Estrosi-Cazeneuve : l’indécente polémique

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Non content d’avoir tenu des propos déplacés -il ne fut pas le seul- après l’ignoble attentat de Nice du 14-7-16 qui a coûté la vie à 84 personnes et fait 300 blessés, le président du conseil régional, ancien maire de Nice, Christian Estrosi a cherché à démontrer que cette tuerie n’a eu lieu qu’en raison du laxisme du gouvernement qui n’aurait pas pris toutes les dispositions nécessaires découlant des deux précédents attentats de Paris (Charly-Hebdo et le Bataclan).

On peut, bien entendu, constater que le dispositif mis en place n’a pas empêché le meurtre de masse, comme précédemment, malgré l’état d’urgence et son prolongement. On peut aussi se demander si la surenchère sécuritaire parviendra à faire reculer cette haine et sa traduction en actes barbares.

Ou si elle ne fera qu’alimenter les peurs ici et la division de la société française poussée par des politiciens irresponsables, à droite et au FN, à des amalgames et à des réflexes identitaires mêlant racisme et xénophobie.

Le gouvernement Hollande n’a d’ailleurs que trop tendance à entendre leurs appels au renforcement sécuritaire et militaire comme si c’était le sésame pour résoudre le problème du terrorisme qui prend sa source dans le chaos que les interventions militaires étrangères -dont la France- ne font qu’aggraver depuis plus de vingt ans. Nos alliés privilégiés au Proche Orient (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie…) jouant un double jeu qui n’échappe à personne sauf aux politiciens qui nous gouvernent et à ceux qui voudraient leur succéder.

Quant à Estrosi, dans le rôle du donneur de leçon insupportable, il ne s’était plus rappelé qu’il avait déjà brillé par sa suffisance quand il était encore maire de Nice et qu’il tenait des propos utiles à rappeler lorsqu’il disait dans une vidéo reprise, après la tuerie, par la 2 au 20 h   : « Avec 999 caméras, une pour 343 habitants alors qu’à Paris il y en a une pour 1532, je suis à peu près sûr que si Paris avait été équipé du même réseau que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interceptés… »

Comme quoi notre champion de la vidéo surveillance et de la police municipale armée devrait faire preuve de beaucoup plus d’humilité, si ça lui est possible !

Son attitude comme celle de Sarkozy, offrant l’Elysée à Kadhafi avant de participer à la curée n’a vraiment pas oeuvré à l’apaisement dans cette partie du monde aujourd’hui embrasée. Je ne parlerai pas de l’intervention de Collard devant les caméras proférant les pires insultes de nature à plaire à tous les va-t-en guerre adeptes des solutions « musclées » qui nous ont justement amenés là où nous en sommes !

Et voilà qu’on assiste, après la tuerie de Nice, à une polémique indigne entre Estrosi et le ministre de l’Intérieur qui a déclaré porter plainte pour diffamation contre la policière municipale qui dit avoir subi des pressions des services de l’Etat pour modifier un rapport sur les circonstances qui ont permis au tueur de circuler aussi facilement avec un camion sans être intercepté. Ce qui induit une défaillance  de la sécurité assurée conjointement par la police nationale et la policie municipale.

Il faut savoir ce qui a pu faillir dans le dispositif de sécurité élaboré en amont en concertation avec la préfecture, la ville et les services de sécurité. Estrosi, resté 1er adjoint en charge, notamment de la sécurité n’y participait pas, en raison de ses nombreuses fonctions. Car il est resté 1er adjoint, président de la communauté de Nice-Côte d’Azur, et député suppléant en plus de président de la région ! Un hyper-cumulard qui ne peut être partout. Et qui tombe, face à un tel drame, dans la polémique politicienne indécente : « c’est pas nous, la ville, c’est eux, le gouvernement qui a failli » pour tenter de raccoler un électorat sensible au « tout sécuritaire ». Les victimes apprécieront.

Il  ne s’agit pas de tomber dans l’angélisme, le laxisme, le laisser-faire comme si on n’y pouvait rien. Ni entretenir l’idée qu’il faudra nous habituer à vivre dans la peur et dans la restriction de nos libertés fondamentales. Non ! Simplement réfléchir à ce qui alimente le terrorisme qui se réclame de l’Islam en le défigurant.  Qui le finance ? Qui lui fournit les armes, la logistique ?

« Tous les promoteurs et artisans de la logique de « guerre des civilisations », depuis Daesch jusqu’à ceux qui prétendent la combattre entraînent notre pays et l’humanité tout entière dans une voie sans issue… » a dit Pierre Laurent, au nom du PCF devant le Sénat, appelant à résister à cette logique meurtrière. « Nous avons, ensemble, la capacité de rejeter le terrorisme et tout ce qui le nourrit, ici en France et partout dans le monde où les guerres et le chaos qu’elles entraînent lui servent de terreau pour son développement… »

Il invitait à réviser en profondeur les choix internationaux de la France pour des évolutions de paix au Proche -Orient et en Afrique auxquelles les peuples aspirent. Et aussi à déclarer en France « l’état d’urgence sociale… »

Paroles de sagesse que les médias n’ont pas relayées. L’espace consacré à Trump -favori du FN- ne le leur permet pas, sans doute ? A moins que ce soit celui consacré à la polémique affligeante pour savoir qui de la police nationale ou de la municipale a failli à sa mission à Nice ?

Estrosi voulait avoir la vedette de la « com » la plus provocatrice, la plus politicienne, histoire de flatter ses électeurs dans le (mauvais) sens du poil. Il l’a eue.

René Fredon

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