Bilan culturel du département

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Extension de l’offre, évolution du public !
L’année qui s’achève a vu de nombreuses modifications de la vie culturelle varoise. Pendant longtemps voué au tourisme d’été, le Var se restructure sur le plan culturel. Ce phénomène est général à la région PACA. Il correspond à une diversité économique voulue sans doute par les tutelles mais aussi par la demande du public vieillissant de cette région. (Plus 4 points par rapport au vieillissement de la population française Source INSEE 2017).
Ce double phénomène génère une série de transformations notables dont l’année 2018 fut le théâtre. Les chiffres sont parlants (22 médiathèques ou bibliothèques rénovées, 3 théâtres nouveaux, cinq mutualisations effectives, 123 associations culturelles nouvelles fondées ! Au total une empreinte culturelle plus forte sur l’ensemble du département avec une pointe dans le Moyen et Haut Var.
Ce mouvement s’appuie sur des spécificités plus ciblées : tourisme-nature, tourisme-randonnées dans le nord et l’est, culture associative, culture régionaliste dans le centre enfin culture nationale ou médiatisée dans la bande littorale de Saint Tropez à la Seyne. On vieillit bien dans le Var et surtout en bonne forme intellectuelle et physique…

L’effort des tutelles.
Obéissant a une tradition de décentralisation responsable les diverses tutelles sont très actives. Le poids de la culture et des loisirs (comprenant le sport) occupe près de 18% des budgets alloués. Sans écraser le lecteur de chiffres disons que la culture/loisirs est bien représentée avec une augmentation de 2,75% sur 3 ans. Le Département, l’Etat et la Région ne lâchent rien. Par contre cette évolution reste sans direction précise et varie au gré des fluctuations du public. Peu de Communes ont le réel souci de vasculariser la culture dans le tissu social, mis à part lors des périodes électorales (certains festivals ont du s’arrêter faute de renouvellement de leurs subventions, sans causes réelles et sérieuses ; d’autres, jugés trop engagés, ont été étranglés sans recours possible). L’argent reste roi dans ce domaine une fois de plus. L’aide au sport est trop disproportionnée et variable entre des villes comme Toulon ou Brignoles, Draguignan ou Saint Maximin par exemple. Pas toutes les communes ont des RCT ! Hyères semble avec la Seyne pratiquer un équilibre assez exemplaire.

Les carences s’installent.
Selon l’Insee, les dépenses des ménages varois pour la culture ont légèrement augmenté cette année. Certaines villes sont mieux dotées que d’autres ou pratiquent un volontarisme de circonstance que les sociologues qualifient de géographique (les ports de croisières, les villes de loisir-nature dans le haut-var, les communes d’accueil de seniors, les zones urbaines de résidences secondaires de luxe Grimaud, Saint-Tropez…) Toutes ces nuances sont renforcées par le training général démographique : le vieillissement inéluctable de la population varoise qui évolue et s’accentue dans une fourchette de 2% depuis 4 ans. Or la culture coûte de plus en plus cher. Les restrictions budgétaires liées à la diversité de l’offre aboutissent à un émiettement mortifère pour les petites structures traditionnelles. Le bénévolat est en déclin. C’est le temps des carences. Par exemple il est de plus en plus difficile de trouver des bénévoles pour arbitrer les matchs des associations sportives le dimanche. Autre exemple, de nombreux festivals traditionnels ont dû mettre la clef sous la porte faute de moyens. Les écoles bilingues Français-Provençal sont en grande difficulté dans des communes de tradition occitane.

