« Ségur de la Santé » Le temps du Courage et des vérités pour l’avenir de l’hôpital public
« Monsieur le Président , vos paroles ne suffisent plus ! »
Un « Ségur de la santé » s’est donc ouvert le 25 Mai pour faire front à la Crise sanitaire sans précédent que rencontre le pays et corriger les faillites de tous les plans des politiques de santé précédents et successifs qui viennent de nous conduire droit dans le mur .
Il aura fallu attendre 30 000 morts probablement beaucoup plus, 40 000 ? et surtout une économie au tapis pour faire réagir ! Terrible pays qui ne retient jamais les leçons de ses drames pour une fois l’émotion passée retourner et replonger dans ses démons et ses erreurs.
Avant de reconstruire il faudra faire un bilan, c’est un préalable à tout, surtout au vu de l’ampleur du chantier à venir. Analyser pourquoi depuis les années 1980 autant de « coups de poignards » dans le dos des soignants, de la santé, et de l’Hôpital public, sans aucune responsabilité d’experts, là où ces mêmes experts en appellent aujourd’hui à la responsabilité individuelle et de chacun !
Il faut commencer avant toute chose par « un choc de simplicité Administrative » qui est de loin la mesure impérative réclamée au niveau national, tant par les soignants que bon nombre d’élus et de concitoyens confrontés à tant de lourdeurs , d’inertie et de paralysie quotidienne. La Crise du Coronavirus vient de le confirmer au grand jour si haut et si fort que plus personne ne peut maintenant le nier.
Jamais en cette période de vérité du Covid-19, la proximité et la réactivité entre les équipes médicales et soignantes et les Directions, dans ce rêve du « temps court » des décisions, ne se seront autant affranchies du carcan technocratique et bureaucratique qui paralyse et asphyxie tant d’énergie au quotidien. Le « Sens » retrouvé et le gâchis de tant d’énergies de notre quotidien sont là aussi une sacrée leçon de cette crise dont il faudra tenir compte dans l’avenir.
Il faut mettre fin à ce mille feuilles administratif entre le National, le Régional et le Local pour redonner de l’autonomie au terrain et aux établissements à l’image de ce que nous venons de vivre. S’être affranchis de nombreuses lourdeurs bureaucratiques est la raison d’une bonne gestion de la crise au niveau de tous nos hôpitaux.
Les ARS, à de rares exceptions, ont toutes été mises en cause par l’ensemble des acteurs du monde de la santé de par leur absence d’efficacité et de réactivité sur le terrain. Leur temps long et distant des soins et des soignants s’est là aussi révélé au grand jour.
Au titre des erreurs de nos politiques de santé dites « Administratives » chèrement payées ces dernières années, il conviendra de réinventer la gouvernance hospitalière avec des équipes soignantes mieux représentées, plus investies et en capacité de véto décisionnelle sur des décisions qui ne répondraient pas à l’intérêt général. Les usagers doivent absolument eux aussi y être mieux représentés et acteurs des décisions. Ils ne le sont pas aujourd’hui.
La proximité de terrain , les périmètres des Services doivent absolument revoir le jour et mettre fin à ces périmètres administratifs qui se sont trop éloignés des soins et des malades et des équipes soignantes. Les Chefs de services ou de pôles qui sont devenus des correspondants administratifs et des directions ne représentent plus ce monde soignant devenu orphelin de repère.
Il aura fallu cette Crise pour voir nos équipes se retrouver et retrouver du SENS et parvenir à tenir le pays debout Le terrain dans son principe de réalité, de proximité et de vérité est redoutable . Il fallait jusqu’à présent le faire taire et n’avait plus son mot à dire, diktat et aveuglement du tout financier oblige … jusqu’au Covid-19 !
Le retour du terrain, du respect et de l’écoute, entre tous, à la place du mépris, du cynisme, du fameux « zéro réponse qui est déjà une réponse », permettra de renouer avec la confiance perdue des équipes et des soignants.
La CME ( Commission Médicale d’établissement ) qui a perdu son âme au fil du temps et des volontés des politiques de santé , doit redevenir une instance décisionnelle et de responsabilités partagées dans la concertation, le respect et l’intérêt général . Son Président de CME doit retrouver lui aussi ses prérogatives décisionnelles fortes , celles du monde médical, en lien avec le Directeur, chacun agissant dans son domaine de compétence , en juste et parfait équilibre .
L’usager doit être la troisième composante de cette reconstruction. Il est totalement absent aujourd’hui !
Les liens entre la Ville et Hôpital , secteurs public et Privé, ne doivent plus être des rapports de concurrence, de compétition, d’opposition surtout financière et de conflits , mais des rapports de complémentarités. Au niveau National, cette crise du Covid-19 a ouvert des voies de la raison, du bon sens, de logiques et d’entraide au service des patients. Ces rapports et ces expériences vécus ces deux derniers mois doivent élargir nos réflexions.
