Mozart et les autres

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Mozart et les autres
Flute, clarinette, hautbois, basson et bonne compagnie !
Into the woods ! Et oui quatre concertos en une soirée. Quatre  solistes jeunes et talentueux au service des bois.  Un chef étonnant de précision. Un orchestre de Toulon méconnaissable et un présentateur également musicien et non bateleur de foire. Voilà les ingrédients majeurs d’une soirée mémorable.

Il se passe quelque chose en musique  à Toulon
Je constate une émulation bienvenue. A un jour  de distance deux concerts de haute tenue. Et surtout le public toulonnais qui suit et qui exprime sa satisfaction. Si l’on en croit le succès de cette soirée du 8 février le renouveau musical de  Toulon prend sa vitesse de croisière.

Un chef  précis et attentif.
Le chef invité Benoit Fromanger, flutiste de  formation est l’artisan principal du succès. Il n’est pas à l’origine du programme mais il a su prodiguer son talent pour en faire une réussite musicale. Ses qualités principales  sont un travail perceptible sur les nuances, les sonorités. Le soin du détail se remarqua par les  contrastes qu’il a su rendre évidents à travers  une phalange musicale qui s’y est prêtée avec adhésion et compréhension. Dès les premières mesures du concerto pour basson de Weber la cause était entendue. Fromanger avait bien fait travailler l’orchestre, pour le peu de répétitions consenties, permettant au  soliste Marc Trénel d’exprimer sans failles toute sa maîtrise de l’instrument. Il lui reste à acquérir cette  profondeur du jeu qui vient de l’intérieur et qui est au-delà de la virtuosité. Parlant du basson, je ne peux que déplorer l’abandon par les orchestres actuels de l’instrument français au profit du fagott allemand brillant mais  sans la rondeur du Buffet Crampon si cher à Debussy, Dukas et  Roussel.

Mozart quelle cruauté !
Le deuxième concerto proposé  était le célèbre concerto pour clarinette de Mozart. C’est un peu dur de programmer ce chef-d’œuvre parmi les trois autres dans cette soirée. C’est un peu dur pour les autres. Car cette œuvre est un  vrai chef-d’œuvre. L’interprétation impeccable de Raphael Sévère, au maniérisme perceptible mais d’une extraordinaire richesse de nuances a littéralement et justement   soulevé le public. Et c’est là précisément que le chef a apporté tout son soin à infléchir l’orchestre pour servir d’écrin à ce diamant ! Moment de bonheur.

Un présentateur vrai musicien.
Honnêtement j’ai rarement entendu un présentateur de concert aussi brillant que Joël Nicod. Il faut le souligner parce que souvent nous avons à faire à des potiches incultes ou pédantes qui alourdissent par leur superficialité sans éclairer en profondeur. Joël Nicod lui-même corniste  a  su apporter avec talent, connaissance et naturel sa pierre à l’édification du succès de cette soirée.

Richard Strauss et le hautbois
Le troisième concerto était Le richard Strauss célèbre et difficile. Le problème avec la musique de Richard Strauss c’est qu’elle ressemble toujours a du Richard Strauss tant son style est représentatif d’une esthétique particulière (certains disent interchangeable). Richesse orchestrale, couleurs mouvantes, ruptures permanentes, virtuosité et surtout lyrisme post-wagnérien. Comme l’a très bien souligné Nicod on sent dans sa musique que sa femme était cantatrice… Le suisse Emanuel Abbühl est un remarquable instrumentiste. À la fois chantant et insolent, son hautbois s’est prêté avec fougue maîtrisée aux riches méandres labyrinthiques de cette partition testament dont l’histoire de la gestation tient du roman. Pris en otage par les nazis, on sait les misères physiques et morales qu’a subies le vieux maître qui s’était laissé séduire par le régime d’un grand admirateur de sa musique Adolf Hitler… (La culture protège-t-elle vraiment de la barbarie ?). Abbühl, digne héritier de Heinz Holliger a été bien soutenu par l’orchestre de Toulon  pour cette démonstration de virtuosité et là encore le chef Benoit Fromanger a maîtrisé l’ensemble avec précision et d’une battue élégante et efficace.

Pour terminer, le concerto pour flute de Jacques Ibert, a servi de bouquet final grâce à la charmante Juliette Hurel. Flutiste déjà confirmée au tempérament que l’on perçoit impétueux, elle s’est attelée à cette partition difficile, qui, sans atteindre aux vertus spirituelles du concerto pour clarinette de Mozart, possède un mouvement lent, très bien écrit, annonçant par moments les expériences radicales de la musique tuilée contemporaine. Artiste fine et inspirée, Juliette Hurel a défendu avec bonheur les  traits de haute virtuosité digitale du final de cette œuvre phare de l’école française de flûte. Une école allant de Marcel Moyse à Jean Pierre Rampal et de Jacques Rocheblave à Maxence Larrieu, de Roger Bourdin à Christian Lardé et….  Benoit Fromanger…

En somme, ce concert atypique s’inscrit dans le vaste courant de renouveau de la vie culturelle toulonnaise  qui honore  ses artisans et son public. On en redemande.

Jean François Principiano

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