Toulon : La gigogne des tontines

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Le Liberté Salle Fanny Ardant Mardi 11Octobre à 20h

La gigogne des tontines est un conte contemporain qui retrace l’histoire de 500 000 ans d’humanité. Avec Alain Béhar, les voyages dans le temps et l’espace sont de drôles de périples.

« Le monde tourne à l’envers ». Il y a des phrases comme ça qui ouvrent des perspectives fantasques. Avec Alain Béhar, les mots disent le monde et le rêvent en même temps. Ils sont un voyage pour des contrées « géopoétiques » où la légèreté a du sens, voire de la profondeur. Dans La gigogne des tontines, les récits s’imbriquent pour parler d’économie, d’argent, d’assurances… La tontine désigne une sorte de pot commun dont le principe peut être solidaire ou capitalistique, c’est selon. Prophétique et visionnaire, la pièce retourne le catastrophisme ambiant. Car s’il y a catastrophe, il y a aussi utopie, si la destruction menace, il y a aussi l’invention, le langage qui relie, des projets qui fédèrent pour un monde nouveau. Selon Alain Béhar « le bonheur ce n’est pas rien. »

Texte et mise en scène Alain Béhar
Avec Alain Béhar, Isabelle Catalan et Valery Volf
Dramaturgie et regard artistique Marie Vayssière
Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy et Cécile Marc
Lumières Claire Eloy
Son Kalimero
Vidéo et graphismes La porte – Idriss Cissé, Idriss Jendoubi et Marco Lando

Production Compagnie Quasi
Coordination de production Théâtre du Bois de l’Aune, Aix en Provence
Coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Théâtre des 13 vents, Centre dramatique national de Montpellier / Théâtre du Bois de l’Aune, Aix en Provence / théâtre garonne scène européenne, Toulouse / Pôle Arts de la scène, Marseille
La compagnie Quasi est en convention avec le ministère de la Culture – DRAC Occitanie et reçoit le soutien de la Région Occitanie au titre de l’aide à la création artistique.

La gigogne des tontines vient achever une trilogie inquiète et rieuse à la fois, vaguement dystopique. Dans Les vagabondes, il était question d’art entre les lignes, de nature libre, de jardins quantiques et de potentialité, on s’en allait jusqu’en 2043. Dans La clairière du Grand n’importe quoi, on entendait parler « géopoétiquement » de catastrophes diverses, de climat et de migrations vers l’imaginaire d’ici 2147. Ici, on repart du début. C’est une histoire en raccourci de l’humanité, de sapiens à nos jours.

Il y aura donc deux très vieux — beaucoup trop vieux personnages qui ont tout vécu, depuis le début. Les périodes glaciales et les réchauffements. Ils en ont des anecdotes à partager. Ils étaient à Lascaux et même avant, en Gaule grecque ou romaine, dans toutes les grandes batailles plus ou moins légendaires et dans les colonies, au palais et sur les barricades, probablement sur la lune aussi… Ils ont inventé à peu près tout, de la pierre qui coupe au cinéma, des guerres de religions à toutes les industries possibles, le troc et le marketing, l’agriculture et la purée déshydratée, même le bonheur, les premiers risques encourus et l’assurance tous risques, la tirelire et les droits de succession… Ils ont même encore un jeune esclave de plateau, comme au bon vieux temps. Après des millénaires et des millénaires, forcément ils s’embrouillent un peu, la chronologie s’emmêle parfois, mais bon an mal an on traverse pas à pas l’Histoire qu’on connaît, qu’on reconnaît au passage. De la cueillette nomade au positivisme sédentaire, et même après.

Il se peut bien qu’un peu après le futur on revienne en arrière, qu’on repasse par le présent pour traverser le passé à l’envers, redevenir nomades et remonter dans l’arbre, en bien moins de temps qu’en sens inverse ; certainement moins que 500 000 ans en tous cas, on verra.

C’est un récit au passé, parfois dialogué, ça parle tout le temps d’avant. Ça se passe dans une cachette, ici. Ici, les artistes sont des planqués et les intellos des dingues, ils se cachent tous d’une façon ou d’une autre pour échapper aux recruteurs et aux chasseurs de primes qui sont payés à l’unité pour faire les régiments.

Ça dit en creux pour en jouer, dans un sourire naïf et candide qu’on aurait peut-être dû rester nomades, ne pas se choisir de chef, s’organiser mieux pour répartir à peu près tout et à l’horizontale — mais comment ? — imaginer l’agriculture l’argent la famille et la métaphysique complètement autrement, que la guerre ou les invasions forcément c’est con et l’industrie verticale rapidement n’importe quoi, qu’au début l’assurance la banque et les tontines ce sont des bonnes idées mais qu’on ne sait pas pourquoi ça devient très vite une entourloupe si compliquée, qu’on ne peut pas désinstaller les conformités qui s’installent et rebooter l’humanité qu’on a foutu la merde un peu partout, même démocratiquement, qu’à force de prévenir les risques on finit par avoir la trouille de tout…

Ça prend l’humain comme on se purge en appuyant du côté mauvais, là où ça fait mal, pour s’échapper en s’en moquant aussi et rouvrir peut-être des perspectives.

Alain Béhar

Photos © Jérôme Tisserand
Texte © François Rodinson

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