Toulon au cœur de Colette Servières

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Toulon en 1700

Écrit d’une plume alerte et incisive ce portrait de Toulon est un délicieux mélange de souvenirs d’enfance, de plaidoyer pour une ville souvent décriée et de touches descriptives éparses.

Colette Servières

Un ton de confidence
Colette Servières nous fait partager avec sensibilité l’âme de ce port, ses charmes, ses particularismes sans omettre ses faiblesses et ses zones d’ombres.

Le ton de la narratrice est celui de la confidence poétique. Ainsi page 22 : « Aujourd’hui comme souvent je pars en parenthèse. Déposer le fardeau. Me poser. Port final. Là où rien ne peut m’atteindre. Retrouver l’insouciance de la glaise natale. Ce pays joyeux de l’enfance qui se détache irrémédiablement de la banquise des actifs, puis fond pour n’être plus que mirage, madeleine, nonotte, doudou, à l’orée du grand âge. Ile arctique de plus en plus lointaine, seule connue du brise-glace de la mémoire ».

Le livre est construit en 25 petits chapitres, sorte de récits initiatiques à la découverte de la géographie, de l’histoire, de la sociologie, des mentalités, allant de la fondation de Telo Martius au rayonnement de la Métropole actuelle.

Tout est dit dans un style fluide et précis, dans un champ lexical imagé, raffiné, parfois plus métaphorique que descriptif, évitant l’énumération banalement touristique.

Le poids de l’Histoire
L’auteure n’hésite pas à souligner le poids des contraintes de l’histoire lorsqu’elle évoque par exemple la place de la Marine en des termes lucides et désabusés (page 81) « ..la Royale masque son territoire tel un enfant qui ne veut pas que son voisin de pupitre copie sur lui…ville dans la ville inaccessible au commun des mortels, la base navale, qui mange deux cent soixante-huit hectares de surface urbaine, compte à elle seule dix  kilomètres de quais, trente de routes et occupe sept kilomètres de rivage. Soit sept kilomètres en cœur de ville, invisibles à l’œil nu, dérobés au bien-être primaire du citoyen : se baigner, flâner, en un mot bader devant le paysage. C’est à peine si l’on tolère aux bateliers de la rade de s’approcher à quelques encablures des lourds bâtiments gris. » Guarda e passa comme dirait Dante !

Toulon en 1700

Le style devient lyrique pour évoquer la Vieille Ville, le Mourillon ou Besagne « C’est une vieille ville qui absorbe les galériens du quotidien aux conditions de vie souvent précaires, ingurgite par vagues les immigrés, attirés par le travail que fournit l’arsenal à de multiples corps de métiers. Sardes, Génois, Piémontais. Gens de besoin, de besogne, de Besagne. Le cœur de ville accueille ce petit peuple entremêlant dans les escaliers sombres, les soupirs de fatigue et les soupirs d’abandon des marins en bordée. »

Témoignage d’amour
Vers la fin, le style devient pur épanchement de sensibilité et d’émotion. C’est sans doute la partie la plus riche de l’ouvrage. Ex page 132 :

« Je réalise aussi que cet hymne au berceau natal ressemble à la fleur d’agave indissociable du paysage méditerranéen. Cette plante à la silhouette si graphique ne fleurit qu’une fois dans sa longue vie. Avant de disparaître, elle dresse jusqu’au vertige sa hampe florale vers le ciel, tel un drapeau portant ses fruits que l’automne venu, les vents disperseront avant de s’en aller inventer d’autres printemps. »

Ce livre indispensable à la connaissance de Toulon est et restera sans doute un des meilleurs témoignages d’amour pour cette ville.

Jean François Principiano

Le 17 septembre Colette Servières présentera et dédicacera « Toulon en plein cœur » Éditions Feed Back 2022 à la Librairie du Port et sera présente à la Fête du livre les 19 et 20 Novembre prochain. Le roman d’une ville en pleine évolution.

 

 

 

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