Pizzorno : grève suspendue, le bras de fer continue

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La grève illimitée du ramassage des ordures lancée par l’intersyndicale (CFDT, CFTC, CFE-CGC) de l’entreprise Pizzorno, avec la bénédiction du patron, qui avait débuté lundi 5 février, a été suspendue mercredi.

C’est que, malgré le soutien du président de l’Association des maires du Var, elle est loin de faire l’unanimité des maires concernés à commencer par celui du Cannet des Maures où se situe la décharge à problèmes, implantée au coeur d’une réserve naturelle depuis 40 ans.

Celui de Saint-Raphaël n’apprécie pas non plus l’arrêt de la collecte et rappelle à Pizzorno qu’il a signé un contrat, le menaçant de faire jouer les pénalités pour défaillance…

Les syndicats grévistes -dont le salaire ne sera pas amputé comme le laisse entendre le directeur (VM 8/2/18)- ont trouvé le « bon » prétexte : ils attendent la réunion de lundi prochain 12 février à Draguignan, annoncée par JP Véran le président de l’association des maires du Var pour tenter d’obtenir une énième prolongation de 5 ans de l’exploitation du site en attendant la mise en service des sites de substitution prévus à Bagnols en Forêt et Brignoles. (VM 5-2-18)

Le préfet s’y rendra-t-il ? Il a déjà répondu négativement, en privé et en public, aux demandes de l’entreprise, du président des maires et des syndicats grévistes. Laissant clairement entendre à l’infaisabilité de leurs propositions, pas à une mauvaise volonté des services de l’État.

Cela fait très longtemps que la décharge du Balançan fait parler d’elle dans le département par les nuisances qu’elle impose aux riverains d’une zone large, par sa non-conformité aux normes environnementales et par les libertés prises par l’entreprise privée propriétaire en matière de légalité de son exploitation. La justice s’en est mêlée à de nombreuses reprises.

Par exemple, en 2008 Pizzorno fermait le site pendant 6 mois, parce qu’il n’avait pas eu l’autorisation pour continuer, trouvant le Balançan « incomparable » au centre du Var ! Idéal pour y amener le plus de déchets possible car géographiquement le plus économe en frais kilométriques. D’où son acharnement.

Il renvoyait la balle dans le camp de l’État et jouait de ses relations avec les maires du même bord politique, très majoritairement.

Le préfet de l’époque Jacques Laisné lui répondait, comme l’actuel, que « pour un PIG (plan d’intérêt général), il faut un an au minimum. Qu’il ne nous fasse pas le coup de la surprise. La vérité c’est qu’il nous a demandé d’exploiter ce casier sans autorisation. Nous avons refusé… »

Il ajoutait qu’il n’était pas hostile  » à ce qu’en attendant le PIG, les déchets du Balançan soient répartis à Pierrefeu et Bagnols. Mais cela « après des études environnementales sur chaque site, afin d’évaluer les incidences de ce surcroît de déchets. Nous attendons encore ces études. »

Dix ans après c’est exactement le même scénario ! Le chantage au délai supplémentaire pour éviter le surcoût du transport, en faisant vibrer la corde de l’emploi. À ceci près que Pizzorno doit commencer à se persuader que le site ne sera ni étendu, ni exploité. Il n’a que trop servi…de dépotoir à ciel ouvert dans la plaine des Maures.

Des séquences comme celle-là, il y en a eu de nombreuses depuis près de 40 ans. Le résultat c’est que pendant cette période le groupe a étendu son monopole dans le Var et sa présence au-delà du département, grâce à la bienveillance, pour ne pas dire complicité, dont il a bénéficié de la part des élus majoritaires du département, ministres en tête, ses principaux clients à la tête des communes et du département.

C’est ce que constate le rapport de la Chambre régionale des comptes à propos de la gestion du Syndicat mixte de l’Est-Var dans ses observations définitives du 28-4-15 relatives à la période antérieure remontant à 2009. (1)

Un constat accablant sur les pratiques de Pizzorno (ou ses filiales) d’apports de déchets polluants, de tonnages excessifs, de trop perçus estimés entre 6,5 et 8,8, millions d’euros, et on en passe, bref de marchés complaisants très favorables au délégataire et très détaillé tout au long des 144 pages qui se résument dans ce paragraphe : « Le contexte particulier du département du Var a, sans aucun doute, favorisé l’implantation d’un opérateur historique qui jouit localement d’une situation monopolistique dans ce secteur couvert par le SMIDDEV. Les autorisations détenues dans le Var par le groupe GPE pour exploiter les rares installations de stockages des déchets non dangereux (ISDND) autorisées, le coût des transports pour acheminer les déchets en dehors du département, l’absence de mise à jour du plan départemental fixant de nouveaux exutoires et débouchés départementaux ont indéniablement contribué à cette situation. »

Le problème c’est que malgré tous les contentieux et condamnations au pénal du groupe Pizzorno, son monopole s’est considérablement étendu dans le département et bien au-delà.
Il annonce un chiffre d’affaires global de 218,8 millions d’euros en 2016 et 7 000 collaborateurs dont 1 455 en France. Et il n’hésite pas à se proclamer à l’avant-garde de la cause environnementale ! Il ne tient son essor que des collectivités territoriales et de leurs responsables, souvent des amis politiques proches à qui il sait renvoyer l’ascenseur.

On se demande d’ailleurs pourquoi la Chambre des comptes constatant toutes ses dérives et pratiques délictueuses, ne saisit pas la justice alors que ses recommandations restent lettres mortes ! Comme on peut le vérifier avec son tout récent rapport sur la gestion de Saint-Tropez ! (Voir TV83.info)

Et on voudrait que la parole publique soit respectée ? Que ceux qui en sont les dépositaires commencent par être exemplaires (le mot est à la mode, pas la chose) et cessent de se draper derrière le secret des affaires !

Avec le ramassage des ordures, ce sont les contribuables locaux qui payent les factures et les sur-factures de Pizzorno, conséquence directe de la privatisation d’un service public. Macron devrait le décorer.

René Fredon

(1) https://www.ccomptes.fr/en/documents/30374

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