Saint-Raphaël : Les conférences de 18h59

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Les conférences de 18h59 : 550 Raphaëlois au rendez-vous de la démocratie avec la sociologue Dominique Schnapper !

Inauguré en janvier dernier par l’historien et ancien secrétaire d’État Jean-Noël Jeanneney, La sociologue et politologue Dominique Schnapper a permis à ce nouveau rendez-vous raphaëlois de la connaissance et du savoir de trouver son public. Une analyse sociologique riche de fond, doublée d’une brillante expertise axée ce 26 mars, au Palais des congrès, autour des forces et faiblesses de la démocratie. Un sujet qui concerne chacun d’entre nous et dont l’examen exhaustif a fait écho à la réflexion du public par une série de questions/réponses venant conclure cette seconde intervention, suivie d’une séance de dédicace de trois de ses ouvrages abordant la République, la Nation ou la laïcité, mais aussi le vivre ensemble et l’inclusion sociale. Son dernier livre, « De la démocratie en France » a été publié en novembre 2017. La sociologue avait préalablement écrit « La démocratie providentielle » (2002),  « Une sociologue au Conseil Constitutionnel » (2010) et « L’Esprit démocratique des lois » (2014).

Une approche sociologue des forces et faiblesses de la démocratie
« Recevoir Dominique Schnapper, c’est recevoir la fille de l’un des penseurs les plus importants du XXème siècle, Raymond Aron », déclarait Frédéric Masquelier. « Nous recevons surtout aujourd’hui l’une des plus grandes sociologues françaises, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui a traité la démocratie sous tous ces aspects ». Ses réflexions sur le racisme et l’antisémitisme, sur la France de l’intégration ou encore sur l’immigration, la place du travail dans nos sociétés ou des prophètes de la fin du travail ont fait de Dominique Schnapper l’une des intellectuelles les plus importantes de ces dernières décennies. A ce titre, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer l’a désigné pour devenir la présidente du futur Conseil des sages de la laïcité.
Comme le faisait observer le maire, « Toutes ces questions vous les approchez en sociologue et c’est ce qui change le regard. Vos écrits sont scientifiques mais ne se résument pas qu’à un matériau historique. Vous maniez les outils de la sociologie pour proposer des études plus riches avec un regard toujours plus intéressant. (…) Ce soir, vous allez nous parler de vos travaux sur la citoyenneté et la démocratie. (…) La démocratie nécessite de toujours être mieux informée, de toujours mieux comprendre, c’est pourquoi, nous sommes ravis de vous accueillir (…) et je vous remercie de venir nous partager cette analyse fondamentale ce soir, ici, à Saint-Raphaël ».

Fondements et caractéristiques du régime démocratique
Partant de l’idée que l’ordre démocratique repose sur un principe d’inclusion de tous les êtres humains dans une même organisation politique dont la vocation est universelle, Dominique Schnapper a tout d’abord rappelé les fondements du régime démocratique et ses caractéristiques avant de développer au cours de son exposé les forces, les risques et les fragilités de ce régime, soulignant que « quels que soient ses fragilités et ses dévoiements, nous ne devons jamais oublier que c’est un projet d’émancipation des hommes et des femmes et que les sociétés démocratiques sont les plus libres, les plus tolérantes, les plus riches et les moins inégales que l’on ait connu dans l’histoire.  »

Manquements et exagérations à l’idée de démocratie
Soulignant les manquements et les contradictions du régime démocratique, notamment à travers les formes de colonisation, d’esclavage, d’antisémitisme, de la place dévolue à la femme dans la vie publique, ou encore des inégalités sociales,  la sociologue a ensuite insisté plus longuement sur les excès de la démocratie, ses exagérations, et les risques que ces derniers comportent s’ils deviennent excessifs, ou « trop démocratiques », par excès d’individualisme au détriment de l’intérêt général, soulignant à cet effet « que les démocraties sont des régimes aussi fragiles qu’improbables lorsque l’on observe leur caractère minoritaire dans le monde aujourd’hui ».

Les risques d’une démocratie extrême
Dominique Schnapper a également souligné l’importance « de ne pas céder à la tentation de l’illimité et de l’individualisme qui ne tient pas compte des autres et des institutions », et qui s’étend progressivement à tous les domaines de la vie collective et personnelle. Une tentation que nourrit une triple dynamique : la science à travers sa maîtrise de la nature, le capitalisme qui vise à produire toujours plus de biens et de services et la démocratie qui, si elle n’est plus consciente de ses limites, pourrait la conduire à l’extrême remettant en question son fondement.

