Natixis donne raison à Marx

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La médiasphère en ébullition, Natixis donne raison à Marx

Patrick Artus, le responsable des études économiques de Natixis, vient de frapper un grand coup en intitulant sa note de conjoncture, publiée le 2 février, par un hommage à Karl Marx : « la dynamique du capitalisme est aujourd’hui bien celle qu’avait prévue Karl Marx ». Ni plus ni moins.

Il a eu beau l’assortir d’un avertissement interdisant sa publicité, elle envahit la presse généraliste et économique.

Graphiques à l’appui la note analyse dans les pays de l’OCDE « la succession d’évolutions que Karl Marx avait prévues :

1- la baisse de l’efficacité des entreprises (ralentissement de la Productivité Globale des Facteurs), toutes choses égales par ailleurs, impliquerait une baisse du rendement du capital des entreprises ;

2- les entreprises réagissent à cette évolution en réduisant les salaires (en déformant le partage des revenus en faveur des profits) ;

3- mais cette stratégie a une limite, atteinte quand les bas salaires deviennent trop faibles (égaux au salaire de subsistance) et les « capitalistes » se lancent alors dans des activités spéculatives qui font apparaître des crises financières… »(1)

Autrement dit les phénomènes auxquels nous assistons : la spéculation, le creusement des inégalités, les crises générées par le capitalisme, face « à la baisse tendancielle du taux de profit » (révélée par Marx), et malgré l’accroissement considérable de la productivité, l’amène à resserrer les boulons de l’exploitation pour accaparer le maximum de profits possible.

Telle est la contradiction fondamentale du système capitalisme qui nourrit lui-même les crises qu’il fait payer aux peuples tout en les approfondissant.

Voilà un constat qui, non seulement peut surprendre de la part d’un haut cadre de banque, par ailleurs membre du conseil d’administration de Total, mais qui confirme, si besoin était que la pensée de Karl Marx, ignorée ou caricaturée par toute une partie des élites libérales, la jugeant dépassée et même définitivement discréditée, reprend des couleurs et pas seulement depuis la note de Natixis.

Elle a le mérite de venir de l’intérieur même du capitalisme, comme pour inviter les détracteurs idéologiques de la pensée de Marx, nombreux dans les sphères de la banque, à la tête de l’État, dans les entreprises et les institutions, à ne pas sous-estimer les causes réelles d’une crise systémique qu’ils n’ont que trop tendance à balayer d’un revers de main pour se boucher les yeux et arborer un optimisme qui leur sert de cri de guerre contre tout ce qui ne va pas dans leur sens.

« On est sorti d’affaires, c’est la reprise partout, y compris en France, on améliore le pouvoir d’achat, les créations d’emplois sont reparties… » Ce n’est pas tout à fait ce que vivent les Français d’en bas et même des classes moyennes, frappées par la fiscalité au profit des très riches.

Il faut voir le tollé que cette note soulève dans les milieux bien informés et surtout bien-pensants qui y voient un renfort à celles et ceux qui luttent parce qu’ils ne gagnent pas assez, qu’ils vivent dans la précarité et qui prétendent que l’argent existe mais va dans les poches de quelques-uns déjà bien pourvus.

On peut lire cette perle, par exemple : « le capitalisme a bien réussi à faire manger plus de gens avec moins d’agriculteurs et habillé des milliards d’individus avec moins d’ouvriers, bref à faire beaucoup mieux avec beaucoup moins « ! Mais alors, qui profite de cette montagne de profits ?

Chez les économistes, la note interroge, mais le choc est palpable. Venant de ceux très majoritaires qui ont leur couvert sur les chaînes, la note est une patate chaude qui nécessite précaution avant de la contester frontalement. Elle vient de leurs propres rangs. Difficile de l’ignorer et d’en minimiser l’effet sinon la portée.

L’Humanité du 6/2 y consacre une bonne place, comme Le Monde la veille, Libération dès vendredi, il faudrait citer beaucoup de titres. (2)

Il est quand même plutôt rare qu’une grande banque donne raison à Marx.

René Fredon

(1) file:///C:/Users/Ren%C3%A9/Downloads/A140118-FR_1360782.pdf.pdf

(2) L’Humanité, en partenariat avec tous les acteurs associés du comité « Marx 2018 », organisera une journée de rencontres et de débats ouverte à tous (attention, préinscription obligatoire !) autour de l’œuvre de Marx et ses résonances contemporaines, ponctuée de lectures et de moments artistiques et théâtraux
Plus d’une trentaine de chercheurs, militants associatifs, politiques et syndicaux, de nombreux auteurs et les éditeurs se retrouveront le samedi 17 février prochain à la Bellevilloise, à Paris, de 9 heures à 22 heures.

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