Akhenaton de Philip Glass Le retour du Soleil

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Et si l’on revenait à la lumière ?
Il faudra attendre le 26 décembre pour que nous puissions dire que les jours rallongent. Ce jour-là, nous gagnerons 1 minute de lumière. À partir de cette date, chaque jour nous  gagnerons des minutes de lumière. Avec le recul de la nuit c’est tout notre état mental qui se tourne vers le renouveau et l’espérance. Dans une stèle célèbre, le pharaon Aménophis IV tend  ses mains vers les rayons du Dieu soleil Aton. Opéravenir vous propose de découvrir l’œuvre de Phil Glass consacrée à ce mystérieux pharaon égyptien, précurseur du monothéisme et dont Freud a pu dire qu’il inspira Moïse.

Phill Glass

Philip Glass et le renouveau de l’Opéra.
Philip Glass est  né le 31 janvier 1937 à Baltimore dans le Maryland, d’une famille d’émigrants  juifs de Lituanie fuyant les pogroms.  Avec ses contemporains Terry Riley et Steve Reich, il est un des pionniers et l’un des représentants les plus éminents de la musique minimaliste répétitive. Après des études générales solides il compose des œuvres pour diverses formations et s’intéresse à l’opéra dont il va renouveler le genre.

En effet  ses compositions de musique lyrique vont le rendre mondialement célèbre. La première fut une collaboration avec Bob Wilson, une pièce de théâtre musical qu’il qualifiera plus tard de premier opéra de sa trilogie des portraits « des grands hommes qui ont changé le monde » : Einstein on the Beach (composée en 1975, la première aura lieu en 1976), pour ensemble orchestral, un violon solo, un chœur et des acteurs. Cette œuvre fut saluée par la critique internationale et figura immédiatement  dans toutes les histoires de l’Opéra.

Son second opéra Satyagraha (1980) est tiré de la vie du Mahatma Gandhi et de ses expériences en Afrique du Sud. Cette œuvre est un tournant dans la production de Glass, car elle est la première écrite pour grand orchestre symphonique, voix solistes et chœurs.

La trilogie fut complétée par l’opéra Akhnaten (1983–1984), puissante composition orchestrale et vocale chantée en sumérien, hébreu biblique et égyptien ancien. En complément, un acteur récite des textes traduits de l’égyptien ancien dans la langue des auditeurs. Cette œuvre  a fait la renommée et la gloire de Phil Glass âgé de nos jours de 83 ans. Il vit actuellement à New York et dans la province canadienne de Nouvelle-Écosse avec sa compagne la violoncelliste Wendy Sutter.

Un cérémonial mystique.
Fortement influencé par l’ésotérisme et la franc-maçonnerie, Philip Glass se décrit  lui-même comme un « juif-égyptien-taoïste-hindou-toltèque-bouddhiste ». Akhnaten (en français Akhenaton) se présente comme une vaste fresque statique et  rituelle décrivant la vie du pharaon Aménophis IV.

Le livret (Philip Glass, Shalom Goldman, Robert Israël, Richard Riddell) se présente comme  une série de textes de l’époque d’Akhenaton chantés dans leur langue originale. Les scènes  sont liées par des commentaires d’un narrateur, en langue moderne, anglais ou allemand. L’Hymne au soleil est chanté dans la langue de l’auditoire. Les écrits égyptiens sont tirés d’un poème d’Akhenaton lui-même, emprunté au  Livre des morts des Anciens Égyptiens, et d’extraits de décrets et de lettres rédigés au cours des dix-sept ans de son règne, que les historiens nomment  la période Amarna. Http://www.passion-egyptienne.fr/Amarna.htm.

D’autres parties du livret sont en sumérien et en hébreu biblique.

Un déroulement scénique original
Acte I: Prélude La première année du règne d’Akhenaton à Thèbes
Scène 1 : Les Funérailles de son père le pharaon Aménophis  III
Scène 2 : Le Couronnement d’Akhenaton
Scène 3 : Le livre des incertitudes recueil de préceptes d’Akhenaton.

Acte II: Fondation d’Akhetaton (l’Horizon d’Aton) la nouvelle capitale ;  Scène 1 : Le Temple ; Scène 2 : Akhenaton et Néfertiti ; Scène 3 : La danse de la ville ; Scène 4 : L’Hymne au Soleil.

Acte III: La 17eme année de règne ; Scène 1 : La Crise  familiale, Scène 2 : la Destruction  de la ville  d’Akhetaton ;  Scène 3 : Les ruines ; Scène 4 : Epilogue.

Philip Glass a choisi de confier le rôle-titre à la voix d’un contre-ténor. Son écriture extrêmement personnelle s’efforce de combiner les sons et tonalités de la musique occidentale avec le mode de chant incantatoire répétitif  de la musique  classique indienne.

Ce sont de larges motifs répétés très longuement avec d’imperceptibles modifications induisant une sorte d’hypnose sonore.

Un grand orchestre traditionnel avec très peu de violons donne à cette musique ses sombres couleurs. Les soli instrumentaux et percussifs  ont beaucoup d’expression.  Glass les confie surtout aux flûtes, trombones et trompettes. A cela s’ajoute un usage discret du synthétiseur électronique.

