Acteurs ou spectateurs de la vie politique ?

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La présidentielle, suivie des législatives occupent depuis des mois l’espace médiatique et cela ne fait que commencer. L’enjeu est de taille : sortir ou non de l’austérité pour répondre aux attentes sociales.

Les experts, les sondages, les débats nous submergent pour nous focaliser sur celui qui a le plus de chances de devenir le futur président de la République. L’actuel a déclaré forfait, estimant qu’il n’avait plus la confiance des Français, ni même dans son propre parti !

La victoire spectaculaire et inattendue de Fillon à la primaire de la droite le désignait un peu trop vite comme le favori du second tour. Voilà que sa « radicalité » assumée pour tailler à la hache dans les emplois publics (qui manquent pourtant cruellement) effraie dans son propre camp, au point que François Bayrou laisse entendre qu’il pourrait bien s’inviter dans la campagne, tout comme Henry Guaino encore plus sévère. Et Michèle Alliot-Marie candidate déclarée également hors primaire.

Quant à la primaire socialiste -qui n’est pas celle de toute la gauche, loin s’en faut- elle ne peut déboucher sur une candidature qui fasse consensus tellement les positionnements sont inconciliables. Il faut y ajouter Emmanuel Macron, issu du gouvernement, déjà soutenu par des socialistes et qui est en campagne, se voulant lui aussi le trublion du système, ni à droite ni à gauche !!

Le problème c’est qu’avec deux autres candidats déjà déclarés à gauche (Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot) et deux autres annoncés (Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, NPA et LO) cela diminue objectivement l’éventualité d’une présence de la gauche de transformation sociale au second tour. Terrible perspective à laquelle on ne peut pas se résigner.

C’est la raison pour laquelle le PCF a tout mis en oeuvre pour qu’une candidature unique à gauche (non gouvernementale) puisse émerger après l’adoption d’un pacte d’engagement commun à toutes les forces progressistes, politiques, syndicales, citoyennes…invitées à y contribuer.

Ses efforts n’ont pas abouti. Il a choisi de soutenir JL Mélenchon pour ne pas ajouter à la multiplicité des candidats, tout en menant une campagne autonome sur ses propositions, donc sans se dissoudre dans une construction politique, mais en apportant son originalité, ses idées, sa force militante, sa volonté de rassemblement majoritaire autour d’un projet rompant avec l’austérité.

A l’extrême-droite de l’échiquier, le Front National est aux anges après la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis. Ce qui en dit long sur sa conception de la société et des valeurs qu’il porte. Il est devenu un danger majeur, sa progression étant liée aux effets des politiques libérales menées depuis trente ans et des déceptions qu’elles suscitent. Il se prétend lui aussi « anti-système » mais c’est pour le sauver et l’aggraver qu’il s’aligne sur l’ultra-conservateur milliardaire, parfait symbole du système .

Le « patriotisme économique » tel que le conçoivent Trump et la famille Le Pen ne consiste pas à protéger le peuple mais les intérêts des grands groupes capitalistes sur le dos des peuples. Ce n’est pas en érigeant des murs et en baissant la fiscalité des entreprises les plus riches que l’on va en finir avec les inégalités. Ni en restant dans l’OTAN, ni en conservant le 49-3 comme vient de le déclarer la candidate le 3 janvier 2017 sur RMC. Bien au contraire.

Ce n’est pas davantage en désignant des boucs-émissaires et en entretenant des divisions ethniques, racistes et religieuses, que l’on renforce le sentiment d’appartenance à la même nation, ni sa souveraineté qui suppose la coopération mutuellement avantageuse avec les autres pays. L’extrême-droite leur substitue un nationalisme pur et dur qui a servi, au cours de l’histoire, à justifier les conflits d’intérêts et les guerres qui ont suivi. Et nous y sommes toujours. Où étaient les barbares en 39-45 ? Et qui les soutenait en France, dès le milieu des années 30 ?

Notre pays a besoin d’unité nationale
Oui, mais autour des valeurs de solidarité, de laïcité, de progrès social et écologique pour aller vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité. Cela passe par la maîtrise de la finance, de la monnaie et du crédit à travers un pôle public pour servir les intérêts de la nation et du peuple. Pas ceux des banques, assurances et fonds de pensions privés qui alimentent la spéculation et l’évasion fiscale.

Il ne s’agit pas  de corriger à la marge les dérives du néo-libéralisme aux effets ravageurs pour revenir à un libéralisme supposé vertueux et inoxydable. Il faut en sortir, pour redonner vie à une démocratie qui ne soit pas faussée par les institutions et par une représentation élitiste, dans sa grande majorité coupée du peuple, de ses problèmes, de ses aspirations. Un peuple tenu à l’écart aussi bien des grandes décisions de portée nationale, internationale que de celles concernant sa propre vie quotidienne. D’où l’abstention massive.

Une démocratie qui irrigue le fonctionnement des entreprises avec une place accrue des salariés, y compris dans les conseils d’administration pour peser réellement sur les décisions stratégiques et les conditions de travail.

Cela suppose d’écarter les oligarchies qui alternent au pouvoir tout en aggravant la fracture sociale au détriment des plus défavorisés et des autres catégories populaires.

Cette reconquête citoyenne du pouvoir politique à tous les niveaux est l’un des enjeux majeurs des deux élections qui nous attendent. Il y a un fort courant de scepticisme à remonter, fortement instillé par les dominants et leurs serviteurs dans les institutions et les médias, pour que rien ne change de fondamental. On prend les mêmes et on recommence ?

Ou alors on se convainc que tomber dans le piège de la démobilisation populaire -ne plus croire à rien, se résigner- ne peut servir qu’à maintenir au pouvoir les responsables qui s’y relaient et nous enfoncent un peu plus dans les reculs sociaux, les injustices, le chacun-pour-soi, jusqu’au rejet de l’autre.

Nous ne sommes pas condamnés à subir les lois d’un système qui met l’économie au service de la finance mondialisée érigée en dictature et non la finance au service de l’économie, donc des besoins des hommes et de l’intérêt public de la société. De toutes les sociétés.

Il est d’autant plus urgent de changer de cap et de le signifier par la voie des urnes que c’est, non seulement tous les peuples mais toute la planète qui est menacée par le productivisme effréné, par ses conséquences dévastatrices sur notre environnement, par le détournement des richesses créées par les hommes vers une caste d’ultra-riches qui s’en approprie plus de la moitié et ne représente que 1% de la population mondiale.

Par delà les élections, c’est en permanence qu’il nous appartient de résister et de débattre de notre avenir, de celui des générations suivantes, inséparable de celui de toute l’humanité.

René Fredon

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