Les grandes épidémies de l’Histoire

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Les épidémies ont accompagné la vie des hommes depuis l’aube de l’Histoire. Peut-être même que la disparition de Neandertal face à Homo sapiens est-elle due à une pandémie comme le pensent certains ?

Un regard sur ces grands événements peut-il nous aider à relativiser la crise actuelle ? Donner de l’espoir en misant sur l’instinct de survie de l’espèce ? En tout cas l’épidémie du Covid-19 est loin d’être une première dans l’Histoire. Petit panorama des grandes pandémies qui ont frappé l’humanité depuis l’Antiquité, provoquant la mort de millions d’individus en feuilletant le beau livre de Ruffié et Sournia  Les épidémies dans l’histoire du monde. *

La fièvre typhoïde d’Athènes
Rapportée et décrite par Thucydide, la peste d’Athènes, sans doute une forme de fièvre typhoïde aurait touché notamment le stratège Périclès. Venue du nord de l’Afrique, d’abord Ethiopie, puis Egypte et Libye, la maladie est apparue à Athènes au moment du siège de la ville par Sparte, lors de la guerre du Péloponnèse. Le fléau marque le début du déclin de l’âge d’or athénien. Elle aurait emporté un tiers de la population de la cité, qui comptait environ 200.000 habitants.

L’épidémie de variole Romaine
Il s’agit d’une des premières grandes épidémies bien documentée, et sûrement la première épidémie de variole en Occident. Pendant le règne de Marc Aurèle, l’Empire romain est en proie à une épidémie redoutable et prolongée, la « peste antonine » ou peste galénique. Elle commence à la fin de l’année 165 ou au début de 166, en Mésopotamie et gagne Rome en moins d’un an. D’après de récentes estimations, elle aurait considérablement réduit la population romaine, faisant près de 10 millions de morts entre 166 et 189.

La pestis glandularia

La peste sous justinien

La peste de Justinien, dite aussi « pestis inguinaria » ou « pestis glandularia » en latin, est la première pandémie connue de peste. La grande puissance du moment est alors l’empire byzantin romain d’Orient avec à sa tête, l’empereur Justinien, l’une des principales figures de l’Antiquité tardive. La pandémie atteint son paroxysme lors de la deuxième partie du VIe siècle. Elle restera cependant présente encore deux cents ans, arrivant par vagues (on en comptera une petite vingtaine). Grégoire de Tours l’appelait la « Maladie des aines, les bubons ayant une propension à se développer sur cette partie de l’anatomie humaine.

Les estimations des victimes varient de 25 à 100 millions de morts. Soit un tiers à la moitié de la population de l’époque. Avec 10.000 morts par jour, Constantinople aurait ainsi perdu, en un été, 40% de sa population. Au début du fléau, l’empire romain d’Orient jouissait d’une puissance militaire et économique considérable. Son impact l’affaiblira et l’empêchera de refonder un empire romain unifié.

La peste noire au Moyen-Âge.
« La grande peste » du Moyen-Age est restée, en Occident, profondément ancrée dans la mémoire collective. En quelques années, de 1347 à 1353, cette infection bubonique, une bactérie qui se transmet à l’homme via la puce, aurait tué de 25 à 34 millions de personnes dans une Europe en plein essor, démographique, agraire et économique (40 % de la population). Une fois de plus, les facteurs de propagation sont la guerre puis le commerce. Le foyer serait venu d’Inde ou de Chine.  Constantinople, Messine, Gênes, Venise et en France, Marseille, Toulon, Hyères : en un an, les riches cités portuaires du bassin méditerranéen, alors prospères, sont touchées les unes après les autres. C’est à cette époque que fut instaurée la mise en « quarantaine».

