L’Hydraulique d’Alstom : il ne fallait pas se tromper

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La transition énergétique toujours célébrée, le lyrisme continu sur les énergies renouvelables, l’hymne permanent à la décarbonatation de la France et du monde entier auraient exigé que pour des décisions simples on observe la réalité.

J’ai souvent dénoncé ici et ailleurs l’accord catastrophique conduisant à la cession du département énergie d’Alstom à l’américain General Electric pour qu’il me soit permis , une fois de plus que lors de l’abandon de filières françaises ayant nécessité plus d’un siècle d’efforts collectifs, « IL NE FAUT PAS SE TROMPER » .

Eh bien, nous y sommes, en 2017, seulement deux ans après la signature et les cocoricos sur la pertinence des choix opérés et l’avenir grandiose de General Electric Renewable Energy sous la direction de deux français qui allaient trouver auprès de l’américain le soutien financier au redéploiement de l’activité. En ce qui concerne l’éolien dans la région nantaise, la messe a été dite rapidement, ce n’était pas une priorité pour General Electric, on a simplement oublié que c’était l’argent public qui avait été investi, nous ne sommes plus à ça près, la campagne électorale a réussi à faire silence ! Mais lorsqu’en Avril on a dit que dans l’hydraulique on se préparait à un sinistre, les yeux se sont détournés, qui pense encore aux turbines hydrauliques quand on vient de sauver les locomotives de Belfort !

Pourtant nous l’avons écrit et nous le savions tous , General Electric avait déjà abandonné son activité turbines hydrauliques il y a quelques années, la raison en est simple, c’est un groupe habitué aux séries, aux produits « catalogues » et non au sur mesure, et les turbines hydrauliques sont faites à l’unité pour un certain type de barrages et une puissance déterminée par le donneur d’ordres. General Electric avait d’ailleurs dès 2015, avant signature de l’accord final, évalué auprès d’autres sociétés la capacité à leur céder un jour prochain cette activité !

Nous voilà donc avec une pépite mondiale, connue et reconnue, qui a permis l’installation d’une énergie renouvelable non intermittente (contrairement au solaire et l’éolien) dans presque tous les pays du monde, à partir de laquelle ont travaillé les sociétés de barrage (Coyne et Bélier par exemple) les exploitants comme EDF et Engie, des milliers de travailleurs ont été employés et le restent dans cette discipline essentielle pour l’avenir…et nous nous sommes trompés collectivement alors que nous avions toutes les données et toutes les compétences ! Nous avions aussi l’argent, et General Electric n’était pas vraiment candidat pour acheter l’hydraulique, nous lui avons forcé la main ! Pour quel résultat ? On va vous le dire

Les activités de Grenoble qui regroupent les ex-salariés de Neyrpic, la perle de l’hydraulique mondiale vont connaitre une fonte d’effectifs de 345 personnes sur 8OO tandis que le site de Bilbao en Espagne va fermer doucement et sans doute aussi celui de Birr en Suisse ! Tout ça pour ça ! Oui, car on va améliorer ainsi la rentabilité avant cession du département !

J’attire une fois de plus l’attention sur la perte des compétences nationales que ce type de décision permet, j’indique aussi que les turbo-alternateurs des centrales nucléaires ont subi le même chemin, il ne fallait pas se tromper, nous avons laissé faire des incompétents, le résultat est devant nos yeux ! Est-il trop tard ? Non jamais, nous avons encore des moyens d’action car General Electric n’a tenu aucune de ses promesses et il y a des possibilités de refuser que ces deux joyaux- les turbines hydrauliques et les turbines nucléaires- ne connaissent le triste sort des matériels de pointe cédés pour une bouchée de pain à des entreprises sans avenir. Regardons ce qui est arrivé au Creusot, l’usine cédée un beau matin pour satisfaire on ne sait qui , et qui se rappelle à notre bon souvenir des années après lorsque les fabrications se retrouvent en cause (Areva). Maitrisons nos techniques avec nos industries quand nous le pouvons, reprenons les quand elles sont encore disponibles, on a droit de faire des erreurs, mais pas plusieurs fois de suite.

Il ne fallait pas se tromper, la cession de l’intégralité du département énergie d’Alstom à General Electric était une faute, il est encore temps de la corriger mais c’est la dernière étape avant la perte des compétences, des outils…

Comme je l’ai écrit, j’ai le plus grand respect pour les salariés de GM et S de La Souterraine, baladés depuis quinze ans de repreneur en repreneur et qui luttent pour leur survie. Je pense que celle-ci passe par une redéfinition complète de l’outil de production en s’appuyant sur la réalité des marchés ,le renouvellement des technologies et la formation professionnelle des techniciens, mais le problème des suites de l’accord Alstom General Electric est pour moi bien plus grave, non en termes humains, mais en termes de stratégie. Ce sont des pans entiers de notre potentiel qui ont été bradés à l’encan par un mélange de veulerie et d’incompétence, nous allons revoir, hélas, au cours des prochains mois d’autres pépites dont notre avenir collectif dépend, j’ai cité la Compagnie Générale de Géophysique chère à mon cœur qui a en son sein des compétences mondiales uniques, il faut que nous arrivions à nous mobiliser pour sauver les joyaux de la couronne…républicaine.

Loïk Le Floch-Prigent

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