Sanary sur culture

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Après la publication du livre de Camille Kouchner les lumières se sont portées sur la petite commune de Sanary. Rassurons ses habitants, Sanary a d’autres motifs de célébrité. Dans

le café de la marine a sanary en 1933

les années 30 des réfugiés allemands et autrichiens se sont retrouvés ici pour attendre d’éventuelles destinations offrant une plus grande protection. Artistes, juifs, anarchistes, journalistes, opposants, homosexuels, peintres « de l’art dégénéré », écrivains, compositeurs, critiques musicaux, esprits libres et réfractaires, nombreux sont ceux qui ont transité par Sanary.

À partir de 1933, la commune devient  même le haut lieu de la contre-culture germanique après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et le lancement de la campagne pour la destruction de la littérature « d’esprit non-allemand ». Traditionnellement francophiles et francophones, ces intellectuels allemands ayant dominé la vie culturelle de la République de Weimar dans des domaines aussi variés que la littérature, la musique, le théâtre ou les arts plastiques, sont nombreux à choisir ce havre de paix, petit village provençal posé sur le rivage méditerranéen, pour tenter de se réorganiser et se reconstruire.

Pourquoi Sanary ?
Les représentants de cette intelligentsia allemande à Sanary vont créer Das Wort, une revue antifasciste majeure de l’avant-guerre pour dénoncer et informer. Les autorités françaises surveillent ces exilés. Leur présence sur le territoire sanaryen fut si importante que l’on parlait à l’époque de « la colonie allemande de Sanary », très certainement au sens d’un collectif de pensée et par conséquent d’un objet d’enquête. Dans ce sens justement, Das Wort remplira son rôle, celui de massifier des pensées individuelles, inefficaces si elles restaient isolées. Ce fut l’œuvre des auteurs « sanaryens », Léon Feuchtwanger (1884–1958), Bertolt Brecht (1898–1956), Fritz Brügel (1897–1955), Heinrich Mann (1871–1955), Arthur Koestler (1905–1983), Arnold Zweig (1887–1968), Ludwig Marcuse (1894–1971) et Stefan Zweig (1881–1942). Il serait excessif de représenter ces intellectuels comme des résistants mais plutôt comme des réfractaires aux idéaux étatiste, racistes et nationalistes de l’époque, en un mot des hommes libres.

Un prix Nobel à Sanary.
Le café de la Marine devient « à la fois la maison familiale et la patrie, l’église et le parlement » écrit Herman Kesten. Au café de la Marine, au bar le Nautique, (vidéo) on parle littérature, on évoque ses préoccupations provoquées par le manque d’argent, le problème du passeport, les visas de transit, les autorisations de travail et de séjour, les cartes d’identité ou les titres de voyage. En exil, les heures pleines et sereines se conjuguent avec les mauvais rêves et la peur. La nostalgie pointe à chaque instant ; on pense à son pays, à sa maison, à ses amis, à ses affaires laissées derrière. Pourtant, et pour des raisons évidentes, de solides relations, fragmentaires ou durables, se scellent entre ces hommes et ces femmes à la recherche d’un abri amical et de consolations. À Sanary, et bien que déchus de leur nationalité par les autorités du troisième Reich, les artistes sont vus avant tout comme des Allemands. On ne les aime pas trop. Ils mangent leurs propres provisions et ne font pas vivre l’économie locale. Et puis ce sont des boches ! quinze ans après, la Grande Guerre a laissé d’innombrables blessures parmi les Sanaryens ! Il faut être juste ces allemands riches et originaux n’étaient pas très appréciés des habitants. Thomas Mann l’auteur de « la mort à Venise » ou de « « la Montagne Magique » avait loué une somptueuse villa sur les hauteurs ou il recevait ses amis. Il déclara « on nous regardait comme des ennemis potentiels parce que nous parlions allemand ». En 1941 ils étaient presque tous partis…enfin les plus riches. On sait que l’Etat Français de Pétain livra les autres aux occupants nazis après que la république les eut enfermés dans le camp des Mille près d’Aix en Provence…

Thomas Mann à Sanary

Admirateur de Schopenhauer, Goethe, Schiller, Lessing, Dostoïevski, Tchekhov, Freud et Nietzsche, Thomas Mann en 1897 commence la rédaction de son premier roman, « Les Buddenbrook », qui paraît en 1901. En 1903, il publie « Tonio Kröger ». En 1912, il publie « La Mort à Venise ». Un séjour en sanatorium à Davos et la catastrophe de la Grande guerre lui fournissent le sujet de son roman le plus célèbre, « La Montagne magique », paru en 1924. Cette œuvre lui vaut la renommée internationale. Mais l’Académie suédoise lui attribue le prix Nobel de littérature en 1929 pour « Les Buddenbrook ». Face à la montée des extrémismes en Europe, Mann publie, l’année suivante, la nouvelle « Mario et le Magicien » avant de se réfugier à Sanary puis en Suisse.

Le temps de l’Histoire passe et s’écoule et cette présence fugace de ces étranges exilés allemands est devenue aujourd’hui une petite gloire pour la charmante cité. Maintenant la ville est fière de son passé et de nombreux colloques, expositions, parcours didactiques sont organisés. Tous les habitants de Sanary sont au courant désormais. Et Florence Morali coresponsable pédagogique de la licence professionnelle Management des projets artistiques et culturels prépare ses grands étudiants a un projet sur ce thème. L’Histoire n’est donc pas inutile. Il y a même une plaque à l’entrée de la ville. C’est dire !

Source : La thèse de Magali Nieradka

Jean François Principiano

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