« En chemin » au Liberté : L’émotion partagée

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Compte rendu critique du spectacle du 13 octobre 20 h Salle Fanny Ardant
Conception et mise en scène Gustavo Giacosa
Avec Kostia Botkine, Fausto Ferraiuolo, Gustavo Giacosa, Akira Inumaru, Philippe Marien et Francesca Zaccaria.

Dans ce genre de spectacle qui intègre des comédiens différents ou handicapés, on est toujours sur le fil du rasoir. Entre l’émotion que provoque leur présence parfois dérangeante et un certain voyeurisme de condescendance. L’exemple le plus célèbre dans le théâtre contemporain est le Jules César de Shakespeare par Romeo Castellucci qui confia a un handicapé, opéré d’une laryngectomie, le discours d’Antoine, plaçant un micro dans la gorge du comédien. La réussite était due à la justification théâtrale de la scène. Avec « En chemin » de Giacosa, dont on a vu la troisième représentation samedi soir, c’est le même cas. L’émotion purement théâtrale était préservée et partagée par la sincérité du propos, par la justification des interventions.

Références symboliques
Tout dans cette soirée était donc placé sous le signe du cérémonial théâtral partagé. Prenons quelques exemples très réussis : la sobriété de l’introduction, la recherche de l’effet dissimulé, l’alternance séquentielle, sans démagogie ni complaisance, la scène du repas, ou de la danse. Soulignons aussi la qualité de la musique (sur scène et enregistrée) de Fausto Ferraiolo, à la fois prenante et discrète. Ainsi le beau moment du lavement des pieds du père, pure allusion à la Marie Madeleine des peintres italiens. Gustavo Giacosa et Francesca Zaccaria ont ajouté la touche proprement théâtrale dans cet univers dantesque, sorte de cheminement initiatique et labyrinthique à la redécouverte du père. On pourrait insister à plaisir sur les références symboliques (la violence banalisée, l’indifférence mortifère, l’incommunicabilité pirandellienne, l’ironie et le sarcasme des masques animaliers).

Attachant et inspiré
D’une durée ramassée, à peine un peu plus d’une heure, le spectacle suit une trajectoire émotionnelle bien repérable à travers un déroulement séquentiel habile, souligné par des éclairages efficaces. On sent, bien sûr, de multiples influences chez Giacosa, (l’arte povera ou l’art brut de Jean Dubuffet) mais sa personnalité comme acteur et concepteur est évidente. Moins histrionique et provocante que dans certaines œuvres de Pippo Delbono. Plus humaniste que dans les dernières recherches d’Emma Dante. A la fois humble et proche, forte et subtile, elle imprime à tout son travail une tenue exemplaire. Une belle ovation finale, à laquelle ce sont mêlés les applaudissements de Charles Berling, augure d’un retour prévisible, lors des saisons prochaines à Toulon, de Gustavo Giacosa, cet artiste attachant et inspiré.

Jean François Principiano

Production Compagnie SIC.12 / La « S » Grand Atelier
Coproduction Le Liberté, scène nationale de Toulon / Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence / Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban
Avec l’aide de La Maison de la Culture Famenne-Ardenne, Marche-en-Famenne
Avec le concours, en France, du ministère de la Culture/Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur, du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, du conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la Ville d’Aix-en Provence et, en Belgique, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Province de Luxembourg

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