Nous ne sommes rien sans ces partenariats ni ces liens réciproques qui font le monde de la santé.
Il faut absolument revoir les parcours de soins et les modalités d’admission dans les centres hospitaliers pour faciliter les hospitalisations directes dans les services de soins sans passer systématiquement par les Services d’Urgences devenus les « variables d’ajustement » organisationnelles des Hôpitaux « en flux tendus ».
« Il faut arrêter de faire n’importe quoi avec les services d’Urgences » et les recentrer absolument sur leurs priorités et leurs missions essentielles selon les objectifs du plan « Ma santé 2022 ».
Libérer les places en Services et Unités de spécialités en CH et CHU en facilitant les admissions vers les services de rééducation, de réadaptation et de suites de séjours, en créant d’avantage de lits pour fluidifier les parcours de soins hospitaliers de courts séjours, sont une vraie priorité et un enjeu majeur de dynamisme de notre système hospitalier.
Prévoir une future pandémie, faire face à une catastrophe, un événement dit « exceptionnel » ( climatique ou terroriste ), impose de réarmer nos hôpitaux à flux tendus et paupérisés, par des moyens à la hauteur des enjeux. La loi HPST dite « Hôpital entreprise du beau malade qui rapporte et à flux tendus a fragilisé et désarmé l’hôpital public ! La fermeture des 100 000 lits hospitaliers , des lits de Réanimation sur les territoires contrairement à l’Allemagne ( 5000 en France Versus 25 000 en Allemagne ! ) actent de l’insouciance , et un manque de devoir d’anticipation face aux crises !
Les « dettes de trop », les dernières, se sont encore plus attaquées à nos équipes pour pouvoir assumer ces missions d’intérêt général qui incombent pourtant aux Hôpitaux publics. À ce seul titre, comme l’Armée, la Police, les Pompiers, les Hôpitaux publics doivent être sanctuarisés et protégés sur certains secteurs sensibles et non plus les proies de ces lois du marché qui étaient une « folie » selon notre Président de la République, E. MACRON, nos Hôpitaux publics doivent être protégés pour protéger nos populations du pire.
Gérer dans l’avenir les futures pandémies et autres catastrophes implique de revoir totalement nos logiciels organisationnels et architecturaux en les dimensionnant autrement en terme de capacités d’extension et de flexibilités, totalement à l’opposé des politiques hospitalières actuelles rigides et hermétiques dites à « flux tendus », sans aucune réserve sauf à devoir suspendre toute son activité hospitalière et réorienter ses missions . Déclencher un confinement général du pays et des populations ( et de l’économie ), pour devoir palier à l’absence d’anticipation, ou payer chèrement au final par milliards nos politiques de petites économies, conduira certainement à mieux réfléchir pour les horizons à venir …
Il faut abandonner les logiques comptables aveugles et la tarification à l’activité des actes pour des actes et la surconsommation d’actes ( 30 % indus et redondants sans pertinence aucune ). Une gabegie qui curieusement n’a ému personne en ces années d’économie !
Les objectifs Nationaux des dépenses de santé doivent assurer les moyens à la hauteur des besoins de notre pays hors politiques d’injonctions contradictoires permanentes, c’est à dire « toujours plus avec toujours moins ».
Ce plan d’investissement MASSIF annoncé par le président MACRON dans la recherche, pour nos aînés et l’Hôpital public est une Urgence.
Plus de moyens pour les seuls moyens n’est pas la solution. Plus d’organisation, pour plus d’efficience, de logique, de bon sens, de pragmatisme et surtout de réactivité de terrain avec des moyens adaptés, est la solution.
Pour financer encore faut-il savoir pour quoi et pour quelles missions ? Quelles priorités ? Quel juste soin pour quel juste coût ? Quelle lutte contre les dépenses inutiles et quelle évaluation de la pertinence des actes ?
Aucune réponse depuis des années à ces questions ! En dehors d’obligations incontournables et de missions d’intérêt général qui incombent en première ligne à l’Hôpital public et qui apparaissent limpides, pour le reste, se pose la question de financer quoi ( définir le rôle de l’hôpital public ) avant de savoir comment le financer ?
Tous les économistes de renom l’annoncent aujourd’hui. Les politiques néo libérales des années 1980-1990 sont dépassées et révolues, nous devons nous orienter vers des économies de « plus juste répartition des richesses » et « de solidarité ». La SANTE s’inscrit en droite ligne de ces horizons économiques .
Il faudra aussi s’interroger dans nos choix de société sur les pertes et fuites de capitaux. 64 milliards de fraudes fiscales, 14 milliards de fraudes sociales et autres spéculations bancaires ou boursières, soit au total plus de 200 milliards, pour nous interroger sur ces choix et priorités de société à faire … surtout quand le sanitaire sacrifié finit par tout emporter et tout pulvériser, sur son chemin, l’économie en tête !
