Gilets jaunes à l’amende : Michel Pottier témoigne…

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Ce retraité de l’Éducation nationale participe, depuis le début courant novembre, au mouvement des gilets jaunes. Il avait répondu naturellement à l’appel de cette forme originale d’expression de la colère populaire, spontanée, non organisée, qui se voulait transpartisane et réunissait des hommes et des femmes de tous âges qui ne se connaissaient pas et qui se libéraient en partageant leur galère et leurs espoirs.

Ce qui les unissait : le sentiment qu’ils comptaient pour moins que rien dans cette société libérale qui n’avait d’intérêt que pour les plus riches et les premiers de cordée dont il fallait admirer la réussite, les autres coûtant cher et se laissant assister aux frais de la république !

Mépris insupportable qui n’a pas disparu même si les rendez-vous du samedi se font plus modestes depuis le « grand débat » et les Européennes qui ont brisé l’élan mais pas du tout résolu les revendications portées pendant plus de six mois par un mouvement qui, isolé mais puissant à ses débuts, commençait à converger avec le mouvement syndical qui porte les mêmes revendications sociales et fiscales notamment.

Que s’est-il passé pour que vous vous retrouviez redevables d’une amende après un contrôle anodin qui remonte au 18 mai ?
M.P « Ce jour-là nous étions une quinzaine sur le rond-point où nous ralentissions la circulation pour communiquer nos revendications. Nous avions mis deux palettes l’une contre l’autre pour y coller  une affiche. Tout se passait du mieux possible. Vers 15 h la police nationale est venue nous contrôler. Une voiture avec 4 ou 5 policiers, qui était passée plusieurs fois et s’est arrêtée. Ils nous ont demandé nos pièces d’identité et nous avons discuté de manière très détendue.

Un des policiers nous expliquait que sa situation n’était guère envieuse et globalement il y a avait de la compréhension réciproque sur les conditions de vie, de salaires, de travail des uns et des autres.

On n’imaginait pas que nous serions convoqués au commissariat deux jours après. On s’y est retrouvés à huit, quatre participants n’avaient pas été contrôlés, ils étaient allés chercher du café ».

Les policiers ne vous avaient pas prévenus ? Quel en était le motif ?
M.P « Nous nous sommes donc retrouvés le lundi au commissariat de Toulon mis de fait en garde à vue plusieurs heures et nous avons été relâchés en même temps après un petit séjour en cellule, plus ou moins long, selon notre heure d’arrivée. Le mien a duré 8 heures.
On a su qu’on allait nous faire « une proposition de composition pénale »…On ne comprenait pas très bien. Le motif : « entraves à la circulation ». Alors que nous n’avons jamais bloqué le rond-point, ralenti seulement, avec le plus souvent la compréhension et la sympathie des conducteurs, femmes ou hommes. Et il n’y a jamais eu de dégradations.
On nous a remis une convocation pour le 8 juillet à la Maison de la justice de la place Besagne à Mayol. La déléguée du procureur de la République nous a clairement dit que nous n’avions pas le choix : nous devions payer une amende de 300 euros, sinon nous irions en correctionnelle et l’addition serait plus lourde… jusqu’à 4 500 euros d’amende. Évidemment ça refroidit, d’autant qu’on pouvait négocier un échelonnement. Personne n’a contesté mais nous en avions gros sur le coeur.

Comme quoi le droit de manifestation est très relatif. Et c’est encore au porte-monnaie des plus modestes qu’on touche ».

Pensez-vous que cette pénalisation peut expliquer la moindre mobilisation à laquelle on assiste ?
M.P« Je ne peux parler que pour moi. Non seulement je ne regrette rien mais je suis toujours disponible pour prolonger un mouvement qui a, d’ores et déjà, permis aux sans-voix de se faire entendre et d’obtenir des acquis non négligeables mais très insuffisants au regard des inégalités. On a plus besoin que jamais de solidarité et d’actions contre un pouvoir qui prend aux plus fragiles pour le donner aux plus riches.

Ma fibre est à gauche et elle y restera. Mais pas à la gauche qui renie ses valeurs et pactise avec les puissances d’argent. »

propos recueillis par René Fredon

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