Qui a peur des Nuits debout ?

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Ce mouvement populaire parti du 31 mars et qui fait tâche d’huile dans plus de 50 villes de France -dont Toulon, encore timidement- veut être, hors institutions, un lieu permanent de dialogue direct pour prolonger les luttes sociales des jeunes et des moins jeunes et débattre d’un autre avenir possible pour tous les citoyens de France et d’ailleurs.

Qui cela gêne-t-il ? L’espace public n’est-il pas, par définition, destiné au…public ? Personne ne veut le privatiser, seulement l’utiliser pour parler, sans tabou de tout ce qui ne va pas, des raisons de la colère populaire et elles ne manquent pas, de leurs causes, des conditions à réunir pour en finir avec les injustices, la confiscation du pouvoir politique, du pouvoir économique, des libertés…etc, etc…

Un vaste forum -retour aux sources- qui en appelle à la libération de la parole pour évoquer le vécu de chacun et de tous, les aspirations, les idées sur une société qui ne peut plus continuer comme ça, qui se cherche un avenir.

Par où commencer si ce n’est par se rencontrer, par susciter l’envie de se rencontrer pour échanger, à égalité, sans tribun ni tribune, sans privilégier les professionnels de la parole, pour décomplexer celles et ceux qui n’ont pas l’habitude et tant de choses à dire.

Pour aller jusqu’où ? Qui vivra verra. Il n’y a pas d’ordre du jour ni de feuille de route. On commence à marcher en mettant un pied devant l’autre, jusqu’où ira-t-on ? Nul ne le sait. Mais qu’est-ce qu’on peut découvrir en marchant, en faisant des rencontres !

N’est-ce pas sympathique de voir ces jeunes, ces femmes et ces hommes rassemblés passer des heures à se parler, à partager leurs problèmes, leur vision de l’avenir, leur désir de subvertir la politique telle qu’ils la vivent, la subissent plutôt pour s’inviter et se faire entendre. Montrer qu’on n’en a assez d’être tenus pour des citoyens sans réel pouvoir, qu’on n’écoute même pas et qu’on n’entend pas davantage.

Il n’y a qu’un parti politique -pour l’instant- qui, lui, ne supporte pas une telle initiative, le FN qui a osé demander la dissolution de ces nuits citoyennes qualifiées de « centre opérationnel du saccage de Paris » ! Pas vraiment étonnant.

Pensez donc, des casseurs en profitent pour vandaliser les alentours, comme s’ils étaient envoyés par les organisateurs ou faisaient partie de la fête. Après tout, ça peut arriver, il n’y a pas de fouille à l’entrée, ni de tri sélectif.

Mais ça rend service à qui ? Pas aux participants en tout cas. Ils ont même le sentiment que la violence, c’est eux qui la subissent, sous de multiples formes, notamment sociales, raciales mais aussi policière parfois.

Il y a peu, Finkielkraut s’y est invité mais tout académicien qu’il est, sa présence remarquée lui a valu un accueil assez hostile. Il a voulu visiblement démontrer que le pluralisme n’était guère de mise. Une provocation de plus à son actif. Car il est assez médiatisé pour ses saillies méprisantes à l’égard de la contestation sociale.

Il n’ignorait pas qu’il ne se rendait pas à une réunion de l’Académie française. Il n’y avait pas de fauteuil réservé. L’ancien maoïste a depuis longtemps franchi le Rubicon. Il est très favorable à l’ordre libéral. C’est son droit. S’il y a quelqu’un de très bien traité dans nos médias publics, c’est bien lui. La société du spectacle, il en fait partie.

Le traitement médiatique des « Nuits debout » donne surtout lieu à la mise en scène de ce qui se passe autour et des incidents éventuels tendant à discréditer ce mouvement citoyen en train de naître.

Macron, lui, avait à peine lancé sa bouée de sauvetage percée qu’il passait  au 20h de la 2 et le lendemain occupait pendant une heure sur la 5 les commentateurs patentés se confondant en louanges sur l’audace du ministre au pouvoir loué par la droite. Il est vrai que le pouvoir n’est pas à gauche.

Et, pour alimenter les saines révoltes, ce vote du 14 avril au parlement européen adoptant -en plein scandale des panama-papers- une directive qui garantit le secret des affaires,  ce qui revient à reconnaitre aux multinationales le droit à l’opacité. Droite, PS, FN…ont voté POUR. Seuls le Front de gauche et EELV ont voté CONTRE.

Sur les places publiques de France on rêve de transparence, de démocratie, de liberté et de fraternité. On veut vivre debout.

René Fredon

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