Les indications géographiques : nature et enjeux.

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Qu’est-ce qu’une indication géographique ? Comment une appellation est-elle protégée ? Pourquoi est-il nécessaire de réviser l’Arrangement de Lisbonne ? Les réponses à ces questions dans cet article.

Qu’est-ce qu’une indication géographique ?

Une indication géographique est un signe de qualité utilisé pour identifier des produits qui bénéficient de certaines caractéristiques liées à leur provenance géographique. Il s’agit d’un produit originaire d’un lieu (pays, région, localité), dont une qualité ou la réputation ou autre caractéristique de ce produit peut être attribuée essentiellement à son origine géographique.

L’Argane au Maroc, le café de Kintamani Bali en Indonésie, Côtes de Thongue en France, le melon de Mantovano en Italie en sont des exemples.

L’appellation d’origine est une catégorie d’indication géographique, caractérisée par un lien plus fort avec le lieu géographique de production. En effet, en règle générale, les matières premières proviennent du lieu d’origine et les produits sont fabriqués dans cette aire géographique.

La Ricotta di Bufala de Campanie en Italie, le Miel d’abeilles de la région de Terras Altas do Minho au Portugal, la poterie de Chulucanas au Pérou ou la soie Lamphun Brocade en Thaïlande sont des appellations d’origine.

Le concept d’indication géographique est plus souple que celui d’’appellation d’origine (AO) qui identifie un produit originaire d’un lieu (pays, région, localité), lorsque la qualité ou les caractères de ce produit sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et humains.

Ainsi, un produit sous AO et un produit sous IG tirent tous deux leurs qualités de leur origine géographique mais leur principale différence réside dans le fait que toutes les étapes de production de l’AO doivent avoir lieu dans son aire géographique, alors qu’il suffit qu’une seule des étapes de production de l’IG ait lieu dans l’aire géographique du produit pour qu’il puisse revendiquer cette IG. )

Indications géographiques et marques :

Tout comme les marques, les indications géographiques sont des signes distinctifs qui permettent de différencier des produits concurrents et informer le consommateur sur l’origine d’un produit.

Toutefois, une indication géographique a pour objectif de souligner le lien entre un produit et son territoire d’origine, les indications ont donc cette particularité de mettre l’accent sur la dimension locale d’un produit mettant ainsi en valeur les aspects culturels et les savoir-faire locaux, le territoire et ses particularités agro-écologiques.

En tout état de cause, il est important de souligner que la promotion du système de Lisbonne ne cherche nullement à remplacer le système international des marques géré également par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

En effet, la coexistence entre les marques et les indications géographiques est organisée par l’accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, connu sous le sigle ADPIC : une marque déposée et utilisée de bonne foi, antérieure à l’enregistrement d’une IG identique, peut continuer à être utilisée.

Comment est assurée leur protection ?

La protection des indications géographiques est assurée aussi bien par les lois nationales ou régionales que par les textes internationaux.

Par exemple, en France, l’indication géographique bénéficie d’une protection civile avec une action devant le juge ouverte à toute personne autorisée à utiliser l’indication géographique concernée ou à tout organisme chargé de la défense des indications géographique.

L’IG bénéficie également d’une protection pénale : les services du ministère de l’économie contrôlent, au stade de la commercialisation, l’utilisation des indications géographiques protégées. En cas d’utilisation illégale de l’IG, ces services peuvent dresser un procès-verbal d’infraction (la preuve de l’infraction est apportée par ces services) et obtenir une condamnation pénale du contrevenant.

Afin d’en faciliter la mise en œuvre, la protection des indications géographiques est souvent accompagnée de la mise en place de base de données recensant les dénominations protégées.

C’est le cas de l’Union européenne qui dispose de deux bases de données recueillant à la fois des AO et IG, DOOR pour les produits agroalimentaires et eBacchus pour les vins mais aussi de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) avec la base Lisbon express pour les appellations d’origine (agroalimentaires et artisanales) des 28 pays membres de l’Arrangement de Lisbonne.

Quels sont les réels enjeux de la Conférence de Lisbonne ?

L’Arrangement de Lisbonne date de 1958 et protège les appellations d’origine.

La Conférence diplomatique organisée en mai 2015 a pour objectif de faire aboutir la révision de l’Arrangement engagée en 2009, pour que celui-ci devienne un outil de protection plus ouvert.

Le projet de révision de l’Arrangement vise notamment à ouvrir la protection aux indications géographiques ; celles-ci étant plus nombreuses que les appellations d’origine, l’accord permettra à de nouveaux pays de devenir membres, en garantissant la protection de leurs IG sur les territoires des autres membres. L’Arrangement révisé permettra en outre à des organisations intergouvernementales d’adhérer.

Le processus que doit parachever la Conférence permettra donc à tous les membres de l’OMPI, quelle que soit leur réglementation sur les IG, d’adhérer à l’Arrangement et de mieux protéger leurs IG dans les pays des pays membres de l’Arrangement.
L’enjeu de la conférence ne repose donc pas dans le mode de prise de décision (il n’y a pas de débat prévu sur l’octroi ou non d’un droit de vote aux observateurs comme le réclament certains pays), mais bien dans la décision en elle-même, à savoir la révision de l’Arrangement.

VRAI ou FAUX ?

– Les IG sont favorables au développement…
VRAI  : C’est parce qu’un produit tire ses caractéristiques d’un lieu donné, du savoir-faire des producteurs travaillant dans ce lieu, de l’interaction entre ce savoir-faire et ce lieu, que ce produit pourra porter le nom de ce lieu. La protection de l’indication géographique s’étend par conséquent au savoir-faire des producteurs locaux.

