Written on skin de Georges Benjamin Amour Passion et Liberté à fleur de peau !

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 Pour cette nouvelle rencontre lyrique virtuelle l’association Opéravenir vous propose une percée dans l’Opéra de notre temps avec cette belle œuvre Written on Skin (Écrit sur la peau) créée au Festival d’Aix en 2012.

Au-delà du style et de la forme inhabituels, nos amis mélomanes découvriront un spectacle total chargé de sens qui tout en étant d’un langage musical actuel s’inscrit dans la grande tradition lyrique occidentale. George Benjamin, né en 1960 est un des meilleurs représentants de la jeune école britannique dans la   continuité de Elgar, Tippett ou Britten.

Un conte cruel occitan.
Le livret de cet opéra étonnant est inspiré de la légende occitane dite du « cœur mangé » rapportée par le troubadour Guillem de Cabestan 1162-1212, reprise par Boccace et Stendhal.

Un puissant seigneur (« le Protecteur », baryton) fait venir en son château un artiste enlumineur et lui commande un livre à sa gloire « Peins-moi la vie à venir ! ».

D’abord méfiante à l’égard de cet étranger, l’épouse du protecteur, Agnès, seul personnage à avoir un nom, (soprano), est séduite par le « Garçon » (contreténor). Agnès pousse alors le jeune artiste à révéler dans le livre la liaison passionnelle et charnelle qui les unit. Elle lui demande d’en écrire l’histoire d’amour sur son propre corps.

D’abord excité par cette situation dont il est un des protagonistes consentants, le seigneur devient ensuite pathologiquement jaloux de sa femme et de la jeunesse de son amant.  La conclusion est tragique et cruelle, puisque le Seigneur du château obligera sa femme à manger le cœur du jeune homme, tué de ses mains. Découvrant l’horreur de cette vengeance Agnès se jettera dans le vide du haut de la tour du château.

Un style nouveau
Sur cette histoire tragique mystérieuse, poétique, sensuelle, et subtile autant que raffinée, George Benjamin a composé une musique dense, sans affèterie, sans non plus cette espèce de noirceur ennuyeuse dont la musique contemporaine a trop souvent l’image.

Dans la lignée des grands créateurs du XXe siècle Richard Strauss, Berg, Schonberg, Messiaen, dont il fut l’élève, ou encore Britten, auquel on ne peut pas ne pas penser, sa musique est complexe mais toujours accessible. Inventive, comme une étoffe fascinante, rebrodée de véritables enluminures sonores, festonnée de timbres rares. L’écriture musicale dépeint un monde violent, passionnel, mais avec un effet de mise à distance impliquant les auditeurs spectateurs.

Considéré par Olivier Messiaen comme le « Mozart de sa génération », George Benjamin (né en 1960) a signé avec son second opéra, « Écrit sur la peau », un pur joyau qui créa l’événement lors de sa création au Festival d’Aix-en-Provence en 2012.

Puisé dans la littérature médiévale occitane, le livret de Martin Crimp d’une grande force dramatique a inspiré au compositeur une partition suave, sensuelle et paroxystique. Elle fusionne musique ancienne et modernité dans une écriture serrée, d’une violence latente mais toujours claire et fluide, privilégiant le déploiement d’un chant somptueux magnifié par l’orchestre riche et cuivré.

L’Originalité de l’œuvre
On est plongé, à la fois dans l’action et dans son commentaire : les chanteurs ne « disent » pas directement leur texte, mais leurs paroles sont ponctuées de « dit la femme », ou « dit le Garçon Cette distanciation, qui métaphorise sur scène le livre et l’action de lire, permet au spectateur de s’abstraire de tout pathos et de se concentrer sur ce qui meut les personnages et sur leurs trajectoires contrariées, inversées, ou contrastées.

Une conception intellectuelle, mais aussi assez cinématographique, qui n’est pas sans évoquer Théorème de Pasolini : en effet, l’arrivée de l’enlumineur dans la maison du Protecteur fait exploser les codes et bouleverse tous les équilibres de la cellule familiale, en séduisant la femme du Protecteur ; la mise en scène souligne que ce dernier succombe à son tour au charme du Garçon, dans la scène où il le retrouve dans la forêt, et il n’est d’ailleurs pas hasardeux d’entendre dans cette scène quelques échos musicaux de Lulu d’Alban Berg. La forme en arche du chef d’œuvre de Berg (exposition, développement, chute) a sûrement inspiré Benjamin pour Written on skin.

Cet opéra contemporain avait défrayé la chronique en 2012 lors de sa création au festival d’Aix-en-Provence (il s’agissait d’ailleurs d’une commande du festival), suscitant un très grand intérêt polémique dans la mise en scène expressionniste de Katie Mitchell. Le public aixois, lui, avait été choqué par le côté morbide et décadent du thème. Cependant une certaine critique et le public international, après la mise en circulation du DVD produit a plébiscité cet opéra.

Il a été repris depuis sur plusieurs scènes lyriques dont le Capitole de Toulouse, l’Opéra-Comique à Paris, le Bayerische Staatsoper à Munich et le Royal Opera House à Londres lequel a édité un second DVD.

L’œuvre est puissante dans sa concision et dans sa structure. Elle partage avec le Wozzeck de Berg une durée courte (1h35 de musique), une forme et un développement similaire, ce qui justifie de la présenter d’un seul tenant, sans pause. Mais l’opéra de Benjamin et Crimp réussit surtout le tour de force d’adapter une fable occitane du XIIIe siècle en une histoire qui nous interpelle directement par l’actualité de son propos.

Œuvre en phase aussi avec notre temps, Written on Skin parle d’épanouissement de soi, d’émancipation de la femme, du pouvoir abusif des hommes, d’amour et de sensualité, de violence et d’abus, d’exaltation et de libération.

C’est tout naturellement la version sur YouTube de la création que nous proposons aux amis mélomanes d’Opéravenir avec une Barbara Hannigan incandescente dans le rôle d’Agnès. Les autres interprètes, Christopher Purves et Bejun Mehta tous également exceptionnels, servent l’œuvre avec une grande intériorité. Ils sont d’une vérité saisissante. Le Mahler chamber Orchestra est dirigé avec passion et retenue par le compositeur lui-même.

Le sur-titrage français permet, par ailleurs, de mieux apprécier la prose sulfureuse de Martin Crimp. Bonne découverte à partager si affinités.

Jean François Principiano

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