Les ex-voto de la chapelle Sainte-Anne à Saint-Tropez
C’était un temps ou la Provence était catholique et croyante. Ou l’on construisait des chapelles pour rendre grâce et où l’on créait des œuvres pour remercier Dieu, le ciel ou la bonne fortune pour avoir échappé à un danger. Complimenti per lo scampato pericolo. Qui de nos jours donnerait de sa fortune pour remercier le ciel de la sortie de l’épidémie de Covid ? Enfin je m’égare revenons à Saint Tropez.
Restaurée et mise en sécurité, 105 tableaux et maquettes retrouveront la chapelle Sainte-Anne dès que les travaux de rénovation seront terminés en … 2022. Bonne nouvelle. Sauvés de justesse.
Une architecture votive
Si l’on gravit le mont Pécoulet on découvre l’une des plus belles vues du Golfe, la chapelle Sainte-Anne attend de se refaire une beauté… et de retrouver ses ex-voto. Édifiée à partir de 1618 sur une durée de plus de 10 ans, elle a été construite pour remercier le ciel d’avoir préservé la cité de l’épidémie de peste qui sévissait à cette époque. Elle est dédiée à la patronne des gens de la mer et accueille en ses murs d’intérieurs des ex-votos principalement consacrés à l’histoire des marins Tropéziens. Elle n’est ouverte au public que quelques jours par an, le 18 mai pour les Bravades, le 26juillet pour la Sainte Anne et le 15 août anniversaire de la Libération.
Pourtant cet endroit superbe est à découvrir toute l’année pour les points de vue remarquables, à la fois sur la Baie de Saint-Tropez et l’anse de Pampelonne.
Une restauration attendue
Les appels d’offres vont être lancés et les travaux de rénovation débuteront dès que possible, avec une première tranche dédiée à la toiture et une deuxième qui concernera l’intérieur pour permettre, donc, la réinstallation des ex-votos.
Les ex votos balladeurs
Voilà cinq ans maintenant qu’ils ont été retirés de la chapelle, souffrant notamment de l’humidité : entre tableaux essentiellement marins et maquettes de bateaux, remontant du début du XIXe, il s’agit de pièces rares du patrimoine varois réalisées par ceux qui en avaient fait le vœu (ou sur commande à des peintres) pour remercier Sainte-Anne, patronne des marins, de les avoir sauvés d’un danger imminent. C’est une collection d’autant plus précieuse que les ex-voto, longtemps délaissés, voués à l’oubli et aux outrages du temps, ont retrouvé toute leur valeur dans le patrimoine national.
Un art populaire émouvant
Les occasions qui donnent lieu à la réalisation d’ex-voto sont nombreuses puisqu’il s’agit de rendre public un vœu réalisé lors d’une catastrophe. Trois catégories sont clairement identifiables : l’accident, la maladie et les naufrages. Ce dernier, collectif ou individuel, peut mettre en œuvre des forces naturelles (incendie, tempête, foudre) ou humaines (mutinerie ou, guerre). Les ex-voto populaires ayant trait à des cataclysmes sont beaucoup plus rares que ceux, très stéréotypés, qui représentent un malade alité ou un accident de charrette. C’est l’historien de la Marine en 1976, Michel Mollat du Jourdin, qui attira l’attention de l’État sur le fait que tout un patrimoine était en train de disparaître, rappelle le responsable de la citadelle Laurent Pavlidis.
Dispersion et restauration
La rançon du succès étant que les ex-voto ont pris subitement beaucoup de valeur, et qu’ils ont fait l’objet de nombreux vols dans les églises quand les familles ne venaient pas, comme à Saint-Tropez, les récupérer et les remplacer par de simples photos !
La décision a donc été prise de les retirer, de les inventorier, de les faire classer aux monuments historiques et d’entreprendre leur restauration.
Deux entreprises spécialisées ont travaillé pendant un an sur le fonds tropézien avec un budget d’environ 20.000 euros.
S’il est impossible de reprendre une aquarelle au risque de dénaturer l’original, ils ont pu en revanche travailler sur les huiles, nettoyer les tableaux, reprendre l’encadrement du fond quand cela était nécessaire pour les préserver de l’humidité, et remettre les maquettes en état.
Selon le vœu fait
Telle est la définition des mots « ex-voto », contraction de l’expression latine « ex voto suscepto ». L’ex-voto, dont l’origine remonte aux navigateurs Phéniciens, est le symbole de la foi et de la reconnaissance. Bien souvent il est lié à une fortune de mer (bateau perdu dans la tempête ou drossé sur les rochers) ; il peut aussi être lié à une expédition militaire ou lointaine pour la marine de guerre (guerre de Crimée, d’Indochine par exemple), un voyage au long cours pour les bâtiments de commerce.
Quand le marin se trouvait en danger face aux éléments déchaînés ou lors d’un théâtre d’opérations de guerre, il se vouait alors à la Vierge Marie, Notre Dame, en général celle de son village natal. C’est pourquoi, il lui offrait à son retour, en guise de remerciement selon le vœu fait, une réplique de bateau, un diorama, une peinture, voire une pièce du navire, du gréement ou tout simplement un cordage ou un bout. C’est ainsi que les chapelles et églises varoises ont hérité d’ex-voto que les marins ou leur famille confectionnaient eux-mêmes ou en passaient commande auprès des artisans quand il s’agissait par exemple de peintures. Le célèbre brick-goélette L’Aimable Sabine est celui de Jean-Jacques Gimbert, un capitaine de Saint-Tropez. En route pour Saint-Domingue, il est pris en chasse par un navire de croisière américain traquant les négriers. Le capitaine dépose l’ex-voto pour remercier Sainte-Anne de lui avoir permis d’échapper à la capture. Qui déposera à Saint Anne une photo de sa sortie d’Hôpital après avoir échappé à la Covid ? O tempora, o mores !
Jean-François Principiano
Sources : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA00047612
Jean Cuisenier L’Art populaire en France Fribourg, Office du Livre, 1976.
