Sœur Lucie, une religieuse syrienne à Toulon : « Il n’y a plus d’avenir en Syrie ! »

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Alep, sa ville natale en Syrie, n’est plus qu’un vaste champ de ruines après des mois de bombardements dont la férocité s’est concentrée sur les quartiers à majorité chrétienne. Sœur Lucie Kabaze, religieuse de la communauté Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur depuis 1998, est installée à Toulon depuis trois ans, après être passée par Angers et Lyon. Elle n’est plus retournée en Syrie depuis trois ans. «  Mon dernier voyage remonte à l’été 2012 », se souvient Sœur Lucie dans l’entretien qu’elle nous a accordé. « J’étais partie pour un mois mais je n’y suis restée que dix jours car s’était devenu très dangereux à Alep. Depuis, je n’y suis plus retournée. »

Si une partie de sa famille a pu rejoindre Sœur Lucie à Toulon après plus de deux années de démarches auprès de l’ambassade de France, combien de parents encore, d’amis et de dizaines de milliers des victimes potentielles des combats cherchent par tous les moyens à fuir l’enfer ? « C’est très compliqué aujourd’hui, mais les gens font tout pour partir de Syrie », explique la religieuse. « Ils vendent tous leurs biens pour pouvoir partir, en mettant leur  destin entre les mains de trafiquants ou de passeurs, car il n’y a plus d’avenir en Syrie », admet-elle.

Plusieurs familles syriennes et irakiennes sont arrivées depuis un peu plus d’un an dans le Var et Soeur Lucie participe avec le diacre Gilles Rebèche, du diocèse de Fréjus-Toulon, à aider ces rescapés dans leurs premiers contacts avec l’administration française. « La France facilite plus ou moins l’actuel de demandeurs d’asile, mais pour les démarches au quotidien, ils sont livrés à eux mêmes et c’est très compliqué », confie Soeur Lucie. La religieuse se souvient d’une famille syrienne désespérée qui lui avait déclaré : « Ils savent qu’on ne peut pas comprendre et ils nous bombardent de courriers. » Très souvent, la religieuse dont la langue maternelle est l’arabe, tient l’indispensable rôle d’interprète.

Beaucoup de familles sont en chemin pour rejoindre la France ou d’autres pays d’Europe, mais personne ne sait combien d’entre-elles parviendront à sortir de Syrie. « Nous sommes sans nouvelles de plusieurs familles que je connais depuis quatre mois ; on ne sait pas s’ils sont morts ou s’ils sont vivants », s’inquiète la religieuse. « Comme l’ambassade est fermée, il faut aller au Liban où l’Europe a ouvert des bureaux afin d’aider les ambassades. Il y a énormément de demandes et d’immenses files d’attente pour y accéder. Il faut des garanties, des assurances, beaucoup d’argent dans les banques, comme si on été riche et qu’on avait que ça à faire. On n’a pas pris en compte la difficulté d’un peuple qui a perdu tous ses biens, qui est dans l’exode et veut sauver sa vie. Vous connaissez la guerre, vous comprenez ce que je veux dire

Sœur Lucie est dans l’attente d’une prise de conscience plus large et de gestes de solidarité. D’espérance partagée aussi. « Il n’y a que l’espérance qui nous tient », reconnaît la religieuse. « Toutes les cloches sonneront le 15 août pour les chrétiens dans le Var. La galère de tous ces gens, ce n’est pas pour rien. Une cloche qui sonne, ce n’est pas pour rien. Le mal ne doit pas avoir le dernier mot. »

B.A.

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