Je suis conscient que cette musique demande un temps d’adaptation et qu’elle peut  déconcerter par son aspect inouï (au sens propre jamais entendu à l’Opéra) mais elle peut aussi bouleverser l’auditeur par sa couleur  mystérieuse. Certaines scènes, dans la belle production très chorégraphiée  de Lucinda Childs sont à souligner par leur ampleur dramatique.

L’ « Hymne à Aton » chanté par Akhenaton, son duo avec Néfertiti, et le trio final sont des moments de pur lyrisme, pas si éloignés finalement du belcanto romantique par cette raréfaction de la matière sonore accompagnant des cantilènes sans fin. Par exemple, l’air du Grand Prêtre d’Amon avec chœurs  a quelques accents qui rappellent la Flûte enchantée  ou  Parsifal.

L’invention du Monothéisme.
Quand il devient pharaon en 1353 ou 1351 avant J.-C., Aménophis IV  se retrouve face à un clergé égyptien fortement corrompu qu’il décide de réformer. Le jeune homme est révulsé par la vision que lui offre le temple d’Amon (le plus grand dieu du panthéon égyptien, l’équivalent de Zeus chez les grecs) : les prêtres  collectent des offrandes censées aller aux dieux mais qui sont en réalité uniquement destinées à entretenir leur propre luxe ; de plus, ils forment de véritables harems de jeunes filles, officiellement consacrées aux divinités, et entretiennent la superstition populaire pour mieux régner.

Pour celui qui se fait appeler désormais Akhenaton, il n’existe qu’une seule source de divinité, le Soleil Aton.  Akhenaton choisit d’en faire le seul dieu et abolit le panthéon polythéiste égyptien traditionnel. Il change son nom d’Aménophis IV en Akhenaton, qui signifie « Aton est satisfait ». Ainsi, il se pose en tant que représentant d’Aton sur terre, fondant le premier monothéisme de l’Histoire.

Mais les prêtres d’Amon déchus de leur pouvoir  fomentent un coup d’état contre le pharaon prétextant qu’il néglige la sécurité militaire de l’Egypte au profit de ses recherches  mystiques personnelles. Il meurt assassiné dans des conditions que nous ignorons. Il ne faudra que deux ans pour que son fils  monte sur le trône et change son nom en Toutankhamon, initiant le retour à l’ancien culte. Dès lors, le clergé égyptien se venge sur la mémoire d’Akhenaton : son nom et celui d’Aton sont effacés des monuments et l’on restaure les inscriptions qu’il avait fait détruire.

Sa capitale Akhetaton est abandonnée, en partie recouverte par les sables. Elle sera redécouverte et étudiée par les archéologues aux XIX° et XX° siècles.

Le sens de l’œuvre
Philip Glass imprime à sa partition un  ton incantatoire pour bien souligner le passage du polythéisme d’Amon au monothéisme d’Aton. Il utilise de longues plages orchestrales comme des vagues se superposant aux chœurs en langues anciennes afin de plonger l’auditeur dans un état second proche de la transe mystique.

En effet le monothéisme, faisant du cercle solaire la force unique de l’univers, met tous les hommes sur le même plan. Nous sommes tous l’émanation de cette énergie créatrice dont la manifestation est la profusion vitale qui nous entoure et nous enveloppe. Le sommet de l’œuvre est la belle déclamation de l’Hymne du Soleil écrit par le jeune pharaon lui-même, considéré comme un des plus beaux textes de l’humanité :

« Tu te lèves splendide à l’horizon du ciel,
Soleil vivant, qui vit depuis l’origine.
Tu resplendis dans l’horizon de l’Est,
Tu remplis tout pays de ta beauté.
Tu es beau, grand, brillant. Tu t’élèves au-dessus de tout.
Tes rayons embrassent les pays, jusqu’aux confins de ta création.
Tu les soumets tout entiers,
Tu es notre père aux cieux
Tu es loin, mais tes rayons réchauffent  la terre.
Tu es sur le visage des hommes, et le sourire des enfants
Quand tu reposes à l’Occident, sous l’horizon,
La terre est dans une ombre, semblable à celle de la mort…
Mais par toi nous ne craignons plus la mort
Car par toi nous vivons éternellement. »

La version niçoise
Ce devait être un moment fort de l’ouverture de la saison 2020 à l’Opéra de Nice, une nouvelle production de l’opéra. Mais à trois jours de la première, l’annonce d’un nouveau confinement a rebattu les cartes. Salles de spectacles fermées au public, mais répétitions ou enregistrements autorisés par le nouveau protocole sanitaire. Alors l’Opéra de Nice a choisi de maintenir la première prévue dimanche 1er novembre. Une première à huis clos donc et captée pour une diffusion ultérieure.

Durant les semaines de répétitions, les artistes se sont préparés dans l’incertitude. Obligés de travailler masqués, de se faire tester régulièrement, ils ont dû s’adapter sans savoir si le spectacle pourrait se jouer. « Une épée de Damoclès génératrice de stress » comme le souligne Fabrice Di Falco qui incarne Akhenaton. La possibilité de maintenir les répétitions malgré le confinement et de jouer la première a été accueillie comme un soulagement.

C’est cette version qu’Opéravenir vous propose avec le sous titrage français. (à choisir dans le menu setting indiqué par une petite roue)

Jean François Principiano

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