Dans un grand journal du Sud Est, une pleine page, ce mardi 20 septembre 2016, la 18, titrant sans le moindre point d’interrogation, sur toute la largeur : « Le prochain président sortira de la primaire de la droite… »
Cette affirmation, signée par un journaliste, a tout de même de quoi surprendre. Elle est même renforcée par le sous-titre : « C’est ce que pensent 84% des personnes interrogées… »
A l’appui de cette « démonstration » si peu sérieuse, une infographie avec les photos des neuf « personnalités politiques suscitant le plus de soutien ou de symapthie » (ce n’est pas la même chose !) avec dans l’ordre Juppé, Macron, Bayrou, M. Le Pen, Mélenchon, S. Royal, M. Aubry, C. Taubira, Lemaire…tous à la hausse.
Il y a même un graphique « des plus rejetés » où l’on retrouve parfois les mêmes !! M. Le Pen, C Taubira, M.Aubry, Mélenchon…
Première observation : les 84% du sous-titre, on les retrouve deux fois dans les 22 pages de « l’enquête ». A la page 9, popularité de François Hollande, 84% des sondés pensent que ce n’est pas un bon président. Et à la page 6 sous cette forme : « Primaire de droite : les Français veulent massivement y participer car ils sont persuadés (84 %) que le vainqueur a de grandes chances d’être élu Président en 2017 et ils veulent le choisir… »
Comme si le « sondage » au 15-16 septembre était forcément représentatif du vote des français dans huit mois, puisqu’on vous le dit ? Les sondés deviennent les Français et, dans la foulée, ils sont estimés à 3 à 5 millions à vouloir être de la fête qui va désigner le futur Président ! Pour qui nous prend-on ?
Comment appelle-t-on ce procédé ? Sinon de la manipulation ou du conditionnement.
Du journal d’abord, à quel niveau ? On peut se poser la question sans que tous les journalistes soient suspectés de la même démarche. Car qu’est-ce qu’induit un tel titre aussi directif ? Que le prochain président sera issu de la droite. « Mais ce n’est pas le journal qui le dit, ce sont les sondés » ne va-t-on pas manquer de nous rétorquer.
Manque de pot, ce n’est pas ce que répondent les sondés. Jamais la question ne leur a été posée en ces termes. Mais qui le sait ? Le détail de l’enquête était sous embargo jusqu’au…20 septembre, date de parution de cette page. Allez vérifier : http://www.odoxa.fr/barometre-politique-primaire-de-droite-les-francais-veulent-y-participer-mais-nen-connaissent-pas-les-modalites-precises/
Le but de l’enquête : susciter la participation des Français à la primaire de la droite, pas le pronosticc du résultat de l’élection présidentielle. En réalité, l’institut Odoxa, le tout dernier des instituts de sondage s’était donné pour mission de faire savoir que tous les Français pouvaient voter au primaires de la droite. A son initiative ou à celle d’un commanditaire ? Lequel ?
On peut s’en faire une petite idée quand on sait que cet institut a pour président Gaël Sliman, ex de BVA et qui a une chronique sur BFM Business, à priori une sensibilité libérale assez prononcée. De même Céline Bracq, sur Itélé. C’est bien entendu leur droit. Mais on comprend mieux ce prétendu « sondage » destiné à convaincre des lecteurs de participer à la primaire de la droite où l’on s’étripe joyeusement. Et à leur expliquer comment s’y prendre pour venir choisir le vainqueur. Celui que tu auras choisi et que tu voudras voir gagner. Il y a de la suite dans les idées dans certains sondages.
Et un grand quotidien régional a consacré une page à cette pantalonnade ! Que des politiciens instrumentent les sondages est devenu habituel. Ils peuvent bien aussi instrumenter les « instituts » et même les journaux, ils en possèdent pas mal. Ce qui n’est pas le cas du quotidien matinal en question.
Qu’on se rassure nous ne partons pas en guerre contre les sondages, ni les enquêtes d’opinion en général. Mais il y en a tellement qu’on est en droit d’y regarder à deux fois et de voir ce qui peut y avoir derrière des questions anodines qui, en bien des circonstances appellent certaines réponses plutôt que d’autres.
Si en plus on fait dire aux réponses ce qu’on n’a pas demandé, où va-t-on ?
René Fredon