Les Harkis du Var combattent pour leur mémoire

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Les communautés harkis de Toulon, Brignoles, Draguignan, Collobrières, Saint Paul en Forêt, Rians, Le Muy, Hyères, Sainte-Maxime, Bormes, Gonfaron, La Londe, Montmeyan, Néoules, Saint-Maximin, Aigue-Bonne (St Raphaël) la Roquebrussanne et Pignans haussent le ton à l’occasion du rapport de l’historien Benjamin Stora remis au Président de la République et au gouvernement.

En juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée dans la liesse populaire. C’est dans ce contexte que se déroulent une vague d’exactions contre tous les supposés ennemis de la patrie algérienne désignés sous le terme générique de « harkis ». Ces exactions prennent différentes formes : taxations, arrestations, brimades, exécutions souvent accompagnées de tortures. Selon les lieux, il peut s’agir d’une politique de vengeance organisée par les nouvelles autorités ou l’occasion de régler de vieux comptes.

Les quelque 90 000 « Français musulmans » qui ont regagné la France après la signature des accords d’Évian sont eux aussi désignés sous le nom générique de « harkis ». Parmi ceux qui sont restés en Algérie, plusieurs dizaines de milliers ont été massacrés.

Mal accueillis en France et marginalisés.
Globalement et historiquement les français musulmans ont été mal accueillis dans des hameaux forestiers comme ceux de Collobrières ou de Brignoles. Quelque 40 000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, sont regroupées dans les camps du Larzac et de Bourg-Lastic, ouverts dès juin 1962, puis ceux de Rivesaltes, Saint-Maurice-l’Ardoise, Bias et La Rye-Le Vigeant, ouverts durant l’automne. Tandis que plus de 10 000 anciens supplétifs et membres de leur famille arrivent en France par leurs propres moyens, mêlés au flux des rapatriés européens et parfois avec l’aide de certains d’entre eux, et s’y installent sans passer par l’accueil officiel.

Persistance des discriminations
Ils y subissent de plein fouet la persistance des discriminations coloniales, à commencer par l’imposition d’une procédure de réintégration dans la nationalité française, alors qu’on leur avait assuré en 1958 qu’il n’y avait désormais en Algérie « qu’une seule catégorie de Français… » Par ailleurs, ils sont traités différemment des « rapatriés », terme réservé, de fait, aux rapatriés d’origine européenne. Le général de Gaulle déclarant lui-même au conseil des ministres du 25 juillet 1962 : « Le terme de rapatrié ne s’applique évidemment pas aux musulmans : ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères ! Dans leur cas, il ne saurait s’agir que de réfugiés ! ». Répartis dans 75 « chantiers – ou hameaux – de forestages » dont 18 dans le Var, fermés et soumis à un règlement quasi-militaire, exclus explicitement des dispositifs destinés aux seuls rapatriés européens, comme ceux concernant l’endettement contracté en Algérie ou le logement en HLM, ils sont délibérément marginalisés

Une communauté oubliée
En se réunissant dimanche dernier dans les principales communes du Var et plus déterminée que jamais : la communauté harkie veut faire passer un message, « Nous ne nous laisserons pas enterrer sans rien dire ».

Le rapport commandité par le président de la République, Emmanuel Macron, à l’historien Benjamin Stora, au sujet de « la colonisation et la guerre d’Algérie » semble les oublier.

Bien sûr il y a la belle idée de la réconciliation entre les deux états, entre les deux peuples, mais les rapports entre la France et l’Algérie sont complexes. Stora semble oublier que les plaies sont encore vives et les mémoires encore polémiques. Je repense à un célèbre proverbe kabyle : « Les mémoires des hommes sont comme les poules lorsqu’on jette du grain, elles regardent toujours à côté pour voir si les voisines n’en a pas plus reçu qu’elles »

Quatre douleurs
Petit souvenir personnel. Lorsque je devais expliquer cette histoire, au Collège comme au Lycée, dés l’introduction je rappelais qu’il s’agit d’évoquer quatre douleurs : d’abord celle des Pieds noirs qui ont tout perdus, y compris les morts qu’ils ont laissés en terre algérienne, puis celle des soldats algériens qui sont mort pour conquérir l’indépendance, ensuite celle des appelés du contingent qui sont tombés dans cette dernière guerre coloniale, enfin la douleur des troupes supplétives les Harkis, morts pour la France, haïs par leurs frères, trahis par les accords d’Evian, oubliés par la Nation qui a manqué globalement à sa parole.

« Le sort des harkis est totalement occulté dans le rapport Stora. C’est une ignominie. Le gouvernement actuel veut nous effacer de l’histoire de France« , estime ainsi Mohamed Djafour, ancien combattant titulaire de la croix du combattant et de la croix du combattant volontaire.

Plusieurs mémoires
Jugé très engagé, Benjamin Stora dont la personnalité est clivante est également peu apprécié de certaines  associations de Pieds noirs par exemple « les Cercles algérianistes »

Nul ne met en cause les qualités scientifiques de cet universitaire dont je conseille la lecture du beau livre « La gangréne et l’oubli La mémoire de la guerre d’Algérie » paru en novembre 1991 et édité par La découverte essais. Mais précisément le problème est dans le sous-titre de ce livre. Il n’y a pas une seule mémoire mais plusieurs mémoires. C’est à la rencontre de ces diverses mémoires qu’aspire sans doute l’auteur du rapport remis au Président de la République Encore faut-il ne pas donner l’impression que l’on en oublie une.

Jean-François Principiano

 

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