Les chiffres font réagir : Santé Publique France vient de publier des statistiques inquiétantes sur les infections sexuelles transmissibles chez les jeunes entre 15 et 24 ans. Les infections par chlamydia et gonocoque sont trois fois plus nombreuses qu’en 2012, et les plus touchées sont les jeunes femmes…
Manque d’information, banalisation de ces maladies (même le VIH ne fait plus peur aux jeunes…), ignorance des conséquences, absence de dépistage ? Toutes ces raisons à la fois, sans doute, et la disparition des campagnes nationales en faveur du préservatif…
Sur le parking du Chemin de la Batterie Basse, à Toulon, le camping car du CeGIDD (Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic des infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles (IST)) poursuit sa campagne d’été : donner des informations, répondre aux questions et, éventuellement, effectuer un dépistage avec un résultat en moins de cinq minutes…Ils sont sur les plages, deux fois par semaine et dans les lieux festifs, entre St Cyr et Saint-Tropez, jusqu’à la fin du mois d’Août.
Leur expérience locale confirme les statistiques nationales : les IST repartent à la hausse.
« – C’est un fait : les jeunes – et les moins jeunes – n’ont plus peur des maladies sexuellement transmissibles. Utiliser un préservatif est vécu comme une contrainte », reconnaît le Dr Emmanuel Chevalier, responsable du CeGIDD à l’hôpital Sainte-Musse à Toulon.
« Un jeune sur deux ne sait pas ce que veut dire « infection par Chlamydia ». Les filles, en particulier, ne se préoccupent pas de cette infection qui, le plus souvent, ne se traduit par aucun symptôme, alors qu’elle est plus visible chez les garçons. »
Or, à terme, il peut y avoir des conséquences importantes.
Risques de stérilité
« Dans l’idéal, chaque fois qu’un couple se forme, il serait judicieux d’accepter un dépistage des IST », conseillent Edith Danielli, infirmière et Joelle Duvernay, secrétaire coordinatrice du CeGIDD à Toulon. Dans les lycées où le CeGIDD intervient, ces conseils portent souvent leurs fruits.
Mais beaucoup de jeunes femmes, qui ont souvent plusieurs partenaires, ne pensent pas à l’avenir…
« -L’infection par Chlamydia peut toucher les trompes et entraîner une stérilité quand la jeune femme souhaitera avoir un enfant. Les parents ne sont pas armés pour aborder ce problème, les médecins généralistes n’ont pas le temps de faire de la pédagogie.Et, de toute façon, parler de sexualité demande une formation ! » insiste le Dr Chevalier, qui a lui-même été formé à cette prise en charge.
Informer sans stigmatiser : c’est également la mission d’Isabelle Chambon, psychologue, car l’écoute fait partie du travail quotidien.
Le préservatif reste une arme efficace
L’Hôpital public n’a plus les moyens de lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle. On peut le regretter, mais c’est une réalité. Au plan national, le préservatif n’est plus une priorité comme il a pu l’être il y a quelques années. Parler de sexualité à des adolescents, à des homosexuels, à des populations qui multiplient les relations à risque, à des couples hétérosexuels, demande une adaptation à l’âge et à l’orientation : il ne s’agit pas d’un problème de morale mais de santé publique. Les professionnels de santé travaillent donc en milieu hospitalier, dans les centres du CeGIDD, et sur le terrain, avec des bénévoles de plusieurs associations partenaires, qui s’occupent de prévention des addictions : des moyens réduits, certes, mais une motivation exemplaire et un argument indémodable : le préservatif est toujours d’actualité !
Quant au Dr Emmanuel Chevalier, il réfléchit au développement d’une sensibilisation aux problèmes d’IST dans les réunions de formation continue des professionnels de santé, auprès des internes qui prennent leur service aux Urgences, et, bien sûr, auprès des médias qui ont, eux aussi, un rôle à jouer.
N.F
L’équipe du CeGIDD et son camping-car sur le parking de la Batterie Basse à Toulon.
Ce jour-là, Ingrid Accardo, coordinatrice de l’Association Paramour et Pauline Hermet, bénévole, étaient également présentes.