L’évolution du public
D’autre part, le public varois du spectacle vivant change. Il veut sortir en soirée pour « passer un bon moment ». Et surtout « pour ne pas s’emmerder dans son fauteuil » comme l’écrit sans ambages la revue professionnelle des directeurs de salles. Finies les œuvres de réflexion, place au grand fou rire sur commande ! Ainsi cette année, trente petites salle de style cabaret ont vu le jour dans le département (et même dans des petites communes rurales). On confie leur gestion à des compagnies amateurs de proximité. C’est sympathique mais surtout symptomatique d’un besoin d’oublier les grandes questions existentielles, « cacher ce théâtre qui me dérange et que je ne saurais voir ! ». Il faut ren-ta-bi-li-ser ! Et surtout rigoler en groupe pour oublier sa solitude. Si le phénomène ne restait concentré que dans le secteur qu’il a toujours occupé, on ne pourrait s’en plaindre, car ce besoin est au cœur du spectacle depuis la nuit des temps (Les comédies d’Aristophane côtoyaient sans gêne les tragédies classiques à Athènes). Mais il influence aussi sournoisement le choix des grandes machineries subventionnées. Ce qui tire un peu le goût vers le bas. Et vive la gaudriole ! Plus personne ne veut (ni ne peut) prendre de risque. Quelques exceptions peut-être parmi d’autres : les Concerts Symphoniques de l’Opéra de Toulon, le Festival de quatuors en pays de Fayence ou encore l’Hôtel des Arts de Toulon.

Crispation monétaire.
D’une façon générale la culture est une affaire de terrain dont l’investissement n’est pas immédiatement rentable. Elle protège (sur le long terme) de la violence (en partie seulement) et facilite le lien social (à condition d’être non-élitiste dans son accès mais exigeante dans ses choix non-démagogiques). Il vaut mieux apprendre à rire avec Molière qu’avec les amuseurs publics.
Dans une période de crispation monétaire nationale et internationale (l’argent se raréfie en circulant uniquement dans les secteurs de rentabilité immédiate), la culture est toujours déficitaire puisqu’elle n’est efficace que dans sa projection dans le temps. Même les structures les mieux dotées doivent multiplier des opérations d’appel au public KissKissBankBank dissimulés, invitations au mécénat individuel…). Tout cela pousse certains directeurs à créer des catégories élitistes de places (Golden, Goldenissime, Premium…) ou au dédoublement des premières catégories. L’exemple le plus emblématique est celui des Chorégies d’Orange ou du Festival d’Aix qui pratiquent des tarifs discriminatoires et réservent les meilleures places à un public d’ultra privilégiés. C’est un phénomène bien Français. Le prix d’une place au Festival Wagner de Bayreuth est cinq fois moins cher qu’aux Chorégies d’Orange !

Le cas de Châteauvallon et du Théâtre Liberté
Dans ce contexte de « tétanisation subventionnaire », l’expérience du rapprochement Liberté-Châteauvallon de l’année écoulée reste toujours à suivre. Voilà deux lieux culturels du département aux spécificités bien marquées : un Théâtre de Ville et un Centre Culturel de Création. Une réorganisation s’impose.
Cette année le public du Liberté s’est renforcé en terme de fréquentation et en fidélité d’autant que l’empreinte de ce nouveau théâtre est ressenti comme un plus incontestable dans tout le département. Quelques spectacles ont été moins suivis mais, d’une façon générale, le public toulonnais est satisfait de « son théâtre ». Celui de Châteauvallon est plus inquiet pour l’avenir. Il constate, d’une façon quasi unanime qu’en termes de communication ce lieu est en perte de visibilité. « Y a-t-il un pilote sur l’acropole ? » Pourra-t-il conserver son rôle de soutien à la création et à des spectacles de réflexion innovants et parfois dérangeants ?
Pour terminer sur une note optimiste soulignons que le Var est le département de France qui a le plus investi dans la culture cette année, 4 points au-dessus de la moyenne nationale (Paris, la région parisienne et la région lyonnaise exceptées). Comme disait Pierre Mendes-France dans son livre « Gouverner c’est choisir » : « Je ne sais pas à quoi sert vraiment la présence de la culture dans la cité, mais je sais par contre très bien a qui servirait son absence ! »

Jean François Principiano

Sources :INSEE région PACA département Var https://www.insee.fr/fr/information

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