La « victoire » de la démobilisation des Français

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Le second tour des législatives a certes donné une majorité absolue de députés à Macron mais sur fond de record historique de l’abstention depuis 1958 : 57,6% ! 6 points de plus qu’au 1er tour…quelle gloire ? Quelle légitimité ? Comment ne pas y voir une dimension politique plus profonde qu’il n’y paraît ?

Le pouvoir le sait, qui cherche à éviter un trop indécent triomphalisme en faisant mine de se satisfaire de la moisson « moins importante que prévue » du second tour. Une sorte de concession purement verbale à ce qui nous a été donné comme une déferlante, une vague de fond irrésistible au 1er tour…à laquelle manquait juste la participation de plus de la majorité des citoyens !

C’est le miracle institutionnel qui, à partir de 24% d’adhésions ultra-minoritaires au programme de Macron(1er tour de la présidentielle) vous donne, avec 60% des sièges, une ultra-majorité . « C’est étudié pour… » disait Fernand Raynaud dans un sketch célèbre.

Les résultats du Var en sont une illustration : 6 députés sortants LR (sur 8) avaient été éliminés dès le 1er tour. Ne restaient que la députée LR de la 1ère circonscription Genéviève Lévy, face à un FN et le candidat LR, JL Masson, maire La Garde, succédant à JP Giran qui ne se représentait pas, face à REM. Les deux ont été élus, les 6 autres duels ont été favorables à la REM qui affrontait 6 FN.

Mais avec un 1er ministre LR, seront-ils vraiment une opposition ? On peut en douter sérieusement. La tactique de Macron consiste à intégrer tous les libéraux de toutes nuances à sa politique de liquidation de nos acquis sociaux, le droit du travail étant particulièrement visé à très courte échéance, a confirmé Castaner venu du PS, « les ordonnances seront maintenues…il faut des actes rapidement »!

La jeune et souriante nouvelle élue REM, Cécile Muschotti, venue elle-aussi du PS sous l’étiquette duquel elle avait fait acte de candidature, se trouve propulsée députée…pour servir la France, bien entendu. Pas celle qui s’est massivement abstenue, celle qui tient les cordons de la bourse…dont on nous affuble chaque jour des fluctuations et les commentaires sensés nous aider à faire fructifier notre épargne !

Que reste-t-il de l’opposition ?
La portion congrue. Je n’y mettrai pas le FN qui ne s’oppose pas au système mais qui veut le renforcer en le droitisant au maximum, son soutien à Trump, le milliardaire très contesté qui risque la destitution, l’illustre suffisamment. S’il n’a pas la représentation de son influence réelle dans le pays, ce que donnerait la proportionnelle, il fait entrer à l’assemblée sa n°1, M. Le Pen, son compagnon L. Alliot et 6 autres députés, dont 5 issus du bassin minier du Nord Pas de Calais. Pour y faire de la surenchère nationaliste, identitaire et anti-migrants. Sa crise interne ne fait que commencer.

Il reste un danger majeur pour la démocratie et un repoussoir pour les libéraux qui se disent plus modérés et « rejettent tous les extrêmes, de droite et de gauche » dans un amalgame particulièrement hypocrite.

A gauche, c’est l’hécatombe pour le PS qui paie le prix de ses reniements et de son ralliement au libéralisme. Il ne restera qu’une trentaine de députés sous cette étiquette, sur les 264 sortants !! Même les frondeurs n’ont pas échappé à la sanction collective. Leur secrétaire national jette l’éponge en découvrant que « la gauche -(il l’assimile toujours au seul PS !) doit tout changer, ses idées comme ses organisations… » il ne veut ni le néo-libéralisme ni le nationalisme ! Il est un peu tard…Le mal est fait, on a les deux.

Heureusement, la satisfaction vient de la FI et du PCF. Ce dernier compte 11 députés (7 sortants) dont 3 en Seine Maritime, 2 dans le Nord, Pierre Dhareville dans les B-d-Rhône, André Chassaigne élu avec 63 % dans le Puy-de-Dôme…plusieurs reconquêtes. Seul groupe parlementaire sortant qui progresse, il va s’attacher à constituer un nouveau groupe.

La France Insoumise avec 17 élus (dont JL Mélenchon (60%), Eric Coquerel, Alexis Corbière…) mais aussi François Ruffin, Clémentine Autain, Huguette Bello également soutenus par le PCF…

La FI va constituer son propre groupe, a délaré JL Mélenchon, « un groupe cohérent, discipliné, offensif…qui appellera le pays, le moment venu, à une résistance sociale… »

Ainsi, il donne à son futur groupe la vocation d’appeler « le moment venu » à la résistance sociale. Comme s’il n’y avait pas d’organisations syndicales et citoyennes pour décider des luttes et de leur contenu. Avec l’appui et le prolongement des groupes qui partagent leurs objectifs. Cela rique de ne pas tarder.

Ces résultats auraient pu être bien meilleurs pour les deux formations si elles n’avaient pas été concurrentes dans la majorité des circonscriptions, du seul fait de la volonté de JL Mélenchon qui, manifestement, entend peser de tout son poids pour incarner l’opposition de gauche à lui tout seul.

Restons sur une présence significative de la gauche de transformation sociale alors que EELV perd toute représentation et que pris ensemble -et en comptant les 29 députés socialistes dans l’opposition- la gauche ne compte plus qu’une soixantaine de députés…sur 577 ! Mais la vie parlementaire risque d’être très animée.

La feuille de route du gouvernement disposant de tous les pouvoirs est chargée.
61% des Français sont hostiles à la liquidation du droit du travail qui protège les salariés ainsi qu’à la régression des libertés publiques sous couvert de renforcement de l’état d’urgence permanent. Entre autres.

Avec moins de 15% de représentativité réelle du pays, ce gouvernement ne peut avoir de légitimité pour procéder par ordonnances (« pour gagner du temps ») et passer outre la volonté populaire qui lui a clairement refusé sa confiance, qu’il le veuille ou non. Qu’il consulte le peuple par référendum sur des sujets de cette importance ! Aucun chèque en blanc ne lui a été décerné, si ce n’est celui de tenir compte de la volonté de la majorité du peuple.

Encore faut-il le consulter sur des sujets qui lui parlent ? Pas lui demander de voter pour le gouvernement pour qu’il puisse gouverner…c’est un peu court, ou « le renouvèlement…les têtes nouvelles…la société civile…la fin des partis traditionnels…la jeunesse et le style du président… » Surtout quand on reprend les mêmes ou presque pour accélérer ce qui n’avait pas marché sous le gouvernement précédent : l’austérité en premier, les inégalités accrues, les services publics sacrifiés, le chômage qui ne se réduit pas, la précarité généralisée…etc !

Ils veulent nous faire renoncer au progrès social, écologique, démocratique sous l’effet d’une crise qu’ils alimentent, leur crise, celle du capitalisme qu’ils savent ne pas pouvoir réguler et qu’ils veulent sauver malgré tout parce que, paraît-il, il n’y aurait rien d’autre pour le remplacer !! Même le pape leur dit que le capitalisme n’est pas la fin du monde mais qu’il y concourt en inculquant le fétichisme de l’argent-roi. Les excès et leurs effets sur les hommes et la planète lui sont congénitaux.

Il reste aux hommes à en décider et à la gauche de transformation de la société à ouvrir le chemin de nouvelles perspectives, de nouvelles formes d’expression pour mieux résister à ce qui y fait obstacle, par le rassemblement le plus large et par la voie démocratique.

René Fredon

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