Solliés-Toucas : Trio Orpheus Une soirée musicale réussie

0

On ne saura jamais exactement ce qui fait d’une soirée musicale ou théâtrale une réussite. Le spectacle c’est un peu comme la mayonnaise ça prend ou ne prend pas. Il y a la part de mystère, mais il y a aussi quelques causes qui peuvent expliquer le succès. Le cas du Trio Orpheus vendredi dernier dans la charmante commune de Solliés-Toucas est un bon exemple d’analyse.

D’abord pour que la réussite soit au rendez-vous il faut que le lieu où se déroule le spectacle soit attractif. La fameuse magie du lieu. L’église Saint Christophe que l’on atteint au bout de ruelles médiévales ombragées et qui s’ouvre en plein cœur de la commune est parfaite pour ce genre de concert. L’acoustique y  est agréable sans trop de réverbération.

Et puis il y a une attraction matérielle centrale. Ici un magnifique orgue moderne dû au facteur d’orgue Gilbert Pesce. Cet instrument d’une grande beauté sonore permet de jouer un répertoire très large de Bach à Saint-Saëns avec une mémoire d’enregistrement des registrations et un troisième clavier de résonnances prévu pour de la musique romantique. Ses sonorités sont amples et variées. Il est accordé au diapason : La = 440 Hz et au tempérament Kellner. C’est une pure merveille. On fête cette année en novembre ses dix ans d’existence ce qui démontre une belle volonté culturelle de la commune qui a su se doter d’un objet patrimonial de qualité. Il a d’ailleurs été présenté avec érudition et délicatesse par Gérard Falcou président de l’association des amis de cet instrument.

Un programme intelligent.
Il faut aussi un programme permettant de mettre en évidence l’esthétique musicale choisie. Ce fut le cas vendredi soir avec les sonates en trio d’Haendel d’une grâce et d’un charme tout italien. La présence de l’orgue justifiait deux moments lui étant consacrés avec Bach et Böhm. Notons encore une découverte musicale, le compositeur et violoncelliste bordelais Jean-Baptiste Barrière 1707-1747 dont l’œuvre annonce par son charme et son élégance un préclassicisme touchant.

Des interprètes passionnés
L’organiste Myrrha Principiano a très bien su mettre en valeur l’instrument découvrant par des choix de registrations* judicieux, les grandes possibilités de  l’orgue Pesce. L’Aria variata a l’italiana est apparue, sous ses doigts, d’un mélange heureux de musicalité méditerranéenne avec ses dix  belles variations amplificatrices jusqu’à la péroraison finale. Plus majestueux encore, le  vibrant Prélude et fugue en sol mineur avec son postlude rayonnant. Myrrha a  choisi des registrations adéquates (l’œuvre sonne aussi très bien au clavecin).Deux grands moments d’une richesse musicale extrêmes par une interprétation fine, et inspirée.

La violoncelliste Audrey Sabattier a eu l’immense mérite de mettre à son programme un grand oublié  Jean-Baptiste Barrière avec cette touchante partition extrait de son livre de Sonate pour violoncelle et basse continue en Ré majeur. Ici réduite au duo orgue et violoncelle. C’est une musique d’une grande clarté française avec un zeste d’italianité lyrique dans le premier mouvement noté andante. Quelle délicatesse d’approche ! Comme un adieu au baroque annonçant le classicisme français ou plutôt européen. Audrey Sabattier en a donné une interprétation appliquée et bien respectueuse du style toute en nuances et délicatesse.

Une pulsion et une âme
On peut dire que tout concert a besoin d’une pulsion, d’une âme d’un élan. Christian Mendoze à 74 ans n’a rien perdu de sa fougue, de sa passion, de sa sincérité, de son tempérament. Ce  grand musicien a su insuffler à la soirée un rythme exaltant par sa virtuosité sur l’instrument magnifique, à la beauté insolente, la noble petite flûte à bec. Il flauto dolce comme disent les italiens. La compagne fidèle des plus beaux soli du baroque européen.

Les trois sonates choisies sont difficiles pour le soliste  requérant précision, virtuosité, art de l’ornement. Mendoze a bien montré l’européanisme d’Haendel, Allemand par la structure italien par le mélodisme, français par l’élégance et anglais par l’invention rythmique. De chaleureux applaudissements saluèrent la performance, amenant un bis original, les Variations virtuoses sur une Folie attribuées au compositeur  et castrat Farinelli.

En refermant ce programme remarquable je me  redemandais pour la énième fois pourquoi les tutelles régionales et départementales ne soutiennent pas cet artiste qui a tant fait pour l’implantation de la bonne musique classique dans l’aire toulonnaise. Mendoze regorge de projets, il suffirait d’une volonté politique pour passer  des idées aux réalisations ce qui apporterait de nombreuses retombées et honorerait la politique culturelle provençale.

Jean-François Principiano

*En musique classique et spécialement en musique d’orgue, on appelle registration l’ensemble des jeux que choisit l’organiste en fonction du morceau qu’il veut interpréter.

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.