« La France est-elle préparée à une nouvelle pandémie ? Pourquoi alertons-nous encore
et toujours ? »

« Nous sommes prêts ! »
Tout le monde se souvient de cette annonce osée et risquée de l’ex Ministre de la Santé, Agnès BUZYN le 21 janvier 2020, alors que de nombreux services d’Urgences de France en grève depuis 2019 alertaient encore et toujours , on connait la suite .
Une crise est toujours une période où le passé présente sa note et démasque enfin les responsabilités cachées et protégées au regard de tous.
Cinq ans après la pandémie du Covid-19 , « la France est dans un oubli qui confine au déni, les autorités n’ont pas su tirer les leçons de la crise sanitaire » écrit dans le Monde ce Jeudi 27 Février 2025 le Professeur William DAB , ex Directeur Général de la Santé de 2003 à 2005 .
L’instruction de la Cour de justice de la république visant les trois Ministres , Agnès BUZYN, Olivier VERAN et Édouard PHILIPPE, ne donnera pas finalement droit à un procès, elle est une opportunité pour poursuivre ailleurs que des fautes individuelles dans la recherche de causes systémiques et organisationnelles, précise-t-il .
La petite musique « la France n’a pas fait pire que ses voisins » est fausse , poursuit William DAB, l’excès de mortalité était d’autant plus faible que les pays avaient pris des mesures tôt et les seuls pays proactifs étaient parvenus à être efficaces, la France n’en fait pas partie , elle appartient aux pays qui ont attendu la saturation hospitalière pour agir .
Entre 2005 et 2011 l’état avait construit un dispositif d’alerte contre les épidémies suite à la menace du SRASS et de la grippe H1N1, ce dispositif a été déconstruit comme si le risque avait disparu et qu’il fallait s’arrêter de s’assurer contre le risque d’incendie puisqu’il n’y en avait plus eu.
« L’état n’a pas de cartographie des risques, il a des institutions de sécurité sanitaire, mais pas de politique de sécurité sanitaire » alerte l’ex DG Santé, au même titre que nous ne sommes toujours pas inscrits dans une culture du risque au regard des tensions de ce monde nouveau .
Pour éviter la panique en situation d’incertitude, une erreur fréquente consiste à vouloir rassurer et éviter de dire la vérité ,Olivier VERAN déclarait : « Je n’ai pas besoin de vérifier que la France est prête, elle l’est, car nous avons un système de santé extrêmement solide » , ces erreurs ont eu un effet redoutable, détruire la confiance en la parole politique et publique , quand la situation s’aggrave , la crise s’amplifie parce que les citoyens ont le sentiment qu’on les trompe. Dans le chaos se rajoutent alors les facteurs conjoncturels et structurels mais aussi la responsabilité d’un manque de vision et d’anticipation pour devoir protéger les populations .
Au-delà des améliorations en matière de veille et de surveillance sanitaire et de gestion des stocks stratégiques , écrit le Monde, « la plupart des acteurs de la crise sanitaire estiment que la France n’a pas mené de véritable retour d’expérience sur le Covid-19 », la période de grippe hivernale banale que nous venons de vivre avec le déclenchement de procédures « Plans Blancs » dans 87 hôpitaux de France pour y faire face en témoigne au grand jour et de manière surréaliste !
La crise du Covid-19 ne sera pas la dernière crise comme les scientifiques s’accordent à le reconnaitre en sus de toutes les autres crises que devra porter le système de Santé dans un monde nouveau en surchauffe qui inquiète, anticiper ces risques et leur gestion est plus que jamais une nécessité.
« Nous n’avons pas tiré les leçons et les enseignements de cette crise sanitaire » observe Jean CASTEX ex Premier Ministre entre juillet 2020 et mai 2022 , et regrette avec l’ensemble des acteurs sanitaires qu’il n’y ait pas eu de véritable retour d’expérience au niveau national alors « que ce bilan pour l’avenir est indispensable » .
Alors que neuf ministres de la santé se sont succédés depuis 2020, (un record !) ,et que 6000 lits ont encore été fermés depuis 2023 , les Soignants font toujours état d’un système de santé en crise en particulier à l’hôpital où tous résistent au quotidien et continuent de faire de leur mieux.