Le SOIN et l’HUMAIN doivent absolument retrouver leur place centrale au sein de l’hôpital public et repenser les rapports Administratifs/Soignants ( l’exemple de l’Allemagne avec 25 % d’Administratifs pour 35% en France est à l’ordre du jour des débats du Ségur de la Santé qui s’engage ) . Ce constat reconnu par deux Présidents de la République, François HOLLANDE et Emmanuel MACRON, au titre de leurs « mea culpa » respectifs d’une dérive de la Santé suradministrée et technocratisée à outrance , de toujours plus de papier au détriment des soins, en est la preuve d’une certaine prise de conscience devenue obligée .
Le Service de SOINS , dirigé par un Chef de service médical, sur le terrain et affranchi le plus possible de réunionites inutiles et stériles qui plombent l’Hôpital public depuis des années , doit être un enjeu majeur de cette reconstruction à venir . Il doit retrouver une autonomie et un pouvoir décisionnel, une équipe soignante dimensionnée à la hauteur de son activité et de ses missions locales ou territoriales et d’intérêt général . La souffrance au travail des personnels hospitaliers reconnue et classée au plus haut niveau du monde du travail toute profession confondue est là aussi un constat sans appel !
Reconsidérer les pôles en les sortant de leur représentation administrative vers plus de soins , les GHT ou groupements Hospitaliers de Territoires avec plus de considération et d’écoute des problématiques et des organisations des terrains et de leurs acteurs insuffisamment présents dans les décisions des territoires , sont aussi à reconsidérer car en réactivité avec la proximité trop souvent oubliée.
La recherche, l’innovation, le numérique, la formation, au service des parcours de soins, des compétences et de l’amélioration des prises en charge pour nos populations, doivent être facilités et encouragés par un changement des paradigmes. Trop de richesses au sein de nos équipes soignantes alimentent ce gâchis humain que nous dénonçons depuis trop longtemps car balayées par le seul regard et l’aveuglement des politiques de santé du « tout financier ».
Un plan massif pour le grand âge et nos ainés attendu depuis combien d’années ? Combien de drames et de décès dans nos Ephad avec le Covid-19 ? Nous n’en connaissons toujours pas le bilan final . Réorganiser les Ephad , assurer une présence soignante H 24 et sécuriser le suivi et les parcours de soins plutôt que de les adresser comme seul et unique recours sur un brancard couloir des services d’Urgences par défaut de toute autre solution ! Comment nos experts en Santé et nos élites n’ont-ils pu depuis tant d’années , anticiper nos courbes démographiques en France et programmer cet enjeu majeur humain et de société ?
Enfin augmenter les salaires des soignants pour les remettre au niveau de la moyenne Européenne au lieu de les maintenir à la traine soit au 28e rang des 32 pays de l’OCDE. Curieuse ambition et douloureux constat pour un pays qui se veut être un pilier et un moteur de construction Européenne !
Une juste et attractive politique de rémunération de tous les personnels soignants en rapport avec certes leurs domaines de compétences mais aussi avec leurs rangs de responsabilités , de contraintes, d’investissements et de missions rendues obligatoires pour assurer H 24 la sécurité sanitaire de l’ensemble de nos populations .
La France vient de vivre probablement un terrible avertissement et une sanction bien au-delà du sanitaire sans précédent. Cet avertissement nous engage et nous oblige tous . Après le sanitaire, les drames économiques , viendront aussi probablement derrière les mea culpa de Présidents de la République face à cette « Folie » sanitaire sournoisement voulue depuis des années, des tensions politiques et sociétales dont personne n’en prévoit les horizons.
Puissent la Santé et le Sanitaire, « Socles » des valeurs Républicaines de Liberté, de Fraternité et Solidarité et d’Égalité, atténuer ces ondes de choc à venir au sein de notre société et pour notre pays.
L‘Hôpital public dans son quotidien tente dans la douleur depuis des années d’apaiser les tensions de notre société, peut-être aurait-il fallu ne pas attendre ce drame pour en écouter ses acteurs de terrain qui viennent de prouver devant la Nation qu’ils étaient dans le vrai …..
Une certitude, au vu de la gravité de la situation, ce « Ségur de la Santé » ne pourra pas comme tous les plans et autres directives que les soignants ne comptent même plus , ne pas apporter de vraies réponses concrètes et des solutions crédibles pour pouvoir non pas reconstruire , mais construire sur d’autres bases et fondations plus solides.
« Il y a des biens et des valeurs supérieurs qui doivent échapper aux lois du marché » avoue Notre Président de la République, que le Ségur de la santé entende cette voix et surtout passe enfin aux actes annoncés.
Il n’y aura pas de retour en arrière, ce terrible avertissement nous oblige à ne plus mentir, ni aux soignants ni à nos populations, les enjeux du Sanitaire et de la Santé ne peuvent plus être sacrifiés, on en voit le prix à payer pour la société et notre avenir .
Dr Vincent CARRET
AMUF