Très attendue et enfin présentée sans mise en scène pour cause de Covid, la représentation de la Bohème mardi soir a tenu toutes ses promesses. Une salle qui aurait pu être plus dense a accueilli avec chaleur et même enthousiasme le plateau vocal, l’orchestre sur scène, les chœurs et les chœurs d’enfants.
Les absents ont eu tort car même sans décors ni scénographie la musique de Puccini est naturellement émouvante et souligne, de pupitres à pupitres, une narration dramatique évidente et efficace, les amours contrariées de la petite cousette Mimi et du poète bohème Rodolfo dans le Paris de 1830 selon Henri Murger.
Un plateau vocal bien homogène
La première qualité de la soirée fut la perception d’homogénéité que l’on a ressenti dès le premier acte à travers la fluidité des interventions des protagonistes et une direction attentive de Valerio Galli que l’on sent fort à l’aise dans cette musique italienne.
Davide Giusti a été un splendide Rodolfo. Clarté du timbre, beauté du fraseggio, legato parfait Dès son premier air « Che gelida manina » avec un contre ut percutant bien négocié et des demi-teintes moirées, il a soulevé l’enthousiasme. Sa prononciation de l’Italien parfaite et un élan lyrique qu’il a su maintenir tout au long de la soirée confirment sa place de premier plan parmi les jeunes ténors italiens actuels. Une plus grande sobriété de gestes aurait mieux servi sa musicalité naturelle.
La tendresse poignante du dernier acte
Adriana Gonzalez Premier Prix et Prix de la Zarzuela au Concours Operalia 2019 s’est frayée un chemin conséquent en Europe, en passant notamment par l’Académie de l’Opéra national de Paris et l’Internationales Opernstudio de l’Opernhaus Zürich. Verdi et Mozart – dont une Comtesse (Les Noces de Figaro) à l’Opéra national de Lorraine en 2020 – n’ont plus de secrets pour la soprano guatémaltèque, qui devient une spécialiste reconnue de Puccini : après Liù (Turandot) en 2019 ici même, elle incarnait Mimi rôle dans lequel elle a fait ses débuts en juin 2021 au Gran Théâtre du Liceu de Barcelone. Disons immédiatement qu’elle a été à la hauteur de son partenaire. Disciple avouée de Montserrat Caballé et Tebaldi, elle a pris de son maître Inaki Encina Oyón la pureté des notes filées, la musicalité naturelle. Une voix puissante et même impérieuse dans le beau « Sono andati » du dernier acte.
Elégance et finesse de la caractérisation, Mariam Battistelli soprano, a tenu le rôle de Musetta avec charme. Dotée d’un aigu éclatant et d’une belle ligne de chant, elle a su faire évoluer sa prestation allant de la fougue insouciante à la tendresse poignante du dernier acte.
Musicalité et sens tragique
Les voix d’hommes ont servi l’œuvre avec jeunesse et engagement. Un beau Marcello de Devid Cecconi au timbre large et au lyrisme chaleureux ; Jean Luc Ballestra dans un Schaunard convainquant ; Colline de Federico Sacchi généreux et fortement applaudi dans l’arioso de la « Vecchia Zimmara senti » interprété avec musicalité et sens tragique. Prestation remarquée de François Harismendy dans Benoit et Alcindoro.
Choeurs et orchestre de Toulon irréprochables y compris les chœurs d’enfants de la Maîtrise de l’Opéra de Toulon et du Conservatoire TPM bien préparés par Christophe Bernollin, Luca Capoferri assistant à la direction musicale et Hélène Blanic pianiste cheffe de chant. L’ensemble placé sous la baguette de Valerio Galli que l’on avait déjà apprécié a Toulon dans l’Heure Espagnole de Ravel. Un chef d’orchestre vigilant laissant s’épanouir le chant sans couvrir les voix.
La subtile orchestration puccinienne
Il est certain que la disposition proposée pour respecter les injonctions sanitaires, c’est-à-dire avec les chanteurs dans le dos, est gênante pour le chef et qu’elle induit certains décalages perceptibles. D’une façon générale elle impose des tempi un peu lents pour assurer la cohésion rythmique. Valerio Galli a su surmonter ces difficultés par une battue souple laissant émerger de la subtile orchestration puccinienne, déjà pré-impressionniste, des traits solistes de qualité et des prestations généreuses des différents pupitres, premier violon, bois, flûte, clarinette basse, basson, timbales, cors d’harmonie.
En somme une Bohème émouvante accueillie avec chaleur et servie avec ferveur.
Dernière représentation vendredi 4 février 20h Opéra de Toulon
Jean François Principiano