Respect et transmission des institutions
La sociologue a rappelé « qu’être démocrate c’est à la fois créer et respecter les institutions démocratiques » mais aussi la justice, la loi, les valeurs collectives, faisant observer que « cet apprentissage n’est jamais totalement acquis, il faut du temps, recommencer d’une génération à l’autre ». Soulignant également que les tensions inévitables entre ce nécessaire respect et la critique des pratiques et normes de ceux qui en ont la charge peuvent mener à « une démocratique extrême », d’où la nécessiter « d’assurer la transmission d’un certain nombre de valeurs communes qui lui donne son sens et sa spécificité ».

Des interrogations soumises à la réflexion du public
Les nombreux points développés par Dominique Schnapper ont également soulevé un certain nombre d’interrogations relatives à la manière de transmettre l’essentiel d’une culture commune, tout en tenant compte de l’évolution de la société démocratique, de ses aspirations légitimes et acquis incontestables : Peut-on continuer à constituer ensemble une société humaine vivable, si l’on ne partage pas une conception commune du monde et des relations entre les êtres humains ? Si l’on néglige les grands principes de la tradition réglant la réciprocité, la parenté ? Entre contraintes et solidarités, comment rendre légitime les limites inévitables que la vie collective impose à l’indépendance de chacun d’entre nous ? Comment légitimer les contraintes de l’ordre social et les dispositions assurant la solidarité entre tous ? Comment assurer le lien social sans projet commun ?

Lutter pour la démocratie
« Nous ne devons pas oublier les qualités des démocraties », déclarait en conclusion la sociologue, « elles sont relatives, mais c’est vers elles que vont les plus entreprenants des autres peuples, éventuellement en risquant leur vie. (…) C’est à nous tous, à vous les plus jeunes, de lutter pour que la démocratie résiste à ses propres tentations ». Frédéric Masquelier s’est félicité pour sa part de la qualité de cette analyse offerte au raphaëlois  digne « des échanges que l’on ne retrouve que dans certains amphithéâtres à la Sorbonne, à Sciences Po ou encore dans les grandes écoles ».

L’annonce de la création d’un conseil de quartier pour le centre-ville
Comme le faisait observer le premier magistrat, « le débat, la discussion sont le fondement même de la démocratie (…) Il faut savoir discuter de manière sereine, apaisée, sans brutalité. (…) La démocratie c’est bien plus que le vote, c’est le régime de la parole, c’est le régime de l’implication et de la participation du citoyen ». Il par ailleurs profité de cette soirée, pour annoncer la création prochaine d’un conseil de quartier pour le centre-ville. Un lieu d’échange et de débat pour tous les Raphaëlois, « utile pour libérer la parole, pour écouter et prendre de meilleures décisions grâce à l’avis éclairé de chacun » a-t-il déclaré, « la démocratie ne peut se résumer à une participation épisodique (…), c’est pourquoi le citoyen doit rester au cœur de la décision, il doit conserver le pouvoir ».

Prochain rendez-vous : carte blanche à Roger-Paul Droit et Monique Atlan
En continuité de ce deuxième rendez-vous du cycle de rencontres gratuites, carte blanche sera donnée, les 25 et 26 mai, à Roger-Paul Droit philosophe et chroniqueur, auteur d’une trentaine d’ouvrages et Monique Atlan, journaliste et critique littéraire, rédactrice en chef à France 2, productrice de l’émission littéraire « Dans quelle éta-gère ». Le 25 mai, tous deux conduiront une conférence sur la thématique : « Comment vivre en bonne intelligence artificielle ». Le 26 mai sera ensuite consacré à une série de rencontres-dédicaces en compagnie de Franck Thilliez, scénariste et auteur de romans noirs, Bernard Werber, auteur de romans de « philosophie-fiction », complétée d’une table ronde portant sur la thématique « Fiction et science-fiction : mode d’emploi » et d’une exposition de Marion Montaigne, illustratrice et auteure de bande dessinée, « Marion Montaigne ramène sa science ». Réservation et billetterie : Centre culturel 04.98.11.89.00

Les rencontres de l’avenir et de l’intelligence : les 23, 24 et 25 novembre
À noter que cette série de grandes conférences et rencontres trouveront leur aboutissement dans un festival gratuit, « Les rencontres de l’avenir et de l’intelligence »  qui se déroulera les 23, 24, et 25 novembre prochains au Palais des congrès sur la thématique de l’avenir. Une programmation marquée par l’analyse et la réflexion, digne de ce que proposent les plus grandes métropoles. De grandes figures intellectuelles de notre temps  viendront animer ce temps fort de 3 jours autour de conférences et de tables rondes tels que Nicolas Bouzou, Luc Ferry, Erik Orsenna, Guy Vallancien, Gilles Lipovetski, Virginie Guyot, Hervé Le Bras … )

 

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