Les efforts de réformes et de restructurations engagés sont jugés « insuffisants » par François BRAUN ancien Ministre de la Santé de juillet 2022 à juillet 2023, rejoint par Agnès BUZYN, elle aussi ancienne Ministre qui met en avant l’importance du facteur humain : « Je ne crois pas en la réorganisation du ministère de la santé, ce ne sont ni les organisations ni les procédures qui gèrent une crise, ce sont les hommes et les femmes » ce que confirment tous les acteurs de terrain pour le vivre, « La DGS Direction générale de la santé n’a pas le poids politique pour coordonner une crise » estime de son côté Bernard JOMIER, Sénateur de PARIS, à l’image de nombreux élus.
« Il faut une parole publique crédible et une appropriation par les citoyens sinon vous ne pouvez pas lutter efficacement contre une pandémie » poursuit-il, ajoutant un élément essentiel des défis de société en matière sanitaire qui s’annoncent, celui de la confiance à retrouver et du débat de démocratie sanitaire qui nous attend c’est-à-dire du respect et de la considération en la légitimité de ceux qui ont été élus et non plus de celles et ceux qui non élus ont pesé en responsabilité sur le drame des 170 000 morts du Covid-19 .
« In fine, ce qui conditionne la capacité de la France à faire face à une pandémie, c’est avant tout l’état de l’hôpital public et nous sommes en moins bonne situation en terme d’effectifs soignants que lors de la première vague, on a une vraie fragilité aujourd’hui » prévient Pierre PARNEIX médecin et membre de la commission PITTET.
La France est-elle préparée à une nouvelle pandémie ? Pourquoi alertons-nous , toujours et encore ?
Parce que le monde et sa violence s’invitent avec fracas sur le secteur de la santé sans trop savoir où l’on va.
Les alertes et lettres ouvertes adressées à nos élus et dirigeants étaient déjà écrites sous le sceau de la gravité, que dire aujourd’hui de ces alertes au regard des changements radicaux et violents qui viennent percuter de plein fouet notre monde et nos existences ?
Dans un contexte mondial de désengagement touchant le secteur de la santé et la sortie de l’OMS ( Organisation mondiale de la Santé ) par le Président des États-Unis , Donald TRUMP, plus que jamais les risques sanitaires vont peser sur les démocraties et les choix de société que devront faire nos concitoyens ou ne pas faire.
Le gel des financements de programmes de santé par l’Agence des États-Unis pour le développement international ( USAID) « constitue une menace pour la santé mondiale » alerte Patrick BERTRAND Directeur exécutif pour une ONG française . « Les Ministères de la Santé sont inquiets car les systèmes de soins qui sont déjà en forte tension vont être totalement déstabilisés, les pouvoirs publics vont devoir revoir leurs priorités pour compenser le retrait américain » . Le choc est immense et brutal, l’ordre est donné d’arrêter tous les programmes. Le danger est d’assister au recul des progrès accomplis dans la lutte contre les maladies infectieuses principalement en Afrique . « L’apparition de résistances dues à l’arrêt des traitements et l’interruption des programmes de vaccination nous préoccupent énormément , avec le retrait des Américains de l’OMS , le contrôle des futures pandémies est mis en péril ».
Personne ne connait l’impact humain de ce « Stop order » américain suivi de la réduction partout à travers le monde de l’aide au développement ni comment compenser le désengagement du plus gros donateur financier auprès de l’OMS et les conséquences sanitaires à travers le globe ni sait qui pourra pallier ce manque de moyens Sur 6,8 milliards de dollars de budget global de l’OMS, les États-Unis en financent 22% , sans compter l’alliance pour le vaccin et la vaccination à travers le Monde (GAVI ) amputée de son budget .
Dans cette nouvelle vision du monde selon ces projections sanitaires et de crises à venir le rappel au réarmement des systèmes de santé va inévitablement suivre l’appel du monde de la défense et des efforts budgétaires militaires en terme de PIB.
