Les présidents des deux assemblées ont appelé mardi à « une grande marche civique contre l’antisémitisme » à Paris qui ne fait pas l’unanimité des partis politiques représentés, à droite comme à gauche.
Cela en raison du thème unique réduit à l’antisémitisme en France qu’il faut combattre sans aucun doute. Pourquoi ce silence sur l’actualité sanglante, sur toute référence au massacre des populations civiles palestiniennes depuis plus d’un mois ? Le gouvernement d’Israël violant le droit international et rejetant tout cessez-le-feu. Les actes de racisme anti-musulman, l’islamophobie, sont aussi à la hausse en France, alimentés et attisés en permanence par le RN et une partie de la droite.
Comment ne rien dire sur la présence annoncée du RN dont les racines antisémites persistent chez nombre de leurs cadres et de leurs militants, ce qui constitue un sérieux problème de cohérence politique que d’accepter, en fait, de dédouaner l’extrême-droite de ses prétendues « valeurs républicaines » et de banaliser sa présence dans le même rassemblement ?
On connaît les origines et les pensées anti-sémites de l’extrême-droite, toujours vivaces mais pas assumées comme s’ils étaient devenus républicains, gaullistes, anti-coloniaux, pourquoi pas anti- capitalistes, démocrates et progressistes ? Ils se proclament « patriotes, identitaires et souverainistes » distinguant les « Français.es de souche » des Français.es qui le seraient moins ou même pas du tout, à leurs yeux, du fait d’autres origines mais nés en France ou naturalisés en toute légalité…ce qu’ils contestent et veulent abolir.
Ce sont les raisons pour lesquelles LFI a refusé catégoriquement de participer au rassemblement :
« les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous dimanche, sous prétexte d’antisémitisme »…
Fabien Roussel a vivement réagi à cette initiative : « une marche contre l’antisémitisme, oui ! Avec les héritiers de la Waffen SS non ! Allusion à deux parlementaires du Var, Boccaletti et Rachline épinglés pour leur admiration des fondateurs antisémites du RN. F. Roussel a réclamé l’exclusion du Rassemblement national de la marche contre l’antisémitisme. « Pas question de savoir si le RN est le bienvenu. Nous défilerons en tête de cortège et pas à côté du Rassemblement national » répond Yaël Braun-Pivet. Fermer le ban.
PCF, PS et EELV ont proposé d’envisager un « cordon sanitaire » pour isoler le RN, sans succès. Leur participation est l’objet d’appréciations diverses dans leurs rangs.
Véran, porte-parole du gouvernement, a reconnu que « le RN n’avait pas sa place dimanche »…tout en disant qu’il s’agit d’une manifestation publique donc libre d’accès. Il ne se mouille pas trop. D’autres à droite sont plus engagés, comme le président du micro-parti d’ E. Philippe qui « appelle solennellement les organisateurs ainsi que les partis politiques qui y participeront à ne pas être les complices de la banalisation d’un parti fondé par des antisémites. »
Une initiative très ambiguë
Il n’empêche que cette initiative macroniste-LR demeure très ambigüe. Non pas parce qu’elle appelle à condamner l’anti-sémitisme qui s’accentue en France et ailleurs, mais parce qu’elle fait l’impasse sur le contexte d’une guerre qui remonte bien plus loin que le 7 octobre. Certes, l’agression criminelle du Hamas, d’une rare sauvagerie, ne peut être minorée, elle ne saurait, pour autant, justifier les crimes de guerre et le déluge de bombes déversées jours et nuits sur les civils et les enfants de Palestine depuis plus d’un mois. Faisant plus de 10 000 morts dont 4 000 enfants et 241 otages toujours sans nouvelle. Plus que de morts civils en Ukraine après 18 mois de guerre ! (9 369 tués selon le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme)
Situation qui appelle en urgence le cessez-le-feu, l’arrêt des massacres, ce qui ne peut que nourrir de part et d’autre la haine et non point la recherche d’une issue, au risque angoissant de l’embrasement d’une région et du monde. Certain ministre israëlien a laissé entendre qu’une bombe nucléaire sur Gaza pourrait s’avérer très efficace !?
Si Netanyahou a démenti, il n’en a pas moins répété qu’il n’y aurait pas d’arrêt à sa stratégie islamophobe, d’une violence inouïe qui va de pair avec sa volonté d’étendre la colonisation et « d’assurer la sécurité » (sic) de la zone ethnique qu’il est en train de « nettoyer ». Tandis que l’occident, E-U en tête, ne cesse de proclamer sa solidarité inconditionnelle. Tout en se demandant comment ça va finir, ils proposent des couloirs humanitaires dérisoires pour « faciliter » les évacuations et les secours dans un décor de fin du monde, inhumain. Israël n’entend pas ses meilleurs amis.
Macron parle de cessez-le feu
Macron en vient à réclamer le cessez-le-feu, enfin…On ne sait pas s’il sera à la manif. Cela pourrait fâcher des États arabes. Plusieurs ont rompu les accords d’Abraham signés en 2020 avec Israël devant Trump à Washington. Biden n’ose même pas prononcer les mots qui fâcheraient son ami le fanatique religieux. Les E-U envoient deux porte-avions et un sous-marin, en plus de la fourniture des matériels militaires, engins, armes et munitions…il s’en consomme beaucoup en ce moment. Pas très rassurant mais ça fait marcher le commerce, c’est nous qui payons, ils nous serrent la ceinture.
Dans l’Humanité du 9 novembre Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères du gouvernement Jospin estime que « l’appui inconditionnel au gouvernement israélien, c’est l’inverse de la recherche d’une solution ».
L’islamophobie congénitale du gouvernement israëlien d’extrême-droite braque un peu plus les pays du Moyen-Orient. Bien que tous les israëliens ne partagent pas les choix politiques de leur gouvernement et ils le manifestent. La population arabe s’y sent très surveillée, voire suspectée.
Donc, pour les initiateurs de droite de la marche citoyenne pour la République et contre l’antisémitisme, pas d’exclusion de qui que ce soit mais « nous ne serons pas à côté du RN », l’honneur est sauf ? Pas vraiment.
Faisons du rassemblement de ce samedi à 15 h devant l’Opéra, à l’appel de partis et d’associations humanitaires et pacifistes, un rendez-vous puissant d’indignation et de lutte pour que cessent au plus vite le feu, la guerre et la colonisation des terres palestiennes.
Ne laissons pas les peuples se diviser pour des intérêts qui ne sont pas les leurs.
René Fredon