Retour sur Cash-Investigation « Des salariés à prix cassés »

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« Je suis fière de ma loi » a répété à deux reprises Myriam  El Khomeri, la ministre du travail, invitée à la fin de l’émission-choc d’Elise Lucet qui a tenu toutes ses promesses ce mardi 22 mars.

Le thème : Le scandale des travailleurs déplacés. Entendez les salariés originaires de l’Europe en droit de prétendre à un emploi dans toute la communauté et qui sont la proie de redoutables recruteurs qui agissent pour le compte de très grandes entreprises françaises et multinationales, libres de choisir des salariés à bas coût mais pas regardantes sur le respect de la réglementation du travail et de la dignité humaine .

En plein dans l’esprit de la loi-travail qui vise, sous prétexte de « moderniser » le code du travail, à liquider toutes les protections favorables aux salariés. Pour donner aux entreprises toute latitude pour licencier sans contrainte et organiser le travail selon la volonté des employeurs, seuls juges de ce qui est bon pour l’entreprise et ses salariés.

Avec toute la pugnacité qu’on connaît à l’équipe de journalistes traquant les négriers fournisseurs des salariés pour le compte de multinationales, y compris à capitaux publics, on peut voir les grands patrons jurer qu’ils ignoraient que leurs chantiers comme le terminal méthanier de Dunkerque par Bouygues, la centrale de Flamanville par EDF, le transport intranational par Géodis (SNCF)…étaient assurés quasi exclusivement par des salariés recrutés en Europe de l’Est et traités de manière inhumaine et totalement illégale.

Spectacle surréaliste que cette fausse indignation, cette prétendue méconnaissance, à ce niveau, des donneurs d’ordres qui signent le contrat de recrutement et de gestion des personnels. Ils font mine de ne pas s’y intéresser bien qu’il porte sur des milliers de salariés. Ils sous-traitent à une entreprise parfaitement identifiée domiciliée en Irlande qui sous-paye, ne déclare pas ou de manière frauduleuse, ne régle pas les cotisations sociales, retient arbitrairement des sommes faramineuses et fait transiter le peu d’argent versé pour des salaires de misère sur un compte à Chypre !

Avec un patron qui ne répond à aucune sollicitation d’entretien et qui change le nom de ses filiales au gré des circonstances. Mais qui est au sommet de la réussite sociale par les milliards accumulés selon des pratiques esclavagistes auxquelles on voudrait nous habituer.

On a là une illustration de l’ampleur de ce qui est appelé à devenir légal si la loi-travail venait à passer. Mme la ministre était, elle-aussi, indignée, disant connaître ces situations mais renvoyant sur l’Europe le manque d’efficacité et ne voyant visiblement pas le rapport avec sa loi, déterminée à punir de tels abus  !?

A ce propos, le reportage établissait à 2,5 millions « l’économie » réalisée par Bouygues au détriment des organismes sociaux de France et sa condamnation à…25 000 euros sur plainte de la CGT : pas très dissuasif comme sanction !

Les trois exemples choisis portent sur plusieurs milliers de salariés polonais et roumains qui avaient signé un contrat rédigé…en grec et à qui on avait fait miroiter un travail bien mieux rémunéré à condition de travailler très dur et très longtemps, sans heures supplémentaires et dans des conditions d’hébergement indignes qui leur étaient chèrement comptées.

Le cas de Géodis, filiale de la SNCF, est particulièrement édifiant. Plus de 80% des chauffeurs sont roumains et n’interviennent pratiquement qu’en France, à des salaires défiant toute concurrence : 237 euros brut plus une prime journalière. Ils ne comptent pas leurs heures et doivent rester neuf semaines hors de leur domicile. Neuf semaines à passer l’essentiel de leur temps dans leur camion !

Une situation volontairement créee par les dirigeants de l’entreprise publique en voie de privatisation selon les critères ultralibéraux imposés à tous les pays avec l’assentiment de leurs gouvernements qui défendent cette conception au détriment de l’emploi et du progrès social. En l’occurrence des autres entreprises de transports de marchandises et maintenant de voyageurs, pratiquant un dumping qui génére le chômage et la faillite de ceux, généralement les plus modestes, qui respectent le niveau des salaires de cette branche de l’économie en grande difficulté, comme beaucoup d’autres.

Découvrez cette émission -ce n’est pas trop souvent qu’une chaîne publique va aussi loin dans l’investigation et la confrontation des patrons mis en cause- qui en dit long sur les pratiques à grande échelle de la fraction la plus puissante du patronat et des dérives qui s’ensuivent dans toute nos sociétés.

C’est ça l’avenir que l’on promet à nos jeunes et le respect que l’on doit aux salariés(es) et aux demandeurs(es) d’emplois ?

René Fredon

http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/cash-investigation/

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