Plus de 400 mineurs « non accompagnés » dans le Var

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Plus de 400 mineurs « non accompagnés » dans le Var : le manque de moyens est flagrant
Ils s’appellent Gaosau et Sébastien. Ils ont 16 ans. Ce sont les prénoms qu’ils ont choisis pour préserver leur anonymat.
Tous deux viennent de Côte d’Ivoire. Tous deux ont connu des galères familiales, et leur vie a basculé le jour où leur mère est morte.
Gaosau est arrivé à Toulon en juillet 2017. Ses empreintes ont été relevées par la police, il a passé des radios pour s’assurer qu’il n’était pas porteur de maladie grave. Et depuis…il attend la fameuse « évaluation » qui lui permettra d’être reconnu comme « mineur non accompagné » (MNA) et, donc, d’être pris en charge.
C’est une étape capitale, qui, légalement, devrait être réalisée dans les 8 jours. Gaosau attend depuis 6 mois. Plusieurs jeunes de son âge ont repris la route pour voir si d’autres départements étaient plus accueillants…
Pour Clémence et Patrice, animateurs au Secours Catholique, le constat est amer : « il n’y a aucune explication à ce retard. Certes, Gaosau n’est pas à la rue : Le conseil départemental lui assure le gîte et le couvert dans des établissements référencés. Mais la prise en charge s’arrête là. Sans la reconnaissance de leur état de « mineur non accompagné », l’accès aux soins est réduit, ils n’ont pas d’éducateurs, ne sont pas scolarisés, n’ont pas d’argent et traînent toute la journée dans les rues de Toulon. Ce sont des proies faciles pour les prédateurs, et la voie ouverte à la délinquance… »

Histoire d’un naufrage
Depuis le mois d’octobre 2017, le Secours Catholique a décidé de s’occuper des ces jeunes, à côté d’autres associations également engagées dans ce domaine, en organisant des cours de français, des activités ludiques, du sport … et ça marche ! Gaosau est devenu un fidèle habitué de la Salle Montéty à Toulon. Lui qui n’a jamais été scolarisé dans son pays, découvre le plaisir d’apprendre, de retrouver d’autres jeunes migrants, de faire de la cuisine avec un groupe femmes et même d’aller à la pêche…
Derrière son sourire, il y a un passé proche et douloureux. Il a traversé le Burkina, le Niger, mais c’est en Lybie qu’il a connu l’enfer. Battu, emprisonné à deux reprises, dénutri, il est un survivant qui ne veut pas s’étendre sur cette expérience terrifiante. Il a encore des maux de tête, a besoin de lunettes pour lire, mais répète en boucle : « je veux rester en France, apprendre à lire, à écrire, et travailler. Mon rêve, c’est de me spécialiser en mécanique ». Un rêve qui le fait sourire.
Gaosau a « pris la route » à 14 ans. Il a mis deux ans pour rejoindre l’Europe. Il a été maltraité, a vu la mort de près, a survécu lors de la traversée de la Lybie ver l’Italie, en Zodiac. Ils étaient 115 à bord. Gaosau fait partie des 20 migrants qui ont survécu.

La tristesse de Sébastien
Sébastien aura 17 ans dans quelques jours. Un anniversaire au goût amer, depuis la mort de sa mère. Il est arrivé à Toulon en août 2017 mais, lui, a eu la chance d’être « évalué » rapidement et reconnu mineur un mois plus tard. Sébastien était scolarisé, en Côte d’Ivoire et a même un bon niveau en français et en maths. Il va d’ailleurs passer un examen qui lui permettra de rentrer au lycée : l’équivalent du brevet des collèges, pour le jeunes déscolarisés.
Il a connu la prison, en Lybie, a été frappé, privé de nourriture. Il en parle doucement, avec tristesse, et dés que l’on évoque son départ de Côte d’Ivoire, ses yeux se remplissent de larmes.
Sébastien, comme Gaosau, a vu la mort de près : avec d’autres migrants, ils sont partis pour l’Italie à deux bateaux. Un seul est arrivé…
Sébastien vient dés qu’il le peut, au Secours Catholique, pour atteindre son objectif : faire des études, obtenir des diplômes, avoir un métier. « Avant » il voulait aller dans l’armée…
Le poids de son chagrin est perceptible. Un sourire, pourtant, quand il évoque un rêve de jeunesse : « aller en Alaska, parce que c’est grand, et peu peuplé… »

Clémence & Laurent un des bénévoles

Patrice Fongerat et Clémence Gagelin sont animateurs salariés au Secours Catholique. Patrice y est rentré il y a quinze ans, et Clémence met sa jeunesse et sa foi au service de ces jeunes tellement isolés… Tous deux regrettent le manque de visibilité générale dans la politique d’accueil.

-« Le département a un besoin urgent d’éducateurs, de psychologues, de lieux de scolarisation, et au Secours Catholique nous gérons l’attente, depuis octobre… »
Dans un département où la crainte de l’immigration de masse entraîne des crispations, voire une hostilité avérée, jouer la carte de l’ouverture est à la fois encourageant…et audacieux : « venez à la rencontre de ces jeunes, insiste Clémence, pour ne plus avoir peur… »

Aujourd’hui, dans le Var, ils sont officiellement plus de 400 mineurs non accompagnés, c’est à dire sans adulte référent ayant l’autorité parentale. Depuis quelques semaines, on commence à voir arriver des jeunes filles. Il y a, également, dans certaines fratries des enfants de 6 ans à peine..

Nicole Fau

Avant de réaliser cette enquête, nous avons sollicité le Conseil Départemental qui a la charge de ce lourd dossier. Il nous a été répondu que le Département ne souhaitait pas communiquer sur ce sujet.

Secours Catholique-Caritas France
Il s’agit d’un service de l’Église Catholique, en France, membre de la confédération Caritas Internationalis, et association reconnue d’utilité publique.
Une association qui lutte contre les causes de pauvreté, d’inégalité et d’exclusion.
En France, le réseau compte 1000 salariés et 70000 bénévoles, 3600 équipes locales.
La délégation varoise est située 165 rue Henri Vienne, à Toulon (04 94 89 72 00)

Vous pouvez faire un don ou donner un peu de votre temps
Secours Catholique : http://var.secours-catholique.org/
SOS Méditerranée : http://www.sosmediterranee.fr/

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