Nul ne doute que Madame Cecilia Bartoli soit la magnifique artiste qui a marqué sa génération par son talent et sa magnifique voix de mezzo-soprano. Personnalité chaleureuse, tempérament de feu, magnifique virtuose elle a enchanté tous les amateurs d’art lyrique sur toutes les grandes scènes du monde et le public était venu nombreux vendredi soir à Orange pour applaudir cette grande dame du baroque italien.*.
Sonorisation désastreuse
Mais pourquoi avoir accepté de sonoriser ce récital intitulé Viaggio italiano ? Dans ce lieu qui a vu passer les plus grands chanteurs lyriques, qui tous ont chanté sans micro, pourquoi utiliser, au nom du vedettariat, l’artifice de la sono dans un lieu à l’acoustique parfaite ?
Si sonoriser un concert de jazz et de variété est bien adapté, pour la musique classique c’est presque toujours désastreux, ce qui fut le cas vendredi dernier.
Quelques voix dans le public ont bien tenté de le lui faire comprendre mais en vain ; pendant deux heures ce fut une bouillie sonore : violons aux crin crin acides, bois nasillards, cuivres hachés, violoncelles poussifs, harpe métallisée, mandoline énergisée, flûte tonitruante, trompette hululante, percussions agressives, absence de nuances (tout est amplifié par le potentiomètre), rafales de vent rugissant dans les micros… Et que dire de ce piano-clavecin électronique de bastringue indigne du prestige des chorégies (et du prix des places).
Les musiciens du Prince, formation annoncée comme « baroque », menée par une diva « enmistralée » sombrait au fil des minutes dans un show hollywoodien. Ne disons rien musicalement du chef d’orchestre Steven Mercurio qui s’est livré à des mimiques histrioniques. On ne peut rien apprécier dans de telles conditions sonores.
L’inoxydable O sole Mio
Le choix du programme était bien adapté à l’esprit démagogique du récital. Quelques morceaux classiques, Haendel Lascia la spina, Rossini le rondo final de la Cenerentola, l’Intermezzo de Cavalleria Rusticana de Mascagni, mais tout le reste dériva en une complaisante facilité, chansons napolitaines dénaturées par une hyper orchestration, l’inoxydable O Sole mio et des musiques de film insipides.
Entendons-nous bien, le récital de chansons populaires sonorisé, lorsqu’il est authentique, peut-être admirable et il a toute sa place dans le monde du spectacle ; ce qui est plus douteux, c’est lorsque la musique classique veut singer la variété pour faire du chiffre. Elle n’a ni l’authenticité de la seconde ni la rigueur de la première. Le métissage des genres lui est fatal.
Cette soirée a été accueillie poliment et même chaleureusement par une large partie du public, tout heureux de retrouver in live celle qu’il a tant aimé dans ses nombreux enregistrements. Pour beaucoup d’autres, l’étonnement a prévalu, un peu comme le sentiment d’avoir été trompé sur la marchandise, à l’instar de ces produits de super marché où l’on propose des biscuits goût chocolat qui ne contiennent pas un seul gramme de cacao.
À l’issue du concert nous sommes allés à la rencontre de ces excellents musiciens habitués des grandes scènes internationales. Ils nous firent comprendre non sans amertume : la sonorisation, ce n’était pas notre choix !
Jean-François Principiano
*Et Parmi eux tout un car de membres de l’association Operavenir du Var