La bataille de Semiramis

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L’événement culturel de l’été 2019 était donc la nouvelle production de Sémiramis de Rossini  par Graham Vick au festival international de Pesaro.

Impeccablement interprétée par des artistes venus du monde entier (Jicia, Abrahamyan, Di Pierro, Siragusa, Artamonov) et merveilleusement mis en place musicalement par l’orchestre symphonique de la Rai sous la direction de Michele Mariotti, la production a cependant soulevée une  violente tempête de contestations (huées prolongées lors de la première). Et pourtant il aurait fallu quelques connaissances sur la biographie de Rossini et sur la Kabbale juive pour que tout soit plus clair. En fait le public a été choqué par la présence d’un ours géant et par la richesse des symboles cabalistiques et ésotériques introduits par le metteur en scène, qui a eu le tort de ne pas être explicite.

Un monde sémitique
Semiramis d’après Voltaire évoque la tragique fin de la Reine de Babylone tuée par son propre fils dont elle était amoureuse sous les traits du jeune héros Arsace.

De Rossini, né à Pesaro en 1792 et mort à Paris en 1868 nous savons maintenant par les dernières recherches, qu’il descendait d’une famille de marranes (des juifs convertis de force) et dont le vrai nom hébreux était Rochini, devenant Rossini lorsqu’ils s’installèrent  sur les bords de l’adriatique. Or  Rochini en hébreux  désigne l’ours des cavernes. Dans la kabbale d’Aboulafia, un animal qui hiberne et se réveille au printemps. Comme le Scarabée égyptien, il est donc  le symbole-totem de l’éternité. Ce qui explique la présence d’un décor unique présentant un immense ours. Un ourson apparaît à son tour sur scène aux couleurs d’Israël, bleu  et blanc avec les douze bandes alternées représentant les douze tribus. A plusieurs moments clefs la scéne est plongée dans une lueur vert turquoise qui, toujours, selon la Kabbale  symbolise l’introspection.

Des symboles du monothéisme
Autour des protagonistes,  trois symboles du monothéisme ésotérique apparaissent : les sadhous indiens, les Rose-Croix européens et les carbonari de l’Italie de l’époque (cousins des  francs-maçons). La lecture de l’œuvre devient claire. Arsace, le fils perdu, tue sa mère pour se libérer de la pression inconsciente d’un matriarcat traditionnel. Ah les mères juives ! Il peut enfin régner sur un monde réconcilié mais dominé par le monothéisme. Freud n’est pas loin…Rossini n’a jamais nié son « hébraïsme secret» et c’est le seul compositeur avec Schoenberg à avoir composé un opéra sur Moïse dont la célèbre prière dérive d’un chant synagogal méditerranéen. (vidéo).

Hommage à Alberto Zedda
Au cœur de la représentation un immense portrait les yeux bandés d’un trait rouge sang sert de toile de fond tandis qu’à l’entrée on distribue une citation de Zedda, ce musicologue fondateur du Festival. A ce moment précis l’ours géant réapparait sur la gauche, souillé d’une main sanglante, symbole de l’antisémitisme. Avant l’épilogue, le chœur chante « In questo augusto soggiorno arcano inaccessibile all’uom profano » L’un invisible domine désormais le monde.   L’œuvre s’achève sur une exaltation de la libération et du bonheur  retrouvé. « Vieni Arsace al trionfo. »

Il est dommage que cette mise en scène subtile et riche soit restée impénétrable aux profanes détracteurs,  trop souvent habitués à l’évidence des misérables oripeaux des péplums lyriques. Cette banalité qui encombre, trop souvent,  la scéne lyrique internationale !

Jean-François Principiano

 

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