R.I.P de Guy Henri Kleiner Voyage au bout d’une vie

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C’est tout à fait par hasard que j’ai  fait connaissance avec ce livre R.I P de Guy Henri Kleiner*. publié aux Éditions Amalthée. Un premier roman qui est un coup de maître. Car c’est avec beaucoup de plaisir que l’on découvre un auteur nouveau dont le premier livre est déjà marqué du sceau du talent et du style.

Une chronique nostalgique

Guy Henri Kleiner

Lorsque j’ai commencé la lecture je n’ai plus eu envie de quitter ce petit bouquin de 188 pages. Il y a des raisons objectives à sa réussite. Tout d’abord et avant tout, il y a un style  d’une grande fluidité. On sent que Kleiner est aussi un lecteur passionné et qu’il  a su  assimiler les techniques  d’écritures des ainés.  Ce premier roman publié posséde déjà toutes les  nuances de la narration bien menée  autour d’une structure bien construite.

Ensuite il y a un champ lexical d’une grande richesse, très coloré avec des ruptures qui rythment le récit, comme une respiration profonde, n’hésitant pas à utiliser l’argot ou les tournures populaires.

Enfin il y a une histoire très simple, nostalgique et émouvante.

Kleiner dans son récit nous fait participer aux obsèques de Guite, une cousine dont la vie a été marquée par un immense amour dans le contexte  historique de la noble terre de Lorraine. Pendant toute la cérémonie le narrateur revoit des souvenirs, scandés par la dévotion à la défunte. Le lecteur alterne ainsi entre le présent et le passé. Sans doute à la fois autobiographique et imaginaire, le personnage  de Guite prend de l’ampleur au fil des pages  et l’art du romancier est aussi d’élargir la focale jusqu’à la description des événements, des espoirs et des tourments de tout un terroir.

Repose en paix
Le choix du titre, R.I.P, Requiescat in pace  que l’on retrouvait parfois sur les pierres tombales, a lui aussi valeur de symbole. Cette douce  fille a caché son amour pour un soldat allemand Heinrich. Et elle  n’a plus retrouvé la paix du cœur et de l’âme jusqu’à sa mort, sinon dans l’humilité de sa condition acceptée.

Page 96 Kleiner écrit :
« Je rêvasse encore en entendant ce curé baratiner sur l’amour don de soi, don pour Dieu. Guite méritait bien  de retrouver là-haut, le cher Heinrich, blé prometteur fauché sur la plaine d’Ukraine. Il est des peines indicibles qu’un prêtre ne peut pas comprendre. Pardon cousine Guite de n’avoir jamais fait taire ces mégères adipeuses, ces bourgeoises condescendantes, qui te prenaient de haut parce que tu étais restée célibataire. J’aurais dû hurler pour te défendre et crier avec toi : Heinrich ! Symbole de l’amour passion, de l’amour fou qui déborde les lignes opposées et transcende les adversités. L’Amour, l’irrésistible  amour… » Ces lignes sont celles d’un authentique écrivain. Et tout le livre en regorge.

Plus avant on découvrira le courage de cette fille qui sauvera une famille juive pendant la guerre, entourée des  beaux personnages de Fernande ou d’Hélène.

Parfois Kleiner  a la griffe du polémiste. Lorsque la cérémonie à laquelle il assiste devient pesante il a ce cri de l’homme libre : « Hélas, chers croyants, trompés, trahis, roulés dans la farine  sacerdotale, le temps ne semble pas encore venu que les prêtres renoncent au pouvoir de vous compliquer le chemin vers le Père. »

Retour aux racines.
La fin du roman ramène le narrateur à l’essentiel, aux racines. La cérémonie va  se terminer. « Dehors le soleil a sans doute triomphé momentanément des nuages. Une nouvelle clarté envahit le transept. Des traits de lumière, qui se chargent de couleurs en traversant les vitraux atteignent le chœur. On croirait des gouttes d’Esprit Saint qui tombent sur la tête des  apôtres ! J’assiste, éberlué, ravi, à une reproduction vivante d’un triptyque du quattrocento, mis en musique par la chorale des petites gens de mon pays d’enfance. Le pays d’où je viens et que je ne peux renier ; le peuple dont je suis et que je ne peux désavouer. Je me ressouviens. Alors d’un geste instinctif, comme pour répondre à leur appel, je me lève du banc. Je gagne l’allée. Je rentre dans le rang encore bien serré. Je marche presque chancelant avec eux, parmi eux, pour eux. J’avance, enfin retrouvé, vers ma propre rédemption. »

En posant le livre de Kleiner je pensais à cette belle image de Jaurès qui disait «  sous terre toutes les racines se rejoignent ».

Il  se dégage  de cette lecture comme un parfum de fraternité qui dépasse les angoisses, les craintes et toutes les chaînes  car c’est par la fraternité qu’on sauvera la liberté.

Jean-François Principiano

*R.I.P Roman de Guy Henri Kleiner Éditions Amalthée 2020, dans toutes les bonnes librairies et sur le net.

Né en 1945 à La Calle, ancien département de Constantine, d’origine luxemburgo-mosellane, Guy Henri Kleiner a vécu plusieurs vies. Ancien chef d’entreprise, il dédie aujourd’hui une partie de son temps à l’écriture et tel Cervantès prouve qu’il n’y a pas d’âge pour commencer à écrire. Il habite à Carqueiranne.

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