Le Comte Ory de Rossini à l’Opéra de Toulon

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Un régal vocal et scénique
Mardi soir 28 janvier, l’opéra de Toulon accueillait la production de Denis Podalydes  de ce petit chef d’œuvre rossinien écrit en français en 1829 pour l’opéra de Paris pour le plus grand plaisir des mélomanes.

Une mise en scène de théâtre intelligente.
Denis Podalydés en a proposé une lecture claire, très théâtrale avec une véritable direction d’acteurs évidente qui souligne la légèreté en évitant la vulgarité frontale pour un sujet frôlant le vaudeville. Un jeune comte veut  séduire une jeune comtesse veuve  et amoureuse de son page. Tout ce beau monde, échappé d’un récit de Boccaccio revu et corrigé par Eugène Scribe terminera dans un lit à trois pendant une nuit d’orage, au cours d’une scène tendrement coquine proche du meilleur Mozart. On a  apprécié l’idée d’illustrer le cours prélude emprunté au Voyage à Reims en projetant des tableaux  de la conquête de l’Algérie partie de  Toulon et bousculant à Sidi Ferruch les turcs. Judicieuse transposition des croisades autour des années 1830. Cette production de Denis Podalydès a déjà été applaudie à l’Opéra-Comique et à l’Opéra Royal de Wallonie. Elle restera pour nous un des moments forts de la saison lyrique varoise  et malheureusement la salle n’était pas pleine, loin s’en faut ! Ce manque de curiosité et de vraie culture musicale reste l’écueil majeur des opéras de province  qui risque de paralyser toute velléité novatrice. On peut donc, une fois encore, saluer ce choix toulonnais courageux.

Un plateau vocal de grande valeur.
Si la légèreté asociale est dans corps même du sujet, par contre la difficulté musicale réside toute entière  dans l’art du   chant de cette partition du Comte Ory née de l’inspiration d’un Rossini encore jeune (36 ans) qui  désire adapter son art au style français. Il  faut donc  des chanteurs capables de rendre cet art rossinien si proche encore de Mozart mais avec ces larges romances déployées qui faisaient l’admiration de Berlioz.

Dominant les débats et de très haut on découvre Madame Ève-Maud Hubeaux. Cette artiste est au début d’une grande carrière ; une voix puissante qui lui permet de chanter Eboli, le Compositeur dans Ariane ou Octavian dans le Chevalier à La rose et bientôt peut être Kundry. Une musicalité parfaite, une diction projetée excellente en français et surtout une qualité du timbre rarement entendu sur notre scène lyrique. Le rôle d’Isolier n’est pas le premier rôle de cette partition mais Eve-Maud Hubeaux l’a magnifié par son jeune talent et la  subtile caractérisation du personnage. Une grande dame du chant. Déjà à la portée des  plus grandes scènes lyriques. Pesaro sans doute !

La Comtesse Adèle chantée par Marie-Ève Munger est apparue brillante, un joli grain de voix de soprano qui a interprété avec efficacité l’air d’entrée difficile  (En proie à la tristesse) malgré quelques aigues encore à perfectionner. Son charme et sa légèreté ont imprimé à  son personnage une présence troublante et mutine. Le ténor argentin Francisco Brito a défendu le rôle-titre avec vaillance et engagement s’appuyant sur un timbre de charme aux aigues percutants.

Bonne prestation impegnative des protagonistes d’appoint notamment Sophie Pondjiclis touchante, Armando Noguera tout en puissance  Thomas Dear tout en prestance et la gracieuse Khatouna Gadelia.

Une direction d’orchestre attentive et précise
Le chef d’orchestre  hollandais Jurjen Hempel, par ailleurs directeur musical de Toulon,  a conduit l’œuvre à bon port avec humilité et maîtrise. Sa vigilance de chaque instant s’appuie sur une solide culture musicale qui l’a conduit à diriger des œuvres contemporaines radicales dans les grandes  salles européennes. Dans le final du premier, par exemple,  il a joué la prudence choisissant  des tempi raisonnables, respectueux du souffle rossinien. Dans le célèbre trio du deuxième acte (À la faveur de cette nuit obscure) il a opté pour une vision mozartienne, aux contours hautement mélodiques, détachant les voix, jouant sur les couleurs et les rythmes d’un Orchestre de l’opéra de Toulon et des Chœurs au mieux d’eux-mêmes. Bien préparés par Christophe Bernollin.

Au total une soirée lyrique objectivement de très bon niveau servie par l’enthousiasme de la jeunesse et la maîtrise d’un plateau digne des meilleures maisons lyriques. De nombreux jeunes mélomanes  parmi le public des écoles, auront ainsi pu découvrir l’univers de l’Opéra dans des conditions optimales. Quelque part tout sera recueilli !

Jean-François Principiano

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