, Lang s’entendit répondre par Strehler « je cherche le deuxième… » Il est vrai que rien n’est plus difficile que cette forme de théâtre d’ambiance, sans message, sans action, qui annonce Tchekhov. Tout doit être suggéré, sans histrionisme, ni pesanteur. Le ton juste et le geste stylisé. L’absence de rhétorique déclamatoire ou de tirades emphatiques. Aucun rôle doit dépasser les autres pour ne pas nuire à la choralité du tout. C’est la modernité de Goldoni.
Un marivaudage à l’italienne.
Les comédiens sont apparus assez à l’aise avec le texte français beaucoup plus figé et stéréotypé que l’original. Augustin Bouchacourt, Charlie Dupont, Ahmet Fattat, Tania Gabarski, Jonathan Gensburger, Frederic de Goldfiem, Pauline Hurriet, Félicien Juttner, Thibaut Kuttler et Joséphine de Meaux ont défendu l’œuvre avec efficacité.
Muriel Mayette-Holtz imprime à son équipe un bon rythme dans le style du théâtre classique français, un décor sobre (quelques meubles dont un canapé baladeur et quelques panneaux glissants), Les costumes mélangent allègrement les époques. Le tout est parsemé de chansons vaguement napolitaines susurrées à dose homéopathique par une interprète discrète (Eve Pereur) et un piano-bar anecdotique. (François Barucco) Les fureurs de la jalousie sont exaltées avec subtilité et les quiproquo annoncent de loin Feydeau.
Un zeste de féminisme, une pincée d’érotisme, une goutte de nostalgie et le charme des jeunes interprètes ont conquis la salle ou plusieurs classes de lycéens ont manifesté leur enthousiasme. Tout le monde semblait ravi de cette belle soirée de théâtre qui sera prolongée ce soir pour la troisième partie intitulée, les Inquiétudes de Zelinda. Goldoni alla francese !
Jean François Principiano
Prochains spectacles Dhafer Youssef Musique à Châteauvallon vendredi 22 octobre 20h 30.
Double murder d’Hofesh Shecter danse mardi 26 et mercredi 27 octobre 20h30 au Liberté
Infos et réservations : www.chateauvallon-liberté.fr tel : 09 800 840 40