Les excès de l’adjectivisation des termes musicaux
Dans le N° 703 de l’excellente revue musicale Diapason de septembre 2021 on peut lire un hommage mérité et fort bien écrit à André Tubeuf qui vient de nous quitter. L’auteur de l’article rappelle que ce brillant musicographe et biographe a toujours écrit sur la musique … sans rien connaître de la technique musicale ou de la musicologie.
Comme beaucoup de critiques musicaux de son temps, il est pourtant un peu responsable de ce que l’on pourrait appeler l’adjectivisation des termes musicaux. C’est à dire la manie littéraire consistant à définir les termes de la nomenclature musicale en ajoutant un ou plusieurs adjectifs qui … n’ont rien à voir avec la musique.
Ex : un allegro dantesque et douloureux ; un adagio impérial et majestueux ; un presto sulfureux…
Les termes italiens ont été universellement choisis pour les mouvements parce qu’ils correspondent avec précision (en italien) aux intentions des compositeurs. All’egro signifie en italien, joyeux et vif ; ad’ agio lentement et à l’aise ; andante en y allant ; presto rapide en partant; prestissimo, très rapide en partant etc. Tout ce qui est rajouté est pure littérature. « La musique n’exprime qu’elle-même » disait Stravinsky.
Dans ce même numéro de Diapason on a l’illustration poussée à l’extrême d’un commentaire littéraire sur la musique page 81.
Sous une plume très bien documentée rendant compte d’un enregistrement de l’opéra Sémiramis de André-Cardinal Destouches (1672-1749), on peut lire qu’un des chanteurs a « un timbre de voix monotone dans le râpeux » ???
S’agit-il d’un ancien rappeur reconverti dans le lyrique baroque ? ou bien d’un râpeux de parmesan saupoudré monotonement sur les spaghetti bolognaise ? ou encore du dérapage d’un conducteur d’automobile timbré ?
Bref, peut-on nous expliquer ce que signifie musicalement une voix au « timbre* monotone dans le râpeux » ?
Dans l’attente d’une précision objective de cette « aptitude royale au sous-entendu » nous restons à l’écoute de « l’intelligence sensible du phrasé » pour toute réponse éventuelle.
Jean-François Principiano
*Berlioz définissait ainsi le timbre : « On définit le timbre de la voix humaine comme l’ensemble des caractéristiques qui permettent de l’identifier. Enfant puis adulte, le timbre de la voix change lorsque l’individu grandit. Il peut devenir plus grave ou plus aigu, selon les personnes. En travaillant souvent sa voix, le timbre peut se modifier. Toute autre qualificatif du timbre est purement subjectif et sans réalité musicale » Grand traité d’instrumentation et d’orchestration 1844.