Depuis des mois les Soignants alertent au plus haut niveau sur cette nécessité de réarmement de l’hôpital public et du système de santé en première ligne et au front de toutes les crises, leur démarche visiblement prémonitoire est devenue une réalité.
Nous étions bercés par le déni et l’incapacité de tirer les leçons d’une crise sanitaire , nous changeons de monde et de repères planétaires pour affronter à un tout autre niveau d’exigences et d’obligation de préparation un monde que l’on n’imaginait pas et que l’on ne voulait pas voir, il est là.
La santé au-delà de nos préoccupations personnelles vient percuter et bousculer comme jamais au sein de nos sociétés nos existences et le réel.
Quelle santé voulons nous pour quel niveau d’exigences et de protection de nos populations est la question de société essentielle et prioritaire qui se présente désormais ? La santé n’est plus un enjeu à part entière mais un enjeu de démocratie sanitaire au sein même de notre démocratie . Saurons nous établir cette prise de conscience générale dans une société de l’indifférence aux autres ?
Ce débat de démocratie Sanitaire au plus près de nos élus et représentants politiques dans un rapport de responsabilité réciproque et collective est le défi majeur qui arrive .
De toutes les leçons à retenir une est donc devenue capitale : « Sans le soutien ni un réel sursaut de l’opinion publique endormie et aréactive qui s’est habituée au pire, toute mesure restera inefficace » .
« Le lien entre la parole politique, nos institutions, et l’opinion publique, est essentielle » insiste le Sénateur Bernard JOMIER, conscient de cette fracture et de la perte de confiance atteintes entre tous et confirmées récemment par le Cevipof ( 80% des Français se disent en défiance avec leurs parlementaires ) , les actes seuls plus que les paroles décideront de notre avenir .
La Santé se positionne aujourd’hui plus que jamais au regard des enjeux du monde et du poids de ses actions comme LE domaine de démocratie par excellence et devra dépendre par définition du choix et des décisions légitimes de celles et ceux qui ont été élus et non plus par celles et ceux qui non élus ne pourront plus être légitimes surtout quand ils parviennent à échapper à tout devoir de responsabilités , responsabilités qui elles restent du domaine de tout citoyen que nous sommes tous.
« Gouverner c’est anticiper et prévoir l’avenir , la santé vient s’inviter avec la défense au rang des priorités et du courage de nos gouvernants pour affronter le monde nouveau qui se dessine à vitesse accélérée et qui n’attend pas »
Le rapport de la CIA qui informait tous les quatre ans les gouvernants de ce monde ne savait pas qu’il allait être dépassé par la vitesse des événements du monde : « 2040 vers un monde en crises de plus en plus contesté et violent », il est réactualisé par le résultat des dernières élections présidentielle avec l’élection de Donald TRUMP. Les crises et les risques politiques, sociétaux, sanitaires, climatiques, religieux, économiques, géopolitiques et stratégiques y étaient mentionnés pour les vingt ans à venir . Ils sont à revoir à un tout autre niveau au titre des enjeux planétaires pour tous les dirigeants du monde .
Nos gouvernants sont attendus et observés plus que jamais , ils le savent , et savent surtout en ces temps de profonds bouleversements et de changements de paradigmes qu’ils seront jugés sévèrement et dans l’obligation d’agir et vite .
La vraie gestion des risques et des crises a changé de monde et oblige notre santé à s’y adapter et s’y préparer dans un rapport de forces que personne n’avait pensé ni appréhendé, il sera de toute évidence à l’image des événements à affronter, violent .
Pour affronter « ce monde des crises et des risques qui durera » il nous fallait absolument nous RÉARMER, à notre petit niveau, les réponses en retour étaient bien rares . Nous changeons de dimension planétaire des risques , le déni percuté par les réalités nous conduit à devoir répondre à un tout autre niveau de risques et de craintes, vite , très vite, et les actions vont devoir être au rendez-vous !
S’il y a bien une période où les décisions irresponsables prises dans le domaine de la Santé pour faire des économies , alors que la santé en période de crises permet aux pays de tenir debout, ce sont bien les temps à venir qui se profilent , irresponsables s’abstenir.
Dr Vincent CARRET
AMUF VAR