Une réforme de la justice qui fait parler d’elle

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Nous avons demandé à Maitre Morgan Maginot avocat au barreau de Toulon ce qu’il comprenait de la réforme de la justice annoncée, pensant qu’en sa qualité d’avocat il était bien placé pour parler d’un sujet abscons pour la grande majorité d’entre nous.

« Force est de constater que la réforme de la justice fait parler d’elle. Voilà un ministère qui doit faire toujours plus avec toujours moins, moins de moyens financiers, moins de magistrats, moins de greffiers… Il faut préciser qu’en France, il a tout de même 1 000 postes de magistrat vacants !

Ainsi, comme tous les gouvernements précédents, les mêmes problématiques se posent, diminuer la surpopulation carcérale, réduire la criminalité et la récidive.

Le gouvernement Édouard Philippe souhaite axer sa réforme sur la numérisation, la simplification et l’efficacité. Cette volonté a toujours été assumée par le Président de la République. On retrouve ainsi plusieurs propositions.

Celui-ci souhaite que le justifiable puisse suivre l’évolution de son dossier via internet, de pouvoir solliciter l’aide juridictionnelle en ligne. Sur ce volet, il n’y a pas d’opposition à avoir. Bien sûr que la numérisation de la justice ne peut être qu’une avancée.

Cependant plusieurs observations. Qui va supporter le prix de cette avancée ? Il faut rappeler que la dématérialisation des échanges entre les professionnels du droit n’est pas chose nouvelle. En effet, depuis bientôt 5 ans, les avocats doivent communiquer avec les juridictions via le RPVA (pour les juridictions de droit commun) et le Télérecours (pour les juridictions administratives). Mais pour utiliser ce service obligatoire, les avocats doivent souscrire un abonnement. Ainsi, c’est bien ces derniers qui payent une partie de cette évolution.

De plus, la numérisation va avoir d’importantes conséquences pour le justiciable. Ainsi, le projet de loi souhaite généraliser les vidéo-conférences. La justification de cette proposition, diminuer le coût des extractions judiciaires. Ainsi, c’est en matière pénale que les conséquences vont être les plus graves. Les magistrats auront la possibilité de ne plus avoir à entendre directement et physiquement les détenus. L’humain et la personnalité de l’individu seront mis de côté et remplacés par un écran. Le droit pénal va être totalement dénaturé, car l’un des grands principes de cette matière est la personnalisation de la peine. Comment ce grand principe pourrait-il perdurer si demain plus aucun contact humain ne devait se faire ?

Autre proposition grave de conséquence pour le respect de la personnalisation de la peine, l’impossibilité pour le juge pénal de pouvoir prononcer une peine de prison ferme sans mandat de dépôt (sans détention) lorsque la peine de détention serait supérieure à un an. Chaque personne condamnée ne mérite ou n’a pas un profil pour la détention. Une personne insérée qui serait reconnue coupable pour des faits d’homicide involontaire n’a rien à faire en détention sans que celui-ci soit pour autant exonéré de payer sa dette à l’égard de la société. Les magistrats seront ainsi et aussi influencés, car, si une personne condamnée mérite un an ferme sans mandat de dépôt, le juge pénal sera certainement obligé de prononcer une peine inférieure à 1 an pour éviter la détention.  Il en va des mêmes conséquences concernant la proposition d’obliger les magistrats à ne plus prononcer « de courtes peines, en prohibant le prononcé des peines inférieures ou égales à un mois ferme ».

Concernant la simplification et l’efficacité, les choix du gouvernement sont simples, avoir une réflexion sur le carcéral ou le « tout carcéral ». Cela fait là aussi des années que chaque Premier Ministre souhaite laisser son empreinte avec sa loi justice. Les propositions de la garde des Sceaux sont les suivantes :

La fusion des Tribunaux de Grande Instance et des tribunaux d’instance. Conséquence, la seule juridiction de proximité, le Tribunal d’Instance (TI)va être supprimé éloignant encore le justiciable de la justice. Le Tribunal d’Instance permet encore aujourd’hui une certaine célérité pour les affaires avec de petits enjeux financiers (8,8 mois en moyenne pour avoir un jugement eu TGI contre 4,9 devant le TI).

La création d’une Cour d’Assises Départementale appelées par le gouvernement « tribunal criminel départemental » composé uniquement de magistrats professionnels. Conséquence, cela revient ni plus ni moins à supprimer les jurés d’Assises et à retirer au peuple son droit à participer et contribuer à la vie de la justice. On rappellera que la justice est rendue au nom du Peuple Français.

La possibilité pour tout justiciable de saisir une juridiction par internet. Cela est une fausse bonne idée, car tous les Français non par internet et cela va avoir une conséquence, la disparition du filtre de l’avocat qui peut déconseiller à un client d’engage une procédure pour son manque de pertinence. Conséquence, une augmentation probable du nombre de demandes dilatoires, infondées, farfelues.

Enfin, mettre en place un juge unique en appel est une hérésie. La demande d’une nouvelle étude de son dossier est une chose sérieuse et complexe qui mérite une collégialité.

D’autres problématiques restent encore en suspens.  Ou en est-on de la volonté évoquée dans le dernier rapport sur les chantiers de la justice qui préconisé de ne conserver par département qu’un seul TGI engendrant ainsi pour le Var la suppression du TGI de Draguignan.

Aujourd’hui, certains sujets ne sont pas abordés et c’est malheureux. Le projet de réforme propose de construire des centres de détention. Cependant, pourquoi ne pas s’interroger sur la pertinence de construire aussi des centres psychiatriques pour éviter la détention des 17 000 détenus qui sont reconnus avoir une pathologie psychiatrique.

Pourquoi ne pas avoir un débat sur la séparation stricte entre le juge du siège et du parquet. Cela serait dans l’intérêt de la justice que de ne plus ouvrir la possibilité a un magistrat de pouvoir passer dans sa carrière d’une fonction à une autre. Il faut créer un Mur entre ces deux métiers, car il s’agit bien de profession différente avec des objectifs contraire pour la personne juger. De même que comme aux États-Unis, le parquet devrait se trouver au même niveau que la défense. Cette supériorité dans la géolocalisation de cette fonction n’a pas lieu d’être. Le Parquet représente l’intérêt de la société l’avocat celui de la personne poursuivie.

La France compte 4 fois moins de procureurs que la moyenne européenne, 2,5 fois moins de juges et 2 fois moins de personnel de greffe. Elle se situe au 23e rang sur les 28 pays de l’Union européenne, la France a recours plus à la prison que ses partenaires européens, elle connaît un taux de surpopulation de 134% et on ne parle pas même pas du nombre de suicides chez les surveillants et chez détenus ou encore du temps qu’il faut pour obtenir un divorce pour faute (18,9 mois) ou avoir une audience devant la Cour d’Appel (14,7 mois) la bonne question a se poser sur cette réforme c’est : cela va-t-il améliorer les chiffres de cette liste non exhaustive.  »

Maitre Morgan Maginot
Avocat au barreau de Toulon

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