Valls candidat : les actes contredisent les paroles

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La semaine avait débuté par deux bonnes nouvelles : l’Autriche a élu un Président de la République écologiste distançant cette fois plus nettement le candidat d’extrême-droite. Mais tout de même, les adeptes du néo-fascisme à ce niveau, et en Autriche, pays natal de Hitler, ça n’est guère rassurant.

La deuxième, l’Italie a sévèrement rejeté Matéo Renzi et sa politique libérale assumée : un signal clair du rejet des politiques européennes d’austérité, qui sévissent aussi en France et nous enfoncent dans une crise sociale et politique d’envergure.

Il n’en a pas été question hier lors de la déclaration de candidature de Manuel Valls soigneusement mise en scène et proprement sur-réaliste.

Après l’abdication, jeudi, de François Hollande, Manuel Valls n’aura pas mis beaucoup de temps pour se lancer dans la course à la succession. Il ne l’avait d’ailleurs pas caché une semaine plus tôt, mettant le pays au bord d’une crise des institutions quand, dans les colonnes d’un quotidien, Valls se déclarait prêt à toute éventualité, se démarquant publiquement du Président à cause du fameux livre de ses confidences.

Ainsi désavoué,  Hollande était poussé vers la sortie, son propre camp et notamment ministres et parlementaires sentant qu’il y allait de la crédibilité de tous. Ce qui lui restait de fidèles également désarçonnés par sa cote de popularité en chute libre et constante.

Et ça, ce n’est pas à cause du livre. Il n’est qu’un prétexte, certes malvenu, pour masquer un bilan que l’ambitieux premier ministre a bien l’intention de défendre pour tenter d’être reconnu comme le candidat naturel du PS au bord de la crise de nerfs, qui craignait d’avoir à soutenir un président -dont la politique avait échoué pour n’être plus à gauche- et qui ne serait pas passé par la primaire !

Hier, pendant 20 minutes Valls -qui quittera ses fonctions de 1er ministre aujourd’hui- nous a joué la scène du grand réconciliateur de la gauche  après en avoir été le grand diviseur pour avoir conduit une politique social-libérale qu’il revendique comme telle !

Le tout assorti d’une déclaration d’affection et de reconnaissance à l’égard de François Hollande dont il partage le bilan, un bilan dont il est fier. Donc pas question de changer de cap.

Mais c’est ça qui divise profondément la gauche et que défendait Valls, dès la primaire de 2012. Il avait même déclaré qu' »il y avait deux gauches irréconciliables ! ». Et il en serait le réconciliateur  lui qui trouvait ringard le nom même du PS ? Il y a « socialisme » dedans..vous vous rendez compte.

Il va devoir s’en expliquer et ça promet de belles empoignades avec ceux déjà partis vers l’ancien ministre acquis à la « modernité capitaliste », ceux qu’il a remerciés et qui contestent les orientations libérales qui ont succédé aux engagements de campagne très à gauche, comme son discours d’hier destiné à faire oublier les choix politiques concrets qui ont marqué ce quinquennat.

Non, la candidature de Valls n’est pas une chance pour rassembler la gauche mais exactement le contraire. On ne voit pas  les forces de la gauche alternative débattre avec l’ex-premier ministre, devenu candidat, qui lui veut justifier et poursuivre l’oeuvre dont il est si fier !

Il est même là pour s’opposer au rassemblement majoritaire qui pourrait se créer à gauche, en faveur d’une autre politique clairement anti-libérale, si l’on veut sortir le pays et les catégories populaires de l’ornière dans laquelle nous sommes tandis que montent les forces les plus ultra-libérales comme on l’a vu avec le programme de Fillon et celui de l’émule de Trump, le FN attisant les divisions, les peurs et s’évertuant à brouiller les pistes…sans toucher à la finance.

Valls a suffisamment fait entendre sa voix en faveur de la loi El Khomri, dictée par le patronat et qui s’applique par le 49-3, du CICE ( 40 milliards au profit du grand patronat sans contrepartie en emplois), il a ciblé la CGT, durci la répression anti-syndicale et tant d’autres dispositions très régressives.

On a vu les résultats politiques aux municipales et aux régionales, retour en force de la droite et de l’extrême-droite, l’abstention dans les milieux populaires.

Comment en irait-il autrement quand la situation de toutes les catégories sociales se délite. Quand la France se perd dans des guerres sans fin ? Quand les conséquences se traduisent plus  dramatiquement encore lorsqu’on appartient aux couches les plus défavorisées et qu’on ne voit plus aucune différence  quand cette « gauche » qui n’en est plus une, succède à la droite.

Et qu’elle vous parle de « nos valeurs »…alors que les inégalités s’approfondissent, que les injustices sociales se développent, que la fraternité se relativise avec le recul des solidarités, les remises en cause de nos protections sociales, les attitudes de rejet envers les migrants, les immigrés, les pauvres trop « assistés » (!) la suspicion jetée sur toute une religion, que les libertés sont réduites, l’information encadrée, l’action syndicale criminalisée…mais l’évasion fiscale des plus riches explose !

Et ce système-là serait immuable ?
N’aurait-on plus que le droit de choisir entre le social-libéralisme et l’ultra-libéralisme, entre deux variantes de la même politique au service d’une seule classe, celle des riches ? Tout autre pensée, tout autre critique, tout autre ambition pour le gouvernement des hommes, des Etats et de la planète seraient-elles à priori interdites, sous prétexte que d’autres expériences qui se voulaient émancipatrices ont pu, à un moment, être dévoyées ?

Faudrait-il renoncer à toute perspective de libération humaine dans le sens de l’accès de tous au travail et à son allègement, à la santé, au logement qui en fait partie, à l’éducation, à la formation, à la culture, à une vie digne et choisie…par le développement incessant de la démocratie débarrassée de sa soumission au pouvoir de la finance enfin maîtrisée ?

N’en sommes-nous pas là, à la veille d’une élection qui peut marquer un tournant progressiste, une volonté de rupture salutaire avec  un système qui nous impose ses critères et où les pires aventures sont possibles, pourvu qu’elles servent les intérêts des puissants comme ce qui vient de se passer aux E-U et qui nous menace aussi en France et en Europe ?

N’est-ce pas ce débat, pour « l’Humain d’abord » qu’il nous faut avoir ensemble, sans tabou, avec tous les citoyens qui ont besoin et envie qu’un courant d’air salvateur souffle et nous ouvre des horizons nouveaux à portée de main, un avenir à portée de nos rêves…pour « sortir des eaux glacées du calcul égoïste », comme disait Marx.

Ce ne sont pas les idées qui manquent, ni les solutions pour peu que nous ayions confiance en notre capacité collective à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés, à tous les niveaux.
Encore faut-il en avoir bien situé la nature et l’origine. Et qui sont les prédateurs ?

René Fredon

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