A ce titre, les IG sont donc un outil de développement, aussi bien pour les pays européens, dont les territoires ruraux sont menacés de désertification, que pour les pays en développement, qui connaissent les mêmes évolutions dues à l’exode rural.

Parce qu’elles font le lien entre un produit et son origine, c’est-à-dire un lieu géographique de production, un savoir-faire humain et une interaction entre les deux, les IG garantissent le maintien de l’activité locale pour les jeunes, tout en leur offrant un accès au marché avec une rémunération supérieure aux produits identiques sans indication géographique. C’est pour cette raison que de nombreux pays en développement (Cameroun, Togo, Laos, Vietnam) et des pays émergents (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud) mettent en place des indications géographiques.

Par ailleurs, les IG répondent à une demande du consommateur depuis les dernières crises sanitaires. Elles sont devenues des références et des garanties de qualité pour celui-ci. Le cahier de charges contraignant qui accompagne une IG ou AO est une garantie de leur processus de production et donc de leur qualité.

De plus, les IG peuvent permettre au consommateur de choisir plus facilement des produits locaux et de renforcer le lien avec la production locale, qu’elle soit agroalimentaire ou artisanale.

Enfin, en établissant un lien entre d’une part, un produit et son origine, c’est-à-dire un lieu géographique de production, et d’autre part un savoir-faire local, les IG participent à la préservation de la biodiversité.

– Les IG sont un moyen de monopoliser les noms communs et faussent les lois du marché…
FAUX  : La protection des IG reconnaît pleinement la généricité des noms communs. Par exemple, les mots « gouda », « camembert », « rose » ou « poivre » ne sont pas protégés, alors que sont protégés le « Gouda de Hollande », le « Camembert de Normandie », la « Rose de Kelaât Mgouna-Dades » ou le « Poivre de Penja ».

En outre, l’Arrangement de Lisbonne n’imposera pas la protection d’une IG dans un État qui a juridiquement défini cette IG comme étant générique.

Une indication géographique a pour objectif de rappeler le lien entre un produit et son territoire d’origine. Leur protection n’empêche en rien les relations commerciales. En outre, tous les producteurs peuvent utiliser ce nom dans la mesure où leur produit présente les caractéristiques voulues, s’il est élaboré dans le lieu ainsi identifié et selon certaines procédures établies. En effet, le système des appellations d’origine puis celui des indications géographiques garantit un droit de propriété rattaché à une collectivité de producteurs travaillant dans un lieu donné et possédant un savoir-faire. Il s’agit donc d’un droit ouvert à ce groupe d’individus et non limité à un particulier.

– La révision de l’Arrangement de Lisbonne coûte cher à l’OMPI…
FAUX : L’ancrage du produit et de son nom dans un territoire spécifique, partie intégrante du patrimoine de l’État et de celui de la collectivité humaine qui l’a fait connaître, emporte comme conséquence qu’il doive être protégé d’une manière pérenne et que cette protection ne s’accompagne pas d’un renouvellement des droits. Un tel système se différencie ainsi de celui des marques qui permettent de protéger les droits d’une personne, laquelle doit renouveler cette protection régulièrement.

Ce système ne « rapporte » donc rien à l’organisme qui gère la base de données, en l’occurrence l’OMPI. Sa gestion, en dehors du processus de révision, ne devrait pas être onéreuse en l’absence de travail particulier à effectuer pour le maintien du système.

En revanche, la révision de l’Arrangement et son ouverture aux IG permettra d’attirer de nouveaux pays et de nouveaux produits, dont l’enregistrement générera des taxes abondant le budget de l’OMPI. La révision pourra donc contribuer à rééquilibrer le budget de l’Arrangement de Lisbonne.

– Les membres de l’Arrangement ont une vision élitiste et non-inclusive…
FAUX : Les travaux pour la révision de l’Arrangement de Lisbonne ont été ouverts aux propositions et suggestions de tous les pays de l’OMPI, membres de Lisbonne ou pas. Le projet de texte révisé inclut d’ailleurs certaines propositions faites par des pays observateurs. Les membres de l’Arrangement ont donc une vision inclusive du processus.

Cette vision est d’autant plus inclusive que la révision du système actuel a pour objectif de protéger toutes les indications géographiques (et non pas les seules appellations d’origine) et à encourager l’adhésion volontaire de nouveaux pays. Cette révision permettra d’accueillir de nouveaux partenaires au sein de l’Arrangement, donc d’ouvrir le système de Lisbonne.

Ces objectifs sont donc très éloignés d’une quelconque vision élitiste et non inclusive que certains pays de l’OMPI cherchent à faire passer, non sans mauvaise foi. Empêcher le processus de révision reviendrait donc à restreindre les possibilités, pour les pays en développement, de voir leurs produits sous indication géographique protégés par des pays avec lesquels ils n’ont pas d’accord bilatéral.

Si les suggestions de tous ont été les bienvenues au stade préparatoire de la conférence, il semble toutefois contraire à la logique la plus élémentaire que des amendements puissent être votés en séance par des pays non-membres à l’Arrangement (qui sont supérieurs en nombre aux membres) pour ne s’appliquer qu’aux seuls membres : cela reviendrait à donner à des pays non membres le droit de décider ce que les pays membres devraient ensuite seuls appliquer. En toute logique, seuls les pays membres de l’Arrangement peuvent se prononcer et voter les révisions qui seront apportées en mai 2015. L’adhésion à l’Arrangement est ouverte à tous les pays membres de l’OMPI.

source : Ministère des affaires étrangères

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