La fièvre jaune
La fièvre jaune, appelée aussi « vomito negro » (« vomi noir ») ou peste américaine, est une maladie hémorragique virale aiguë transmise par des moustiques infectés. Le terme « jaune » fait référence à la jaunisse présentée par certains patients. Contrairement à l’idée reçue, le mal serait né non pas en Asie (continent qu’il n’a jamais touché), mais dans les régions tropicales des Amériques où une grande épidémie touche le Yucatan au Mexique, en 1648. La fièvre jaune affectera en grand nombre les Européens, mettent un frein à une colonisation qui aurait pu être encore plus rapide.

Le choléra en 1832
Partout il répand la désolation et la mort. Vers 1826, le choléra-morbus fait son apparition en Inde, gagne Moscou et la Russie en 1830, y provoquant des émeutes, et de là la Pologne et la Finlande. Ce mal meurtrier et jusque-là inconnu, atteint Berlin en 1831, les îles Britanniques en février 1832 (provoquant également des émeutes) et la France en mars de la même année, semant la panique. À Paris, le premier cas de choléra est attesté le 26 mars 1832. En six mois, l’épidémie de choléra fera plus de 100.000 morts, au premier rang desquels Casimir Périer, le vigilant ministre de l’Intérieur qui avait  pris des dispositions de prévention dès la fin 1830. La pandémie a inspiré à Jean Giono son roman « Un Hussard sur le toit » (1951) adapté en 1995 au cinéma par Jean-Paul Rappeneau.

La grippe espagnole en 1918
La pandémie la plus dévastatrice de l’histoire touchera quasiment tout le globe. Malgré un taux de mortalité de « seulement » 2 à 4 %, elle fera des dizaines de millions de morts, dont 165.000 en France. La plupart des victimes mouraient de surinfection bactérienne, qui se déclarait au bout de 4–5 jours et conduisait au décès une dizaine de jours après les premiers symptômes grippaux, en l’absence, à l’époque, d’antibiotiques. La pandémie de grippe espagnole, apparue à la fin de la Première guerre mondiale, peut-être dès 1916–1917, aura touché entre un quart et un tiers de la population mondiale. La maladie, responsable de 25 à 100 millions de morts, a marqué l’inconscient collectif au point d’incarner l’essence du fléau épidémique, au même titre que la peste.

La grippe de Hong-Kong de 1968 à 1970
Le virus tue environ 1 million de personnes. La souche de la grippe asiatique a malheureusement évolué provoquant une nouvelle pandémie meurtrière : la grippe de Hong Kong. Le virus H3N2 se déclare à Hong-Kong. Il traverse d’abord l’Asie puis les Etats-Unis, et déferle sur l’Europe fin 1969, tuant cette fois autour du monde environ million de personnes, selon le bilan de l’OMS. Considérée comme la première pandémie de l’ère moderne, la maladie suscite une forte mobilisation internationale, coordonnée par l’OMS. Dès novembre 1968 des vaccins efficaces sont mis au point.

Le sida dans les années 80
Le 5 juin 1981, l’agence épidémiologique d’Atlanta, aux États-Unis, donne l’alerte. Cinq cas de pneumocystose, une maladie rarissime, ont été relevés à Los Angeles. On ne parle pas encore de sida (syndrome d’immunodéficience acquise) pour décrire cette infection inexpliquée, mais plutôt de « gay syndrome », car elle est initialement identifiée chez des homosexuels.

Les virologues savaient déjà que ce rétrovirus a été transmis des singes à l’homme au moins à treize reprises, mais qu’une seule de ces transmissions est responsable de la pandémie humaine qui a entraîné près de 75 millions d’infections à ce jour, la plus grande partie en Afrique subsaharienne. Il reste encore sans traitement préventif et a fait plus de 36 millions de victimes.

La crise actuelle s’inscrit donc  dans une longue suite de catastrophes épidémiques qui ont bouleversé l’histoire humaine. On peut même dire que l’histoire s’est construite autour de cet axe puisque chaque pandémie a eu des conséquences sur l’évolution des choix de société. Il en sera sans doute de même avec la crise du  covid-19.

*Les épidémies dans l’histoire du monde Ruffié –Sournia Editions Champs

Jean-François Principiano

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