Reconnaissons à Pauline Bayle et à Viktoria Kozlova un sacré talent (ou une grande inconscience culturelle) de réduire à 3h 40 les deux monumentales épopées de la littérature Grecque !
Rien que l’Iliade c’est plus de 15000 hexamètres didactyliques quant à l’Odyssée c’est un monument en 24 chants au total plus de 12000 hexamètres !
L’ombre d’un doute
L’œuvre est donc immense, non seulement en quantité, mais par la place qu’elle occupe dans la littérature mondiale. Ces 15.000 vers de L’Iliade (d’«Ilion» : Troie), auxquels viennent s’ajouter les 12 000 vers de L’Odyssée (de «Odusséos» : nom grec d’Ulysse), sont disposés dans les deux textes en 24 parties ou «chants» qui devaient former des histoires indépendantes pouvant être racontées en une seule fois. Par contre on a des doutes sur l’auteur. Peut-être sont-ils plusieurs, dont une femme ? On a remarqué des disparités dans les styles surtout pour l’Odyssée.
La dette grecque.
Sans Homère, nous ne serions pas ce que nous sommes, et pourtant de lui nous ne savons rien ou presque. Ce spectacle éclairera-t-il le mystère d’Homère ? Cet aède grec aveugle du VIII ° siècle qui raconte un récit mythique datant du XII° siècle avant notre ère. (La Guerre de Troie et le retour d’Ulysse). La structure est complexe : des centaines de personnages se croisent tout autour de la Méditerranée, dans une chronologie s’étendant sur des années. Mais retours en arrière, répétitions et dialogues parviennent à s’organiser pour créer une architecture à la fois solide et fluide. Nous sommes aux sources de notre civilisation : violence, héroïsme, passion, rivalités, goût de la justice, recherche de la vérité de notre destin commun et du sens de notre présence au monde.
Mise en perspective
Pauline Bayle réduit la multitude des personnages homériques a cinq et elle les transpose dans un langage visuel, chorégraphique et narratif complexe. Dans ce récit qui déploie les mille-et-uns visages de la ruse, Pauline Bayle fait d’Ulysse un anti-héros, avec cinq comédiens au jeu vif .Ils psalmodient la langue d’Homère sous forme de cris ou d’éclats de voix articulés. Le public qui avait suivi lors de la saison dernière son travail sur l’Iliade, retrouvera la jeune metteure en scène avec plaisir. Elle a su préserver le souffle et l’élan du style homérique. Elle propose un diptyque, Iliade et Odyssée, à partir de quelques extraits du texte original du poète grec mais elle rebat les cartes, inscrit les récits mythiques dans une tradition ancestrale de la parole humaine et les réactive comme au premier jour.
Le décor est dépouillé́, les archétypes sont déconstruits. « Un théâtre qui s’affranchit des apparences, laisse affleurer les tréfonds de l’âme, leur substantifique moelle et donne à voir le monde de demain. » On peut se laisser tenter sans chercher à retrouver l’exhaustivité du texte. Avec Manon Chircen, Soufian Khalil, Viktoria Kozlova, Mathilde Mery et Loïc Renard. Jeudi 20 décembre 20h30 l’Odyssée seule / vendredi 21 et samedi 22 les deux épopées, Iliade et Odyssée à 19h 30.
Jean François Principiano